Trois ans après «No Billag»
L'UDC s'attaque à l'«orientation idéologique des rédactions» de la SSR

Selon des informations de Blick, l'UDC envisage une nouvelle initiative populaire contre la SSR. Dans le viseur: la redevance, toujours, mais désormais aussi la «composition des rédactions».
Publié: 06.06.2021 à 09:50 heures
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Dernière mise à jour: 06.06.2021 à 18:27 heures
Simon Marti

Pour comprendre l'ire de l'UDC, il faut revenir à mardi dernier. L'émission «Le Club» sur la chaîne alémanique SRF 1 avait pour sujet l'abandon de l'accord-cadre. Or, alors qu'il s'agit d'un thème-phare du parti agrarien, aucun représentant UDC avait été convié sur le plateau.

La réaction du parti a fusé. Dès le lendemain, l'UDC a annoncé le dépôt d'une plainte auprès de l’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision (AIEP). Motif: la SRF aurait «exclu du débat public» l'UDC et ne voudrait pas reconnaître ce succès au parti, qui s'est de longue date engagé contre l'accord-cadre.

Le plateau du «Club», de la SRF. L'UDC était absente de cette émission dédiée au sujet de l'accord-cadre.
Photo: SRF Screenshot

L'UDC a ensuite évoqué des «mesures politiques», sans toutefois définir de quoi il devait s'agir. Nos collègues de SonntagsBlick le révèlent: le parti prépare une nouvelle initiative populaire contre la SSR. Thomas Matter (UDC/ZH) confirme que des discussions ont déjà eu lieu au sein du comité de direction du parti.

Une tendance «gauchisante» à la SSR

Trois ans après le rejet de l'initiative «No Billag», qui demandait la suppression de la redevance de radio-télévision, la SSR est à nouveau au centre de la scène politique. Et contrairement à 2018, c'est l'UDC elle-même qui monte au créneau.

Autre nouveauté, et de taille: ce n'est plus «que» la redevance qui est attaquée, mais désormais aussi «l'idéologie des rédactions». «Depuis No Billag, la gauchisation de la SSR n'a fait qu'empirer. Avec ce débat autour de l'accord-cadre, une ligne a été franchie», estime Thomas Matter. «Si une émission politique sur le climat devait avoir lieu sans les Verts, ceux-ci se déchaîneraient. A juste titre!»

Le traitement des débats politiques est depuis longtemps dans le collimateur de l'UDC. «La SSR n'est pas objective. Ni avec les initiatives agricoles, ni avec la loi sur le CO2», juge le Zurichois. Quant au fait que des partis soient écartés à tour de rôle du débat, Thomas Matter n'en a cure. «Que personne ne me dise que l'ambiance est favorable au camp bourgeois à la SSR.»

La direction de la SRF réagit

Dès les premières critiques mercredi, la direction de la SRF a réagi, assurant qu'elle ne laisserait «aucun parti dicter qui serait invité ou non» à une émission. «Il y a toujours eu des tentatives de pression, et elles ont augmenté récemment», a estimé Gregor Meier, rédacteur en chef adjoint. «Nous ne faisons pas de reportage tendancieux et ne violons pas le devoir de diligence des journalistes.»

La tour de la SRF, à Zurich.
Photo: Siggi Bucher

Une déclaration qui laisse l'UDC de marbre. Selon Thomas Matter, le parti prévoit deux projets d'initiative populaire. L'un demande la réduction de la redevance annuelle de 365 à 200 francs et l'exemption pour les entreprises.

L'autre, et c'est là la nouveauté, concerne la composition du personnel des rédactions et du conseil d'administration. «Le conseil d'administration de la SSR, la direction, de l'AIEP et les rédactions de toutes les émissions politiques doivent refléter le paysage politique de la Suisse», estime le conseiller national zurichois. La mise en œuvre exacte devrait encore être arrangée si cette variante devait être adoptée.

«Nous ne demandons pas une représentation exacte des partis en fonction de leur part d'électorat. Mais aujourd'hui, la partie conservatrice de la population, la grande majorité, est massivement sous-représentée dans les rédactions concernées, alors même qu'elle finance cette télévision!», s'enflamme Thomas Matter.

Trop peu de journalistes conservateurs?

Le projet n'en est qu'à ses débuts: les comités des partis doivent encore approuver l'initiative. Mais si l'UDC venait à triompher dans les urnes, elle contraindrait la SSR à un programme d'économies massif.

Dans le même temps, le plus grand parti du pays remet ouvertement en question l'indépendance politique de l'organe. Selon l'UDC, la SRF est «trop puissante» et 70% de ses journalistes se placeraient politiquement à gauche. «C'est indéfendable pour une organisation au bénéfice d'un monopole de fait et financée par la redevance». Thomas Matter s'énerve qu'aucun «journaliste bourgeois» ne travaille pour les émissions importantes.

Pour le conseiller national UDC (ZH) Thomas Matter, la SRF a franchi une ligne rouge.
Photo: keystone-sda.ch

«Il est légitime de lancer une initiative»

Matthias Aebischer n'est pas à proprement parler un journaliste bourgeois. Avant d'être conseiller national sous l'étiquette socialiste, le Bernois de 53 ans était le présentateur vedette du «Tagesschau» alémanique — l'équivalent du «19h30» chez nous —, ainsi que de l'émission «Le Club». Les deux émissions dans le viseur de l'UDC.

Pour lui, il est totalement légitime que l'UDC lance des initiatives. «Même si elle revient à chaque fois avec la même rengaine, c'est la démocratie directe», estime Matthias Aebischer. «Cela fait des décennies que l'UDC s'en prend à la SSR. Leurs têtes de files sont souvent des politiciens qui entretiennent de bonnes relations avec les diffuseurs privés.»

«L'UDC cible la SSR depuis des années»: Matthias Aebischer, politicien socialiste et ancien journaliste.
Photo: Keystone

La critique de la SSR et d'un «journalisme de gauche» n'est pas nouvelle, selon le Bernois, pour qui la presse est «un quatrième pouvoir qui doit remettre en cause l'establishment politique». Comme le Conseil fédéral et le Parlement sont à majorité bourgeoise, il est normal que les journalistes adoptent plutôt une perspective de gauche.

«Le constat est inverse dans les grandes villes gérées par la gauche, où la presse est plutôt critique avec la politique de gauche», avance le socialiste. S'il devait y avoir une future votation, Matthias Aebischer se dit confiant. Chaque soir à travers la Suisse, c'est un million de personnes qui s'informent devant une émission d'informations de la SSR. «Cela donne de l'optimisme.»

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