Tout pointe vers le statu quo
Un Vert au Conseil fédéral? Rien n'est moins sûr

Il y a deux ans, la percée écologiste lors des élections fédérales avait mis sur la table l'entrée au gouvernement d'un représentant des Verts. Une analyse des forces en présence montre que ce scénario n'a pas vraiment gagné en plausibilité.
Publié: 09.01.2022 à 09:43 heures
|
Dernière mise à jour: 09.01.2022 à 09:58 heures
Président des Verts, Balthasar Glättli s'insurge contre le «cartel bourgeois» qui priverait son parti d'une accession méritée selon lui au gouvernement.
Photo: Thomas Meier
Simon Marti

La fameuse vague verte de 2019 avait débouché sur 82 voix: autant de membres du Parlement qui avaient voté pour Regula Rytz dans la course au Conseil fédéral. Cela n'avait pas suffi pour que l'ex-présidente des Verts ne puisse concurrencer le PLR Ignazio Cassis.

La composition du Conseil fédéral n'avait alors pas bougé, se figeant dans la configuration actuelle: deux représentants de l'UDC, deux du PS, deux du PLR et un membre du PDC, devenu Le Centre. Les discussions pour une refonte de la «formule magique» étaient restées vaines.

Une demi-législature plus tard, alors que les élections fédérales de 2023 sont à l'horizon, les signaux qui pointent vers une évolution de la situation ne sont pas nombreux, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, il faut mentionner que le non-renouvellement du mandat d'un membre du Conseil fédéral n'est pas du tout dans les moeurs. Il y a fort à parier que la situation ne changera pas et que le Parlement ne procédera pas à l'éviction d'un membre de l'exécutif à l'issue des Fédérales de 2023.

UDC et PLR ont le vent en poupe

Reste la perspective d'un départ imprévu ou précipité de l'un des sept Sages. La démission la plus probable est celle d'Ueli Maurer, que certains ont crainte et d'autres espérée ces derniers mois. Mais cela n'ouvre pas beaucoup de perspectives aux Verts: s'il y a bien un parti qui semble avoir le droit à deux sièges, c'est l'UDC.

Un récent sondage de Tamedia montre que la part électorale du parti agrarien est loin de faiblir. Bien au contraire: avec 27% des intentions de vote, l'UDC se renforcerait si les Fédérales avaient lieu ce week-end. «Nos électrices et électeurs ont apprécié le fait que l'on se positionne de manière critique sur la politique du Covid», se réjouit le président du parti Marco Chiesa.

Derrière l'UDC, c'est la bouteille à encre. Il est difficile de percevoir une formation politique qui pourrait bondir électoralement de telle manière que cela implique un brassage des cartes au niveau du Conseil fédéral.

Pour la première fois, les Vert'libéraux pourraient atteindre dans deux ans une part électorale de 10%. De quoi renforcer la concurrence dans le camp écologiste, avec deux partis qui se battent pour la même couleur. «Le Conseil fédéral reste notre objectif. Si nous n'y parvenons pas dans deux ans, alors ce sera dans six», déclare confiant le président des Vert'libéraux Jürg Grossen.

Selon ce même sondage, le PLR progresserait un peu tandis que le PS, le Centre et surtout les Verts laisseraient quelques plumes. Toutes ces évolutions se trouvent dans la marge d'erreur — il ne faut donc pas en tirer trop de conclusions, si ce n'est une: un nouveau raz de marée des Verts ne semble pas se dessiner.

Formule magique appréciée

Qu'est-ce que cela implique pour les jeux de pouvoirs au sein du Parlement, en particulier en ce qui concerne l'exécutif? À l'aune de ce sondage, la tendance est au statu quo — un constat que partagent tous les partis gouvernementaux. C'est logique: le PS et le PLR pensent avant tout à défendre leurs deux sièges. Ils ne feront donc pas de cadeau aux Verts.

Avant de s'exprimer sur la question, le président du PLR Thierry Burkart salue surtout l'état de forme actuel de son parti. Les Libéraux-radicaux auraient le «momentum», à en croire l'Argovien. «Cette tendance positive a commencé à Fribourg en novembre dernier et trouve son prolongement dans ce sondage», assure le nouvel homme fort du PLR.

Thierry Burkart voit donc d'un bon oeil la stabilité au sujet de la représentation gouvernementale. «La composition actuelle du Conseil fédéral est soutenue par le peuple. C'est un signe de stabilité bienvenu en ces temps de crise», estime l'Argovien de 46 ans.

L'UDC a dû attendre deux ans

Le discours ne change pas si l'on va un peu plus à droite. Un soutien de l'UDC à l'accession d'un écologiste au gouvernement est peu probable, sinon inconcevable. Tout comme le fait que le Tessinois Marco Chiesa attaque le siège de son «compatriote» Ignazio Cassis: «La Constitution est attachée aux représentations régionales», rappelle-t-il.

À l'UDC, on se prémunit déjà d'une éventuelle nouvelle poussée écologiste dans les urnes. Cela ne suffit pas tout seul pour exiger un siège au Conseil fédéral, assure Marco Chiesa. Le conseiller aux États tessinois rappelle que l'UDC a dû attendre deux ans pour accéder à son deuxième siège alors qu'il était déjà le parti le plus puissant du pays en part électorale.

Et les principaux concernés, qu'en pensent-ils? Chez les Verts, c'est la consternation. Interrogé au sujet de la baisse que prévoit le sondage de Tamedia, le président du parti Balthasar Glättli n'a... pas d'explication. Pour le Zurichois de 49 ans, il s'agit d'une bonne piqûre de rappel pour l'électorat écologiste: «Le succès des Verts ne va pas de soi. Il faut se mobiliser pour qu'il y ait une vraie prise de conscience politique.»

Au sujet de la composition du gouvernement, Balthasar Glättli a des mots durs: il y aurait un «cartel de confiscation du pouvoir» de la part des partis bourgeois. Ceux-ci auraient changé de discours, selon lui. «Il y a deux ans, on nous disait qu'il fallait simplement confirmer pour accéder à un siège. Désormais, ils assurent qu'il n'y aura pas de remplacement...» Le meilleur moyen de lutter est d'aller voter pour les Verts, déjà lors des élections locales et cantonales. «La justice climatique doit être la priorité.»

La gauche redoute un «scénario catastrophe»

Le coprésident du PS Cédric Wermuth ne croit pas non plus à cette paix sociale qui obligerait la stabilité. «Je suis persuadé que la droite réfléchit à attribuer aux Verts l'un des deux sièges socialistes», déclare l'Argovien, «persuadé» que des discussions en ce sens existent: «Diviser le camp rose-vert à long terme, c'est beaucoup trop tentant pour eux.»

En outre, les socialistes redoutent que soit la santé, soit l'environnement (actuellement en mains d'Alain Berset et Simonetta Sommaruga) passent dans le camp bourgeois. «Cela voudrait dire: privatisations à souhait et médecine à deux vitesse dans la Santé, ou paralysie de la lutte contre le réchauffement climatique», prophétise Cédric Wermuth.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la