A peine entré en fonction, le président américain Donald Trump prend tout de suite les choses au sérieux: il a déjà signé toute une série de décrets, dont un qui risque d'avoir des conséquences importantes pour la coopération internationale au développement. Le président américain a ordonné une pause de 90 jours dans les dépenses d'aide au développement. Il veut d'abord vérifier l'efficacité des projets et leur compatibilité avec son agenda de politique étrangère.
Vendredi, le ministère américain des Affaires étrangères a même décidé de stopper immédiatement toute nouvelle dépense d'aide à l'étranger et de suspendre les travaux de presque tous les projets. Il n'a pas été précisé si les fonds déjà approuvés étaient également concernés par cette décision.
La Suisse impactée
La décision de Trump devrait aussi avoir des répercussions sur la coopération suisse au développement. La Direction du développement et de la coopération (DDC) et l'Agence américaine pour le développement international (USAID) collaborent actuellement sur trois projets: le Mali, le Kosovo et la Serbie. Pour ces deux derniers, les Etats-Unis apportent une contribution totale de 16 millions de dollars US, soit deux fois plus que la Suisse. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) coopère également avec les Etats-Unis dans le cadre de projets de gouvernance économique.
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), pour l’heure, reste prudent. Interrogé, il estime qu’il est trop tôt pour évaluer l’impact concret des décrets de Trump.
«Cela serait fatal»
Les organisations suisses redoutent les conséquences d’un retrait des Etats-Unis de la coopération multilatérale et bilatérale: «Cela serait fatal», avertit l’organisation faîtière Alliance Sud. Selon elle, les multiples crises actuelles nécessitent davantage d’aide humanitaire, un engagement renforcé contre le changement climatique, ainsi que plus de ressources pour lutter contre la faim et la pauvreté.
Bernd Nilles, directeur d'Action de Carême, estime également que les répercussions seraient graves. Dans des pays comme le Kenya ou le Guatemala, où l'organisation intervient, des fonds pourraient faire défaut, mettant en péril les projets de développement. Cela pourrait signifier soit l'arrêt des projets, soit la nécessité d'une recherche d’un financement alternatif.
«Risque de conséquences massives sur des millions de personnes»
Des organisations d'entraide suisses comme EPER, Helvetas ou Solidar Suisse collaborent étroitement avec les Etats-Unis dans le cadre de différents projets. Solidar Suisse, par exemple, mène actuellement trois projets entièrement financés par USAID dans des pays comme la Malaisie, le Népal, la Thaïlande et le Cambodge. L'organisation espère que les contrats existants seront respectés par les Etats-Unis: «Mais s'ils décident de rompre les contrats et de se retirer des programmes en cours, cela aurait des conséquences massives sur la vie des millions de personnes résidant dans les régions où les organisations opèrent.» L'impact réel ne pourra toutefois être évalué que lorsque les Etats-Unis communiqueront officiellement la manière dont ils entendent poursuivre la coopération.
Bien qu’Helvetas souligne que l’approche à long terme de la coopération suisse offre une certaine stabilité, l'impact d'un retrait américain demeure incertain. Les Etats-Unis sont en effet l'un des principaux donateurs internationaux dans le domaine de l’aide au développement, avec un budget annuel de 65 milliards de dollars US, à égalité avec l'Union européenne.
Une décision aux conséquences géopolitiques
Si ce soutien venait à cesser durablement, les conséquences géopolitiques pourraient être lourdes. Helvetas et Solidar Suisse redoutent que des pays comme la Chine, la Russie ou l'Arabie saoudite prennent le relais, mais avec une attention moindre pour des enjeux mondiaux tels que la protection de l'environnement et du climat. Cela risquerait de favoriser le protectionnisme, la concurrence accrue et un réarmement, avec pour effet une aggravation des inégalités et de la pauvreté.
De plus, la réduction des budgets de coopération au développement en Suisse et en Europe rend cette situation encore plus préoccupante, souligne Helvetas.