Au Tessin, les vacances d'automne n'ont même pas commencé, mais dans le canton de Berne, elles sont presque déjà terminées. La menace d'une nouvelle vague de Covid-19 dans le pays plane avec le retour à l'école des enfants. C'était déjà le cas après les vacances d'été, lorsque des voyageurs en provenance des Balkans, notamment, ont apporté le virus en Suisse. Blick a pu rencontrer Tanja Stadler, cheffe de la Task Force Covid. Elle travaille pour l'EPFZ, mais son bureau se trouve dans un bâtiment vieillissant de la banlieue de Bâle. Malgré la fraîcheur automnale, la fenêtre est restée grande ouverte pendant l'interview. La faute aux aérosols.
1. Certificat obligatoire, vaccination et bons de 50 francs
Quand avez-vous utilisé votre certificat Covid pour la dernière fois?
(Elle réfléchit un instant) Il y a quelques jours, au restaurant.
Cela ne vous dérange pas?
Non. Avec le taux de vaccination actuel et le taux d'occupation des hôpitaux qui reste élevé, nous ne pouvons pas annuler toutes les mesures. Sinon, nous courons le risque de ne pas pouvoir offrir à tous les patients le traitement dont ils ont besoin. L'immunité collective au sein de la population n'est tout simplement pas suffisante. Grâce au certificat, nous pouvons nous permettre d'en faire plus sans que les chiffres ne s'envolent.
D'autres pays ou villes passent de la règle des 3G (en allemand «Geimpft, Genesen, Getestet», guéri, vacciné ou testé, ndlr) à la règle des 2G (vacciné ou guéri), comme l'Autriche et Hambourg en Allemagne. La Suisse doit-elle suivre le mouvement?
C'est l'une des options si la situation s'aggrave. Malgré le concept de la règle des 3G, des foyers de contagion peuvent naître des grands événements, comme nous l'avons vu aux Pays-Bas cet été ou lors de l'Euro de football. Les tests ne sont jamais fiables à 100%. Plus le nombre de personnes testées sur place est élevé, plus le risque d'épidémies est important. Il existe plusieurs possibilités: interdire complètement les événements, accepter les contagions et une éventuelle surcharge du système hospitalier, ou renforcer les règles. Soit on se repose sur les masques et la distanciation sociale, soit on mise sur la règle des 2G au lieu des 3G.
Le taux de reproduction «Re» est actuellement de 0,85. Les infections vont donc continuer à diminuer, n'est-ce pas?
Le taux de reproduction «Re» indique combien de personnes sont contaminées par une personne infectée par le Covid-19. Le fait qu'il soit inférieur à un nous donne un peu de répit. Mais nous nous attendons à ce qu'il augmente avec l'automne. À moins que le nombre de contacts ne diminue ou que le taux de vaccination n'augmente rapidement. Si nous nous rencontrons davantage à l'intérieur qu'à l'extérieur, le nombre d'infections augmentera également. Nous l'avons déjà observé l'année dernière.
Mais par rapport à l'année dernière, nous avons la vaccination. Y a-t-il toujours une menace d'augmentation du nombre de cas?
Seulement 60% de la population est entièrement vaccinée. Le groupe des non-vaccinés et des non-vaccinants est encore très important. Le variant Delta est tellement virulent que ces personnes entreront toutes en contact avec le virus tôt ou tard. Le choix qui reste est le suivant: la vaccination ou l'infection. Nous avons vu en été à quel point les hôpitaux peuvent être rapidement surchargés. Et ce, malgré le fait que les conditions saisonnières pour le virus étaient pires à l'époque.
La Suisse peut-elle encore rattraper le Danemark et d'autres pays en termes de taux de vaccination?
Oui. Je me félicite du fait que les gens se fassent davantage vacciner. D'autres pays l'ont déjà fait. La Suisse a choisi d'offrir la vaccination à la population et tout le monde peut la recevoir. Mais nous devons veiller à ce que chacun puisse accéder facilement aux offres de vaccination, par exemple lorsqu'il fait ses courses. Si les gens décident consciemment de ne pas se faire vacciner, nous devons l'accepter.
Le Conseil fédéral a annoncé distribuer des bons de 50 francs à toute personne qui aura réussi à convaincre un proche de se faire vacciner. Que pensez-vous de cette décision?
L'ensemble de la population peut contribuer à augmenter le taux de vaccination. Je pense que de donner ce pouvoir à la population a beaucoup de sens. La manière dont il est ensuite récompensé est une décision politique.
2. Vaccination des enfants et situation dans les écoles
Les enfants de moins de 12 ans ne peuvent actuellement pas être vaccinés. Est-ce que cela va changer?
Cela semble bien parti. Biontech/Pfizer a présenté des données préliminaires pour les enfants de cinq à onze ans, qui devraient bientôt être soumises pour approbation. Le virus est beaucoup moins dangereux pour les enfants que pour les personnes âgées, mais il existe aussi des évolutions sévères et des Covid longs chez les enfants. Par conséquent, les enfants (et leurs parents) devraient avoir le choix de se faire vacciner ou non, tout comme les adultes.
Vous êtes vous-même mère de deux enfants. Les ferez-vous vacciner si vous le pouvez?
Bien sûr. Swissmedic et la Commission de vaccination vérifient soigneusement si les vaccins sont sûrs, efficaces et recommandés. Je me fie à ce jugement.
