«Celui-ci est mon préféré!», s'exclame Véronique Rebetez, tout sourire, en sortant un anneau de silicone blanc de sa boîte. On peut remplir l'embout à picots d'un liquide de son choix pour l'explorer avec sa langue et le goûter. «Du miel, du jus de citron ou du sirop de fraise,... Chacun choisira ce qui lui plaît!»
C'est lors de sa dernière année d'études de design à la Haute école des arts de Zurich que l'étudiante de 25 ans s'est intéressée à la sexualité des personnes atteintes de paralysie médullaire, en vue de son travail de Bachelor. Le résultat? Gosio, un set de cinq sextoys qui stimulent les cinq sens. «Nous n'utilisons qu'une fraction de notre sexualité», explique Veronique Rebetez. A partir de ce constat, elle a conçu des jouets sexuels détournant notre attention des organes génitaux pour la porter vers d'autres zones érogènes. Pour les personnes paraplégiques, mais aussi pour toutes les autres.
«Le corps entier est une zone érogène»
Véronique Rebetez n'est elle-même pas handicapée physiquement. Elle a donc travaillé en étroite collaboration avec des spécialistes. Elle s'est aussi entretenue directement avec de nombreuses personnes paraplégiques, «c'est-à-dire les personnes paralysées à partir d'une blessure», explique-t-elle. Les entretiens ont révélé qu'elles ont un accès plus difficile à la sexualité. Pour la majorité des sondés, le fait de ne plus être perçues comme des êtres sexués depuis leur accident était un problème. En effet, qu'il s'agisse de porno ou de sextoys, «quand nous pensons au sexe, nous pensons automatiquement aux organes génitaux et à la pénétration», poursuit la jeune femme.
Or, le sexe se passe aussi dans la tête. C'est pourquoi de nombreuses personnes atteintes de paraplégie apprennent, après leur accident, à érotiser d'autres zones. Par exemple les oreilles, la nuque, les mamelons,...autant d'endroits où la peau est particulièrement sensible. En touchant régulièrement ces parties du corps, la tête finit par les associer à l'excitation. Ainsi, la capacité à ressentir un plaisir et une excitation intenses se maintient. «Car tout le corps est une zone érogène. Nous n'en utilisons tout simplement pas la majeure partie!», regrette Veronique Rebetez.
Un sextoy par sens
C'est précisément pour ces zones érogènes, jusqu'ici trop peu connues, que l'étudiante a développé ses sextoys. Un pour chacun de nos sens, car «plus les sens impliqués sont nombreux, plus nous vivons une expérience riche», éclaire-elle.
Elle sort un bracelet de sa boîte. Un petit appareil est attaché à celui-ci. Il enregistre les bruits spécialement générés lors de l'acte sexuel ou de la masturbation. «Ceux-ci sont amplifiés accoustiquement et transmis à des écouteurs, que l'on porte soi-même ou que l'on pose sur l'autre personne. Cela peut être très intime et stimulant». La designer offre une stimulation visuelle à l'utilisateur grâce à un bandeau noir à franges. «On ne peut jeter que des regards brefs et aléatoires sur ce qui se passe, ce qui stimule la vue».
Pour le toucher, Véronique Rebetez a imaginé une pierre en céramique agrémentée de fins picots. Cette dernière est glissée sensuellement sur la peau. «La céramique peut être chauffée ou refroidie pour donner un certain effet». Enfin, un plumeau, qui peut servir soit à chatouiller, soit à caresser, et que l'on asperge de ses odeurs préférées pour éveiller l'odorat.
Des jouets qui n'excluent personne
Les sextoys s'adressent à toutes les personnes, qu'elles soient paraplégiques ou non, insiste la jeune femme. Son objectif est de développer des sextoys qui n'excluent personne. «L'érotisme peut être encore plus passionnant si nous nous détachons de la sexualité génitale! Il faut juste oser s'aventurer sur ces terrains-là», nous glisse-t-elle.
Le sextoy-set Gosio n'est encore qu'un prototype. Depuis septembre dernier, l'étudiante travaille comme assistante d'enseignement à la Haute école des arts de Zurich. Elle s'imagine toutefois très bien se lancer ensuite dans le milieu des sextoys. «C'est un domaine tout nouveau pour le design. Je n'ai trouvé qu'un seul livre de base pour mon travail. Il a un grand potentiel, et je serai heureuse de faire partie de ce développement», sourit-elle.
(Adaptation par Lauriane Pipoz)