Elles paraissent si inoffensives, ces petites boîtes de thon empilées, prêtes à agrémenter joyeusement nos spaghettis ou salades... On les reluque pourtant avec méfiance, depuis que leur teneur en mercure a été dénoncée avec fracas par les ONG Bloom et Foodwatch, mi-novembre.
Interpellée, l'émission À Bon Entendeur de la RTS s'est hâtée d'analyser 55 produits semblables vendus en Suisse. Résultat: le thon en boîte disponible dans nos supermarchés est également contaminé, quoique les niveaux de mercure ne dépassent pas la limite légale helvétique (1mg/kg). Un constat «plutôt rassurant» pour la chimiste cantonale valaisanne Linda Bapst, contactée par l'émission.
Autre grand accusé: le chocolat noir. Pour rappel, une recherche publiée par l'association américaine «Consumer Reports» avait souligné la présence problématique de plomb et de cadmium dans les produits de plusieurs entreprises, dont Lindt & Sprüngli. Visé par une grande action collective aux États-Unis, le chocolatier suisse s'était prestement défendu, martelant que ses produits respectent les normes en termes de métaux lourds, rappelle «Le Temps».
Comment, après tout cela, croquer dans une tablette de chocolat sans la moindre arrière-pensée? Comment ouvrir une boîte de thon sans se demander si des métaux lourds s'accumulent lentement dans notre organisme? Puisque ces substances nous entourent, se retrouvant jusque dans le sang des fœtus, il semble impossible de les éviter complètement. On peut toutefois prendre quelques mesures pour s'en prémunir un minimum. La première: s'informer et prendre conscience de leur existence!
Comment ces substances se retrouvent-elles dans nos assiettes?
Commençons donc par prendre ce problème complexe à sa source. Ainsi que le rappelle le Dr Lothar Aicher, toxicologue au Centre suisse de toxicologie humaine appliquée (SCAHT), le mercure s'accumule dans la chaîne alimentaire marine: «Lorsqu'il est expulsé dans l'océan, il se retrouve dans les algues, qui sont ensuite mangées par les petits poissons, eux-mêmes mangés par les gros poissons tels que le thon.» Tout au long de cette chaîne, le mercure s'accumule donc dans l'organisme de certaines espèces, lesquelles atterrissent inévitablement au rayon frais de nos supermarchés… ou dans les boîtes de conserve!
Du côté du chocolat, le procédé est semblable: «Les métaux lourds sont libérés dans l'air suite à de processus industriels, atterrissent dans les sols et pénètrent dans les plantes via leurs racines, explique notre expert. Pas tous les végétaux n'absorbent ces polluants de la même manière, mais le cacaotier semble y être plus sujet que les autres. Comme le chocolat noir contient un taux plus élevé de cacao, sa contamination aux métaux lourds s'avère donc plus importante.»
Le toxicologue note par ailleurs que le cadmium peut aussi être observé dans des engrais utilisés sur des plantations de café, dans des pays en développement dotés de systèmes de filtration moins performants et dont les lois de protection environnementale ne sont pas aussi strictes.
Quels risques pour la santé?
Les humains, à l'instar des poissons et des cacaotiers, peuvent aussi absorber, puis stocker ces métaux lourds via l'alimentation, au fil du temps. «La complexité réside justement dans ce risque d’accumulation, même si on n’en ingère qu’une petite quantité, poursuit le Dr Aicher. On dit toujours que c’est la dose qui fait le poison: cela suggère que tant qu’on ne franchit pas un certain seuil, il n’y a pas de danger. Mais c'est plus problématique dans le cas des métaux lourds, sachant qu’ils restent dans le corps pendant de nombreuses années. Dans le cas du plomb, par exemple, l'organisme peut avoir besoin de 5 à 30 ans pour les éliminer.»
Pour cette raison, même de toutes petites quantités de métaux lourds, qui ne devraient poser le moindre problème à elles toutes seules, peuvent entraîner une accumulation dangereuse dans le corps, lorsqu'on les ingère fréquemment. Parmi les conséquences, le spécialiste évoque de possibles effets négatifs sur le développement cérébral, particulièrement chez les enfants. Du côté des adultes, on craint surtout un impact néfaste pour les reins.
Nul besoin de paniquer!
Soulignons toutefois qu'on ne parle pas ici d'intoxication grave, mais d'effets à très long terme: «Les intoxications aux métaux lourds via l’alimentation ne sont pas quelque chose qu’on observe, sachant qu’il faut vraiment être exposé à de très hautes doses pour en souffrir, pointe la Dre Colette Degrandi, cheffe de clinique chez Tox Info Suisse. À noter que la formule de mercure qu’on trouve généralement dans le poisson n’est pas la plus dangereuse.»
Ainsi l'experte rappelle-t-elle que les véritables intoxications aux métaux lourds concernent des cas très spécifiques, comme la prise de certains médicaments ayurvédiques ou l'utilisation fréquente de munitions contenant du plomb, dans les stands de tirs: «Mais cela reste très rare.»
Même son de cloche pour le Dr Aicher, qui conseille de ne pas s'alarmer: «Vous ne mangez probablement pas le même type de chocolat chaque jour, ce qui diversifie les sources de contamination. On ne parle pas de toxicité aiguë lorsqu’on en mange un ou deux carrés: il faut probablement être un très grand consommateur de chocolat noir et manger toujours la même sorte, durant de très nombreuses années, pour voir des effets délétères.»
L'alimentation peut toutefois être légèrement adaptée pour limiter les risques à long terme:
Éviter de manger trop souvent de gros poissons
Vous l'aurez compris, le but du jeu est d'empêcher cette accumulation autant que possible. Pour cela, il convient de veiller à limiter sa consommation des principaux aliments concernés, dont les poissons les plus voraces: «Il faudrait, dans la mesure du possible, éviter les gros poissons, comme le thon ou l’espadon, qui mangent les petits, confirme Sophie Balestra, micronutritionniste à Meyrin (GE). Le problème des boîtes de thon est qu’elles sont très faciles à intégrer à un plat et qu’elles sont intégrées à de nombreuses recettes.»
Comme alternative, notre intervenante conseille de favoriser les petits poissons, les poissons sauvages, ou encore le saumon suisse provenant notamment d'un élevage dans les Grisons.
Interrogée quant aux façons de limiter notre exposition aux métaux lourds, tels que le mercure, le plomb ou le cadmium, notamment présents dans le chocolat noir et certains poissons, la micronutritionniste genevoise Sophie Balestra évoque également l'eau potable:
«Je conseille de bien filtrer l’eau du robinet, afin de la débarrasser au maximum des pesticides, des phosphates et des résidus médicamenteux, recommande-t-elle. Si l’on vit dans un vieil immeuble, elle peut aussi contenir des traces de métaux lourds, venant de la tuyauterie.» Un conseil qu'applaudiront probablement les propriétaires de filtres à eau ou de carafes équipées d'un goulot en charbon actif. Et qui ne devrait pas faire de mal, à condition de changer très souvent les filtres, afin d'éviter l'accumulation des bactéries sur leur surface.
Des analyses constantes de l'eau courante
Mais est-ce vraiment nécessaire? L'eau du robinet n'est-elle pas férocement réglementée par les autorités, dans le but d'éviter ce genre de problème? Le Dr Julien Ducry, chimiste cantonal adjoint à l'Office de la consommation de l'État de Vaud, affirme que oui:
«Les distributeurs d’eau sont soumis au devoir d’autocontrôle et, dans ce cadre, doivent réaliser une analyse de risques propre à leur contexte, rappelle-t-il. À ce titre, dans le cas où un risque lié aux métaux lourds est identifié, ils doivent procéder à des analyses visant à vérifier la conformité aux exigences légales en vigueur pour ces paramètres. L’Office de la consommation, dans son rôle de haute surveillance, procède également à ce type d’analyses dans le cadre de ses contrôles officiels. Ceux-ci n’ont révélé à ce jour aucune non-conformité concernant les métaux lourds analysés pour l’ensemble des réseaux de distribution vaudois.»
Il en va de même, par exemple, dans le canton de Genève, où «toutes les entreprises sont raccordées à une station d'épuration (STEP) et traitent, dans de nombreux cas, leurs eaux résiduaires de process (c'est-à-dire l'eau utilisée) avant leur déversement dans les égouts (eaux usées). Les substances nocives, comme les métaux lourds, les restes d'huile et de graisse, sont ainsi extraites des eaux résiduaires industrielles avant même qu'elles ne sortent de l'entreprise.» Des analyses plus poussées peuvent toutefois être demandées.
En cas d'inquiétude ou de doutes, n'hésitez jamais à vous adresser à votre commune, qui vous détaillera les procédés de traitement de l'eau potable et vous donnera les démarches nécessaires à réaliser des tests.