Y aura-t-il de grandes épidémies dans les écoles après les vacances d'automne, comme ce fut le cas cet été?
J'espère que la situation sera moins mauvaise. Les gens sont sensibilisés et des restrictions supplémentaires sont imposées pour les voyages des personnes non vaccinées. Cependant, la circulation du virus ne diminue pas avec le changement de saison, mais tend à augmenter.
Est-ce qu'il faut craindre de nouvelles mises en quarantaine dans les écoles et la réduction des activités?
Il existe trois mesures simples pour lutter contre ce problème : les tests, les masques et les capteurs de CO2. Néanmoins, ces mesures ne sont pas encore appliquées de manière généralisée dans les écoles. Elles permettraient de garantir qu'elles restent ouvertes.
Pourtant de nombreux enfants et parents estiment que le port des masques dans les écoles primaires est une décision particulièrement stricte.
S'il n'y avait pas la pandémie, nous préférerions tous ne pas porter de masque, adultes compris. Mais les masques sont un moindre mal par rapport aux fermetures d'écoles et les quarantaines. Dans de nombreux pays européens, le port du masque est obligatoire dès l'âge de six ans. Ailleurs, à partir de douze. L'emplacement exact de la limite est une décision politique. L'important est de s'engager et de se serrer les coudes.
Comment se serrer les coudes alors que les cantons n'appliquent pas des mesures similaires?
Le fédéralisme est une bonne chose en soi. Mais le virus ne s'arrête pas à la frontière cantonale. J'espère simplement que les cantons feront de leur mieux. Et d'un point de vue scientifique, il a été prouvé que les tests, le port de masques et le recours aux capteurs de CO2 sont très efficaces.
3. Noël et la saison de ski
L'hiver dernier, les terrasses des restaurants des stations de ski étaient ouvertes dans certains cantons, mais pas ailleurs. Cette année, l'idée d'obliger la présentation du certificat Covid sur les chemins de fer de montagne est en discussion. Est-ce une bonne idée?
D'un point de vue scientifique, il est logique que les progrès de la vaccination ne soient pas suffisants pour réduire la pression sur le système de santé. Il faut aussi ajouter des mesures d'hygiène et l'obligation du port du masque.
Que préférez-vous, des masques dans les montagnes ou des certificats?
Il n'y a pas de bon ou de mauvais choix, ce sont simplement des approches différentes. Imaginez plusieurs tranches de fromage troué. Chaque tranche est une mesure. Chaque mesure présente donc des lacunes. Mais si vous mettez les tranches de fromage les unes sur les autres, les trous sont bouchés.
Pourra-t-on célébrer Noël normalement cette année?
Cela s'annonce bien pour les personnes vaccinées et guéries. Mais il est difficile de faire des prévisions précises en cas de recrudescence des cas. L'année dernière, par exemple, le premier variant inquiétant, l'Alpha, est arrivé juste avant Noël. Maintenant, nous avons le variant Delta. Espérons que d'ici Noël, il n'y aura pas de nouveau variant qui échappe complètement à la défense immunitaire offerte par la vaccination. Mais la grande masse de personnes non vaccinées reste un risque. S'ils sont infectés rapidement et que les hôpitaux se remplissent, cela deviendra également un problème pour ceux qui ont été vaccinés.
Par exemple, pour ceux qui se cassent une jambe en faisant du ski. Les hôpitaux risquent-ils d'être surchargés à Noël?
Cela ne devrait pas à se produire. Nous gérons la situation. Mais nous sommes en retard au niveau des vaccinations et nous entrons dans l'automne. Le problème est que les hôpitaux sont déjà relativement pleins. C'était différent l'année dernière, au début de la deuxième vague.
Comment cela se fait-il? Les chiffres sont pourtant en baisse depuis des semaines.
Aujourd'hui, ce sont surtout des personnes de 50 ans qui sont en soins intensifs. Ils ont de meilleures chances de survie que les patients des vagues précédentes. C'est encourageant mais cela signifie qu'ils restent longtemps en soins intensifs jusqu'à ce qu'ils soient complètement guéris.
4. Face aux critiques
Vous avez dit dans une interview que vous n'ouvriez plus de colis sans expéditeur. Pourquoi?
Je reçois beaucoup plus de courrier qu'avant. Certaines lettres sont positives, d'autres sont critiques. Et certaines contiennent carrément des menaces. Je les transmets aux professionnels compétents.
Vous êtes sous le feu des projecteurs depuis un an et demi. Comment vivez-vous cette situation?
J'ai appris à mieux prendre mes distances. Mais la ligne rouge est celle des menaces. Lorsque ce seuil est franchi, il faut agir.
Est-ce que ça vaut la peine de discuter avec les personnes qui vous menacent ou sont critiques vis-à-vis des mesures?
J'aime discuter sur la base d'un consensus scientifique. Mais discuter encore de l'existence ou non du virus n'a aucun sens pour moi. Je n'aime pas les théories du complot.
Vous travaillez pour la Task Force Covid gratuitement. Est-ce que cela en vaut la peine?
Nous vivons actuellement l'une des plus grandes crises de notre société. Le virus a tout chamboulé. En tant que scientifique, je m'occupe des maladies infectieuses depuis des années. Je fais maintenant ma part pour aider à résoudre ce problème. Cela me stimule.