Susanne Ruoff quitte Berne pour Dubaï
L'appel du désert de Susanne Ruoff, ancienne patronne de la Poste

Quitter Berne pour Dubaï. C'est le grand saut professionnel et personnel qu'a fait cette année l'ancienne directrice de la Poste suisse Susanne Ruoff, désormais conseillère du service national postal des Émirats arabes unis. Un mandat qui soulève quelques questions.
Publié: 14.08.2021 à 10:38 heures
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Dernière mise à jour: 14.08.2021 à 10:46 heures
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Susanne Ruoff a été cheffe de la Poste suisse de 2012 à 2018.
Photo: Keystone
Marc Iseli, Alexandre Cudré (adaptation)

Depuis sa démission de la tête de la Poste suisse, c’est le calme plat autour de Susanne Ruoff. La manager fait partie de divers Conseils d’administration et a fondé sa société de consulting. Une trajectoire classique pour une ancienne cadre supérieure, si ce n’est que son dernier poste l’a amenée en plein désert, à Dubaï, et porte en loin le germe de possibles conflits (d’intérêts?).

Comme indiqué sur la page d’accueil de son site, Susanne Ruoff est désormais consultante pour la Poste émiratie, comme conseillère auprès du Conseil d’administration (CA). La société, basée à Dubaï, est l’entreprise postale nationale des Émirats arabes unis. Le président du CA fait partie de la haute société de ce pays islamique ultra-conservateur, un magnat de la construction avec un agenda bien fourni dans l’élite politique.

Susanne Ruoff est pourtant l’antithèse absolue des valeurs prônées par le pays du Golfe. Pendant des années, elle a été la femme modèle de l’économie suisse, parfois qualifiée de «demi-conseillère fédérale». Compétente, ambitieuse, plutôt prudente. Une libérale politiquement progressiste, considérée comme une grande promotrice de l’émancipation professionnelle des femmes.

L’ombre de l’affaire Car Postal

Susanne Ruoff avait donné son avis sur la cause de la sous-représentation féminine dans les sphères managériales. Selon elle, la «réserve féminine» serait, entre autres choses, responsable du manque de femmes aux hauts postes de pouvoir. «Nous devons changer cela, les femmes doivent devenir plus visibles», avait-elle déclaré un jour dans une interview.

Elle a montré l’exemple. L’ancienne patronne de la Poste a commencé comme enseignante dans une école primaire. Elle a travaillé dans la profession pendant sept ans avant de retourner sur les bancs de l’université pour étudier l’économie.

Elle a ensuite fait carrière chez IBM, suivi une formation complémentaire et a élevé en même temps deux enfants (un fils et une fille). Elle a rédigé sa thèse à l’Université de Fribourg sur les modèles d’emploi partagé et de temps partiel dans le management.

En 2012, le point culminant de sa carrière arrive avec la direction de la Poste. Elle dirigera le géant jaune pendant six ans, avec plus de 60’000 employés sous ses ordres. Son autorité et son aura ne souffraient d’aucune ombre, jusqu’à l’affaire Car Postal. Subventions cachées, dissimulation active d’informations… La chute fut brutale.

Des liens déjà établis avec les Émirats

Susanne Ruoff a alors été temporairement placée sous protection personnelle, même si elle n’était pas elle-même impliquée dans la fraude. Des agents Securitas patrouillaient autour de son chalet à Crans-Montana (VS). Après plusieurs mois de scandale, elle a finalement pris ses responsabilités et a démissionné de ses fonctions, en juin 2018.

Pendant son service à la tête de la Poste, elle a cependant déjà eu un aperçu de Dubaï. Au tout début de son mandat, la filiale SPS avait annoncé une coopération avec plusieurs cheikhs des pays du Golfe.

SPS, qui était à l’époque une étoile montante du groupe et serait aujourd’hui sur le point d’entrer en bourse, a créé une coentreprise à Dubaï. Lors de la signature du contrat, les Émiratis ont reçu une grosse cloche de vache comme cadeau symbolique de la part de la Poste, avec deux Edelweiss ornant le bracelet en cuir.

Contactée par Blick, Susanne Ruoff n’a pas souhaité commenter son mandat actuel pour des raisons de confidentialité.

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