Reto Knutti, chercheur à l'EPFZ
«Le changement climatique, c'est ici et maintenant»

En matière de températures, la Suisse bat actuellement des records à la chaîne. L'hiver doux que nous vivons est la conséquence directe du changement climatique, selon Reto Knutti, climatologue à l'EPFZ. Voici ce à quoi nous devrons nous préparer à l'avenir.
Publié: 04.01.2023 à 11:32 heures
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La neige est une denrée rare: voici à quoi ressemble une piste de ski entre la Riggisalp (1491 mètres d'altitude) et la Gypsera (1046 mètres d'altitude) dans le canton de Fribourg.
Photo: keystone-sda.ch
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Fabian Babic

7,41 degrés. C’est la température moyenne qu’il a fait en Suisse en 2022. C’est un record, et de loin. C’est 0,5 degré de plus qu’en 2018, l’année la plus chaude jusqu’à présent. A peine la nouvelle année a-t-elle commencé que les records continuent de tomber: pour la première fois depuis le début des mesures, une température de plus de 20 degrés a été enregistrée au nord des Alpes en janvier.

L’examen des données révèle une tendance sans équivoque: il fait de plus en plus chaud. Après 2010, la Suisse a connu les sept années les plus chaudes depuis le début des mesures. Les conséquences se sont fait sentir l’année dernière: l’Europe a enregistré plus de 20’000 décès et des pertes financières d’environ 10 milliards de francs en raison de la canicule.

Au revoir les Noëls blancs!

Reto Knutti est spécialiste d’un domaine en particulier, qui est à la tête des préoccupations des Suisses, selon le baromètre de Credit Suisse: le climat. Dernièrement, une visite dans sa région natale de Gstaad (BE) a permis au professeur de physique climatique de l’EPFZ de prendre conscience de la gravité de la situation. Là où il a appris à skier, il ne reste que quelques taches de blanc. «Gstaad est une station de sports d’hiver traditionnelle située à 1000 mètres d’altitude. Maintenant, le paysage est vert au lieu de blanc, regrette Reto Knutti auprès de Blick. C’est vraiment triste.» Selon lui, une chose est sûre: «Le changement climatique n’est pas un fantasme qui se produira dans un avenir lointain quelque part dans le monde. Il se produit ici et maintenant.»

Selon le climatologue, il faut oublier la magie hivernale à l’avenir: «Au cours des 30 à 40 prochaines années, la limite des chutes de neige se déplacera d’au moins 400 mètres vers le haut.» Conséquence: «Les Noëls blancs deviendront l’exception à basse altitude.»

Au revoir les réserves d’eau!

Selon Reto Knutti, les hivers plus doux entraîneront également une augmentation des précipitations sous forme de pluie plutôt que de neige. A cela s’ajoute la fonte des glaciers. Il en résulte, selon lui, un écoulement plus important en hiver et au printemps. Résultat: les réservoirs d’eau naturels que sont la neige et les glaciers diminueront encore plus rapidement. «Cela a des conséquences considérables pour l’agriculture, la production d’électricité ou le refroidissement des centrales nucléaires», souligne le spécialiste.

A moyen terme, la Suisse doit se préparer à ce que l’hiver commence plus tard et se termine plus tôt. Il convient toutefois de voir plus loin que le bout de son nez, fait remarquer Reto Knutti. Certes, notre pays est, en principe, bien équipé techniquement et financièrement pour atténuer les dommages liés au réchauffement. