Le siège lausannois de Starbucks est à nouveau sous les projecteurs pour ses pratiques fiscales douteuses. Dix ans après le scandale révélé par la Commission européenne, la multinationale du café continue d'utiliser des stratégies d'optimisation fiscale agressives, cette fois sous couvert de son programme de durabilité.
Une manifestation menée par Alliance Sud et Public Eye a dénoncé aujourd'hui à Lausanne ces pratiques. Ils critiquent vivement le détournement du programme C.A.F.E. Practices destiné initialement à garantir un commerce équitable.
Milliards de bénéfice très faiblement taxés
Un récent rapport de l'ONG CICTAR est catégorique: Starbucks transfère artificiellement ses bénéfices en Suisse grâce à sa filiale Starbucks Coffee Trading Company Sàrl (SCTC), domiciliée dans la capitale vaudoise. Depuis 2011, l’entreprise y a accumulé environ 1,3 milliard de dollars de bénéfices, imposés à un faible taux de 14%, bien inférieur aux moyennes internationales.
Pourtant, en 2015 déjà, la Commission européenne avait dénoncé ces marges excessives. Elles étaient justifiées à tort, selon elle, par les coûts supposés du programme de certification durable.
Un affront pour les cultivateurs
«Utiliser ce programme de durabilité pour transférer des bénéfices – et donc des recettes fiscales – des pays à faible revenu vers l’Europe est un affront aux personnes qui cultivent et cueillent le café», martèle Carla Hoinkes, experte agriculture à Public Eye.
Elle rappelle que ce procédé prive les pays producteurs de précieuses recettes fiscales et contribue à maintenir des conditions de travail déplorables dans des plantations pourtant certifiées durables, comme l'a révélé Reporter Brasil.
Pression sur le canton de Vaud
Selon Dominik Gross, expert en politique fiscale chez Alliance Sud, la Suisse et le canton de Vaud restent favorables à l’optimisation fiscale des multinationales. Et ce, malgré l’impôt minimal imposé par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.
Certains cantons comme Zoug ou Bâle envisagent même de reverser les recettes supplémentaires aux entreprises concernées. Cette polémique relance la pression sur les autorités vaudoises et suisses pour qu'elles prennent enfin des mesures fermes contre ces stratégies fiscales jugées abusives. «Si rien n’est fait, des entreprises comme Starbucks continueront d'en profiter», prévient Dominik Gross.
Ce scandale fait écho à l'affaire Dittli. La conseillère d'Etat vaudoise du Centre aurait partagé des informations confidentielles avec des contribuables influents concernant un projet de bouclier fiscal. Des discussions qui ont eu lieu sans l'autorisation du Conseil d'État.