Tanja Stadler, cheffe de la Task force
«Les chiffres du Covid sont de nouveau en hausse»

Avec la fin de l'obligation de porter un masque, la pandémie semble également terminée. La responsable de la Task force scientifique Covid de la Confédération, Tanja Stadler, met toutefois en garde contre un excès de confiance: il faut se tenir prêts pour l'automne.
Publié: 01.03.2022 à 06:02 heures
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Dernière mise à jour: 01.03.2022 à 06:20 heures
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La cheffe de la Taskforce, Tanja Stadler, met en garde contre une déclaration prématurée de la fin de la pandémie.
Photo: STEFAN BOHRER
Interview: Sarah Frattaroli et Ruedi Studer

Pfuitt, c’est comme si le virus avait miraculeusement disparu! En quelques jours, le conflit ukrainien a presque fait oublier le Covid. Suppression de l’obligation du port du masque quasiment partout, abandon du certificat: ces mesures d’assouplissement sont pourtant très récentes. Quels ont été les effets de ces décisions pour le moins spectaculaires? Avons-nous définitivement surmonté la pandémie – malgré des chiffres à nouveau en légère hausse – ou la prochaine mauvaise surprise nous guette-t-elle à l’automne? Blick s’est entretenu avec Tanja Stadler, cheffe de la Task force Covid de la Confédération, pour en savoir plus sur les effets des récentes décisions du Conseil fédéral.

L’obligation de porter un masque est en grande partie tombée. En portez-vous malgré tout encore un?
Tanja Stadler: Oui, par exemple lorsque je fais mes courses. Je le fais d’une part pour me protéger d’une contagion, et d’autre part car je suis solidaire envers les personnes fragiles.

Vous êtes assez seule dans ce cas… Cela vous inquiète-t-il?
Ma foi, il faut voir la réalité en face: le risque d’infection augmente sans cette protection. La disparition des masques, c’est la disparition d’une barrière physique.

Les chiffres montrent toutefois que nous sommes plutôt sur la bonne voie.
Pour l’instant, c’est un fait, nous avons dépassé le pic de la vague Omicron grâce aux taux d’immunité élevé de la population. Entre la moitié et les deux tiers des Suisses ont en effet été infectés par ce variant depuis le début de l’année. Mais attention: nous voyons les effets de l’assouplissement des mesures dans les données à partir de cette semaine. Et le nombre de cas et les données sur les eaux usées donnent les premiers indices d’un renversement de tendance vers des chiffres en hausse.

De nouveaux assouplissements sont pourtant envisagés pour la fin mars. Pensez-vous que nous pourrons également lever l’isolement des personnes infectées, comme le fait la Grande-Bretagne?
C’est en fin de compte une décision politique. Mais pour moi, c’est très clair: toute personne présentant des symptômes, même légers, devrait rester chez elle, et ce, indépendamment de la décision politique concernant l’isolement.

Outre l’isolement, l’obligation de porter un masque dans les transports publics est également en discussion. Elle devrait tomber fin mars. Pouvons-nous nous permettre ces nouvelles étapes d’ouverture?
Outre les étapes d’ouverture, c’est surtout la saison qui influence la propagation. Je pars du principe que les choses seront plus faciles au printemps et en été. Du moins avec le variant actuel.

Cela signifie-t-il que le prochain variant est déjà dans les starting-blocks?
Nous observons actuellement un variant «frère» d’Omicron: BA.2. Et nous constatons une augmentation de ce sous-type. Il semble actuellement que le BA.2 soit un peu plus contagieux, mais qu’il n’entraîne pas davantage de formes graves. Les personnes infectées par le variant d’origine d’Omicron, BA.1, sont probablement bien protégées contre BA.2. Toutefois, le nombre d’infections pourrait encore augmenter dans les jours et les semaines à venir.

D’autres pays ont des mesures nettement plus strictes que la Suisse. D’où viennent ces différences?
En Suisse, nous avons eu une très forte vague d’Omicron par rapport à l’étranger. C’est la raison pour laquelle nous avons une immunité plus élevée. Cela rend désormais le virus plus difficile à faire circuler, même si les mesures ont été assouplies.

