Un expert livre son analyse
Trump ou Biden: quel président serait le meilleur pour l'économie suisse?

Les partis semblent avoir pris leur décision avant même le «Super Tuesday» de mardi: Donald Trump et Joe Biden se disputeront la Maison-Blanche en novembre. Mais quel président américain serait le meilleur pour l'économie suisse? Analyse.
Publié: 05.03.2024 à 10:08 heures
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Dernière mise à jour: 05.03.2024 à 10:16 heures
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Pour certaines grandes entreprises suisses comme les géants de la pharmaceutique Novartis et Roche, les Etats-Unis constituent le principal marché.
Photo: AFP
Olivia Ruffiner et Pamela Beltrame

A nouveau, les États-Unis votent. Chaque quatre ans, il s'agit de décider qui pourra diriger la première puissance mondiale et l'une des plus grandes économies du monde. Un choix aux conséquences directes sur la Suisse et son économie.

On se dirige tout droit vers un nouvel affrontement entre le démocrate sortant Joe Biden et son prédécesseur républicain Donald Trump. A première vue, tous deux défendent un régime diamétralement opposé – et les répercussions sur l'économie suisse ne seront pas les mêmes. Stefan Legge, macroéconomiste et chargé de cours à l'université de Saint-Gall, explique en trois points comment un mandat républicain ou démocrate pourrait se répercuter sur l'économie du pays.

Les États-Unis en tant que partenaire commercial

Les États-Unis sont un partenaire commercial central pour la Suisse, tant en termes d'exportations que d'importations. Au cours du dernier mandat de Trump, le slogan «America first» a été écrit en majuscules. Les droits de douane (punitifs) qu'il a imposés pour favoriser les entreprises nationales et la production américaine ont fortement nui aux entreprises industrielles suisses.

En matière d'accords de libre-échange, Trump est certes considéré comme un élève modèle du point de vue suisse, puisque des discussions ont été menées avec Berne pendant son mandat. Mais les négociations n'ont pas été des plus sérieuses, selon Stefan Legge. Trump ne cherchait pas particulièrement à conclure un accord de libre-échange. Pas plus que Joe Biden actuellement.

Avec ses paquets législatifs de plusieurs milliards et ses subventions pour stimuler l'économie, la politique industrielle de Biden, semble certes très séduisante à court terme pour les entreprises suisses. Mais elle pourrait conduire à long terme à une «course aux subventions», qui confèrerait un avantage concurrentiel aux pays ayant des poches moins profondes. «La course vers le bas est plus facile pour la Suisse que la course vers le haut», assure Stefan Legge, en soulignant que les réductions d'impôts sont beaucoup plus profitables pour une petite économie comme la Suisse.

L'Inflation Reduction Act (IRA) adopté par Biden pourrait compliquer la vie des entreprises pharmaceutiques suisses qui font des affaires du côté de l'Amérique. L'IRA a des répercussions sur les prix des médicaments aux Etats-Unis. Si bien que Novartis, Roche et d'autres doivent renégocier les prix pour le marché américain. Un plafonnement de ces prix est en outre prévu. Or, jusqu'à présent, les médicaments coûtaient environ 40% plus chers aux Etats-Unis qu'en Europe, une affaire lucrative pour l'industrie pharmaceutique helvétique.

La politique militaire des Etats-Unis

En matière de sécurité, l'UE – et la Suisse – dépendent grandement des États-Unis. Comme Trump pense moins idéologiquement et plus à court terme, il pourrait réduire le rôle de l'Amérique en tant que garant de la sécurité en Europe. Stefan Legge renvoie à la citation du sénateur républicain James David Vance, pour qui les Etats-Unis n'ont pas d'alliés, mais des clients. «Ce sentiment est très répandu chez les républicains», explique-t-il.

Selon l'expert, la politique militaire préconisée par Joe Biden semble plus avantageuse. Car le président sortant, à l'instar de nombreux démocrates, considère toujours les Etats-Unis comme des «gendarmes du monde». Même si cela ne fait pas l'unanimité, cette approche est indispensable – précisément parce que «l'Europe n'est pas équipée pour mener sa propre politique de sécurité».

Les Etats-Unis et la politique mondiale

La Suisse est une petite économie qui a besoin d'un ordre basé sur des règles et sur le commerce. Or, Trump incarne tout sauf les règles. La guerre commerciale avec la Chine le prouve. Les «droits de douane punitifs» de Trump sur les importations d'acier et d'aluminium ont entraîné une spirale économique néfaste, car Pékin a notamment répliqué par ses propres augmentations de droits de douane. Et la Grande-Bretagne a, elle aussi, édicté des «droits de douane de rétorsion» sur les spiritueux et autres biens de consommation. «Si l'on passe globalement à une politique de puissance, c'est le plus fort et le plus grand qui gagne. Et nous avons alors la vie dure», estime Stefan Legge.

Biden s'accroche davantage sur le papier à un ordre basé sur des règles, mais la présidence de Trump a été si radicale que le président sortant s'est retrouvé dans l'impossibilité de remettre en cause cette politique de dureté contre les économies étrangères – notamment parce qu'elle est très populaire auprès des électeurs. Il a certes réduit les droits de douane élevés imposés par Trump sur l'acier et l'aluminium, mais uniquement pour les produits en provenance d'Europe. Pour la Chine, il les a maintenus.

L'adoption de la loi dite «CHIPS and Science Act» le 9 août 2022 vise également à nuire à la Chine. Cette loi met à disposition environ 280 milliards de dollars pour stimuler la production nationale de puces électroniques. Or, l'électronique est considérée comme l'un des principaux produits d'exportation de la République populaire de Chine.

Conclusion: Trump a modifié durablement le commerce mondial. À tel point que Biden ne peut plus renverser la situation. Même si Trump est, selon Stefan Legge, le président le plus radical sur le plan de la politique mondiale, une présidence Biden ne profiterait pas plus à l'économie suisse.

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