La police cantonale valaisanne a parlé d'une quantité record interceptée. Plus d'une demi-tonne de marijuana et deux kilos de cocaïne avaient été vendus par les dealers que les autorités avaient arrêtés à Sierre en 2023. Deux ans plus tard, les fonctionnaires parlent de conditions dignes des banlieues françaises au cœur du Valais.
Pendant 18 mois, les forces de police ont enquêté, avant de faire claquer les menottes. A ce jour, une trentaine de personnes ont été arrêtées, dont des mineurs, impliqués dans différents rôles comme coursiers, dealers ou surveillants. Une personne est toujours en détention provisoire. Le réseau de trafiquants de drogue opérait principalement autour de la Cité Aldrin, à l'ouest de la ville, une cité d'immeubles vieillissante, réputée pour être un «point chaud».
Une zone décrépie... et douteuse
La cité Aldrin a été construite au début des années 1970. Elle porte le nom de Buzz Aldrin, l'astronaute américain qui fut le deuxième homme à marcher sur la lune en 1969. Initialement, les deux tours devaient servir de logements bon marché pour la classe ouvrière et les 250 appartements qu'elles contiennent devaient pouvoir accueillir jusqu'à 500 personnes.
Plus de 50 ans après leur construction, les gratte-ciel affichent leur âge. La façade aurait réellement besoin d'un coup de peinture, les bâtiments dégagent une certaine désolation malgré le soleil, même lorsque Blick se rend sur place en ce mardi ensoleillé. «Ces maisons sont un nid», dit une passante. Elle ne précise pas ce qu'elle entend exactement par là. La mauvaise réputation des tours ne date pas d'hier. Déjà dans les années 1980 et 1990, on recensait régulièrement des accidents et la zone avait mauvaise presse. Comme la fois où un homme a égorgé une chèvre dans sa baignoire, la police avait dû intervenir.
Le sentiment de sécurité est là
Beaucoup ont du mal à croire qu'un réseau de trafic de drogue aurait opéré depuis la Cité Aldrin. Adeline Z.* (34 ans) habite depuis quatre ans dans une maison juste à côté. Elle explique: «La police passe de temps en temps, mais qu'importe.» La mère de famille se sent en sécurité dans le quartier, elle n'a pas peur. «Les enfants peuvent aller seuls à l'école. La maman de jour de mes propres enfants habite à la Cité. Mes enfants y sont donc régulièrement», dit Adeline Z. Elle montre le balcon sur lequel ses enfants sont en train de jouer. Une fois, elle a vu quelqu'un lancer des ballons enflammés depuis l'un des balcons. «C'est là que la police est intervenue.» Mais le reste du temps, elle n'a jamais rien vu de criminel.
Pour Irmgard P.*, 84 ans, les tours n'inspirent pas non plus la terreur. «Je vis ici dans le quartier depuis 60 ans, je me suis toujours sentie en sécurité», assure-t-elle. Comme les deux femmes, d'autres passants et habitants des immeubles n'ont pas non plus l'impression de vivre dans un hotspot de la criminalité.
Comme dans une banlieue
Pour la police cantonale valaisanne, les choses se présentent tout autrement. Elle parle d'une grande énergie criminelle et de quantités qui étaient inédites en Valais pour des produits à base de cannabis. Les dealers font vraiment recette, ils ont encaissé plus de 4 millions de francs pour le haschisch et plus de 175'000 francs pour la cocaïne.
Et ce n'est pas tout. Le commandant de la police valaisanne Christian Varone déclare: «La bande était parfaitement organisée, avec des rôles bien définis pour chaque membre. Il y avait des personnes qui utilisaient la violence de manière ciblée ou qui menaçaient de le faire quand c'était nécessaire.» Par exemple, si quelqu'un ne payait pas.
Ce sont ces schémas qui inquiètent davantage la police. «Ce qui se passe en France dans le domaine des stupéfiants remonte lentement, mais sûrement le Rhône», dit Christian Varone. Selon lui, il faut empêcher ce phénomène dangereux par tous les moyens et avec la plus grande fermeté. «Nous allons intensifier nos actions de grande envergure contre la criminalité liée à la drogue», annonce le commandant valaisan.
Notamment parce qu'il s'agit de protéger les mineurs. 30% de la bande de Sierre étaient âgés de moins de 18 ans. «Les dealers utilisent des mineurs parce qu'ils savent qu'ils risquent beaucoup moins que les adultes d'un point de vue pénal.»
Entre-temps, Blick rencontre deux autres femmes en balade, qui viennent tout juste de sortir de la Cité Aldrin. «De la drogue? Ici? Jamais rien remarqué», disent-elles.
* Noms d'emprunt