Ces deux dernières années, nous avons glissé les yeux fermés dans la vague automnale, après un été détendu. Est-ce que cela va nous arriver à nouveau?
C’est un point central et il est essentiel de se préparer. Cela implique deux aspects: d’une part, nous devons savoir quel sera le niveau d’immunité de la population à l’automne. D’autre part, nous devons garder un œil sur les nouveaux variants. Nous devrions donc collecter de nombreuses données – immunologiques et génomiques – dès maintenant, au printemps et en été.

Aurons-nous besoin d’une quatrième vaccination en automne?
Cela dépend entièrement de l’évolution de l’immunité. Nous devrions donc observer les anticorps et les cellules T d’un groupe test à l’aide d’échantillons de sang.

Cela ne répond pas à la question…
Pour les personnes à risque, un rappel pourrait être important, afin de leur assurer une bonne protection contre les évolutions graves de la maladie. Dans la population générale, je ne m’attends toutefois pas à ce que la protection contre les évolutions graves diminue drastiquement chez les personnes ayant eu recours au booster, à moins bien sûr qu’il existe un nouveau variant d’ici là. Mais si l’on veut véritablement se protéger contre une infection, il faudra sans doute se faire vacciner une quatrième fois.

Est-ce vraiment nécessaire?
Pour la grippe, beaucoup le font aussi. Pas par peur d’une évolution grave ou parce qu’ils font partie des groupes à risque, mais simplement parce qu’ils ne veulent pas être malades pendant une semaine avec une forte fièvre. À cela s’ajoute le risque de Covid long. Et nous savons encore peu de choses sur les conséquences à long terme d’une infection…

Est-il judicieux de mesurer ses anticorps avant une éventuelle quatrième vaccination?
Au niveau individuel, non. De tels tests sont utiles pour estimer l’immunité de l’ensemble d’une population, mais ils ne permettent pas de déterminer avec précision dans quelle mesure une personne est protégée contre une infection ou une évolution grave.

Le masque fera-t-il à nouveau partie de notre quotidien l’hiver prochain?
Je peux tout à fait l’imaginer. Si je voyage dans une région où sévit le paludisme, il est évident que je me protège avec une moustiquaire. Pourquoi ne devrais-je pas me protéger du coronavirus ou d’autres virus avec un masque? La question de savoir s’il faut à nouveau rendre le masque obligatoire dépend toutefois fortement de la circulation du virus.

Dans son rapport de situation, la Task force évoque également l’obligation de se faire vacciner. Pourquoi devons-nous en discuter, alors que le nombre de cas diminue de manière générale?
Il se pourrait que de nouveaux variants apparaissent et provoquent davantage d’évolutions graves. Nous aurions alors trois options. Nous augmentons la couverture vaccinale à l’aide d’une obligation. Nous fermons certaines zones de vie, afin de freiner la circulation du virus. Ou nous acceptons une surcharge des hôpitaux, y compris le triage des patients.

Et dans ce cas, l’obligation de vaccination est à vos yeux la meilleure solution.
Ce n’est pas du tout ce que je dis. L’obligation de vaccination, les fermetures et le triage sont toutes des mesures radicales qui soulèvent des questions éthiques difficiles. Il est donc d’autant plus important que nous lancions dès aujourd’hui la discussion sur les priorités que nous devons fixer en tant que société.

Si une obligation de vaccination est mise sur la table à l’automne, devrait-elle s’appliquer à tous ou seulement à certains groupes, par exemple les personnes âgées ou les employés du secteur de la santé?
Cela dépend entièrement du variant qui circulera et des risques encourus. Si seul un certain groupe est menacé, il suffit de le vacciner. Mais en fin de compte, c’est une question politique.

Le débat sur l’obligation de la vaccination ne crée-t-il pas une panique insensée, à une époque où le nombre de cas est en baisse?
Pour ne pas être pris au dépourvu une troisième fois à l’automne, nous devons nous préparer dès maintenant. Cela n’a rien à voir avec de la panique, c’est de la clairvoyance.

(Adaptation par Michel Jeanneret)

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