Interrogée quant aux façons de limiter notre exposition aux métaux lourds, tels que le mercure, le plomb ou le cadmium, notamment présents dans le chocolat noir et certains poissons, la micronutritionniste genevoise Sophie Balestra évoque également l'eau potable:
«Je conseille de bien filtrer l’eau du robinet, afin de la débarrasser au maximum des pesticides, des phosphates et des résidus médicamenteux, recommande-t-elle. Si l’on vit dans un vieil immeuble, elle peut aussi contenir des traces de métaux lourds, venant de la tuyauterie.» Un conseil qu'applaudiront probablement les propriétaires de filtres à eau ou de carafes équipées d'un goulot en charbon actif. Et qui ne devrait pas faire de mal, à condition de changer très souvent les filtres, afin d'éviter l'accumulation des bactéries sur leur surface.
Des analyses constantes de l'eau courante
Mais est-ce vraiment nécessaire? L'eau du robinet n'est-elle pas férocement réglementée par les autorités, dans le but d'éviter ce genre de problème? Le Dr Julien Ducry, chimiste cantonal adjoint à l'Office de la consommation de l'État de Vaud, affirme que oui:
«Les distributeurs d’eau sont soumis au devoir d’autocontrôle et, dans ce cadre, doivent réaliser une analyse de risques propre à leur contexte, rappelle-t-il. À ce titre, dans le cas où un risque lié aux métaux lourds est identifié, ils doivent procéder à des analyses visant à vérifier la conformité aux exigences légales en vigueur pour ces paramètres. L’Office de la consommation, dans son rôle de haute surveillance, procède également à ce type d’analyses dans le cadre de ses contrôles officiels. Ceux-ci n’ont révélé à ce jour aucune non-conformité concernant les métaux lourds analysés pour l’ensemble des réseaux de distribution vaudois.»
Il en va de même, par exemple, dans le canton de Genève, où «toutes les entreprises sont raccordées à une station d'épuration (STEP) et traitent, dans de nombreux cas, leurs eaux résiduaires de process (c'est-à-dire l'eau utilisée) avant leur déversement dans les égouts (eaux usées). Les substances nocives, comme les métaux lourds, les restes d'huile et de graisse, sont ainsi extraites des eaux résiduaires industrielles avant même qu'elles ne sortent de l'entreprise.» Des analyses plus poussées peuvent toutefois être demandées.
En cas d'inquiétude ou de doutes, n'hésitez jamais à vous adresser à votre commune, qui vous détaillera les procédés de traitement de l'eau potable et vous donnera les démarches nécessaires à réaliser des tests.
Varier au maximum nos aliments
Toujours dans le but d'éviter ce dangereux stockage des mêmes substances, la micronutritionniste souligne l'importance de préparer des assiettes aussi variées que possible. «On ne parle pas aussi fréquemment du riz, qui contient souvent de faibles taux d’arsenic, pointe-t-elle. Le bio devrait être un peu plus préservé, mais il n’y échappe pas complètement.»
Il suffit, en théorie, de ne pas manger de gros poissons ou du riz tous les jours. De même, pour les mordus de chocolat, il s'agit de ne pas choisir constamment la même tablette, mais de varier les marques et les teneurs en cacao.
Faire le plein d'antioxydants de saison
«Il est fondamental, à mes yeux, de chercher à minimiser au maximum les toxines environnementales qui se trouvent dans nos assiettes en consommant le plus bio et le plus local possible, poursuit Sophie Balestra. On peut aussi tenter de soutenir la capacité de l’organisme à gérer cette charge toxique, bien qu'on ne puisse l'éliminer complètement. Mais en intégrant un maximum d’antioxydants à l’alimentation, il est possible de l’aider dans cette tâche. Il suffit, dans ce but, de préconiser une alimentation riche en légumes et fruits de saison, avec plein de couleurs différentes dans l’assiette.»
S'inspirer de nos grands-parents
Les générations précédentes, sans doute moins informées quant à toutes ces mises en garde et consignes alimentaires, avaient-elles réellement des habitudes plus saines, en cuisine? Pour notre intervenante, la réponse est clairement «oui». Au point où l'on ferait bien de s'imaginer à la place de nos grands-parents ou de nos parents, avant de se mettre aux fourneaux: «À l’époque, les gens prenaient plus le temps de cuisiner, l’alimentation était moins transformée et on gardait un contrôle plus important sur ce qu’on mettait dans l’assiette, affirme Sophie Balestra. La densité nutritionnelle de nos aliments est plus faible qu’il y a 50 ans, notamment en raison de la pollution, et on le paie aujourd’hui.»