La Suisse est en retard en matière de troisième dose du vaccin contre le coronavirus, le fameux «booster» considéré par les scientifiques comme le moyen central de lutte contre la pandémie. Ce n'est que fin octobre que la Confédération a autorisé ce rappel pour l'ensemble de la population — à condition d'avoir reçu la deuxième dose plus de six mois auparavant. À la mi-décembre, le délai a été réduit à quatre mois afin de lutter contre la déferlante Omicron.
Au 1er janvier, seul un quart de la population avait reçu la troisième piqûre. Des pays comme Israël, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France ou l'Allemagne, qui ont commencé à booster des semaines voire des mois plus tôt, ont des «temps de passage» largement meilleurs.
L'attentisme suisse a provoqué beaucoup de critiques. Or, des documents obtenus par Blick en vertu de la loi sur la transparence révèlent que la question de la troisième dose a été abordée très tôt au sein du département de l'Économie, dirigé par l'UDC Guy Parmelin.
Le SECO voulait un booster plus vite
Les questions d'une nouvelle vague de Covid-19 et d'une autorisation anticipée du booster étaient sur la table dès la fin des vacances d'été. «Des données récentes en provenance d'Israël semblent indiquer que le nombre d'infections post-vaccinales graves entraînant une hospitalisation pourrait augmenter dans les mois à venir en l'absence de vaccination de rappel», avertissait le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) dans une prise de position fin août. «Dans un contexte où les personnes non vaccinées sont nombreuses, cela représenterait une charge évitable et peut-être critique pour les services hospitaliers.»
Même si les données suisses de l'époque ne permettaient pas encore de déduire un besoin aigu en ce qui concerne la vaccination de rappel, les fonctionnaires du ministre de l'Économie se sont tout de même interrogés sur la possibilité que le booster soit autorisé de manière précoce en Suisse. Mais l'Office fédéral de la santé publique avait les mains liées, puisqu'il attendait l'autorisation de Swissmedic, l'autorité indépendante des produits thérapeutiques. Celle-ci n'est intervenue qu'à fin octobre.
Le timing du booster n'est pas la seule question soulevée par le SECO. Les documents montrent que le Département de l'intérieur est invité à fournir des réponses concernant la marge de manœuvre pour augmenter les capacités des unités de soins intensifs. «De quelles possibilités la Confédération dispose-t-elle pour soutenir les hôpitaux dans la mise en place et l'exploitation temporaires de lits supplémentaires?», s'est interrogé le SECO.
Manque de personnel qualifié
Une interpellation faisant écho aux reproches de l'UDC, qui critique encore aujourd'hui le ministre de la santé Alain Berset pour ne pas être parvenu à augmenter les capacités des réseaux de soins. La cible n'est peut-être pas la bonne: ce n'est pas la Confédération qui est compétente en la matière, mais les cantons. Or, dans les cantons, ce ne sont pas les lits qui posent problème mais le personnel qualifié.
C'est ce que le ministre de la Santé a expliqué au début septembre à ses collègues du Conseil fédéral. «Nous faisons face à un manque aigu de personnel», a déclaré le Fribourgeois. Même les lits IPS certifiés disponibles ne pourraient pas tous être exploités. «Certains cantons n'ont donc pas répondu à l'invitation du Conseil fédéral d'adapter les capacités hospitalières à une nouvelle vague», a avancé Alain Berset, très contrarié. Raison pour laquelle la limite de surcharge a été atteinte plus rapidement par la suite.
A ce moment-là, plusieurs hôpitaux avaient déjà recommencé à reporter les interventions non urgentes afin de mettre de côté le plus de capacités de réserve possible pour les patients en soins intensifs Covid. Une situation similaire à celle de la vague actuelle. Entre-temps, la Confédération a sollicité l'aide de l'armée.
Question des «3G» pas abordée
Le Seco a également posé une autre question: les capacités du «Contact tracing». Les membres de l'administration ont critiqué le fait que les ressources cantonales en la matière avaient été réduites. Ils voulaient savoir comment Alain Berset ferait pour que le «Contact tracing» soit de nouveau intensifié, rapidement et fortement si nécessaire. Le ministre de la santé a insisté à plusieurs reprises par la suite auprès des cantons pour qu'ils mettent en place un nombre suffisant de services ad hoc.
En revanche, le Seco ne s'est pas prononcé sur la controverse en vigueur à l'époque, à savoir l'introduction de la fameuse règle dite des «3G» (devenue 2G par la suite) dans les espaces intérieurs accessibles au public tels que les bars, les cinémas ou les centres de fitness. Sur ce point, il a laissé le champ libre au Département de l'économie.
Il est intéressant de noter l'angle d'attaque du Seco dans ses réflexions. Dans sa prise de position, le plus important était d'analyser si «d'autres mesures à plus faible coût économique pouvaient être envisagées».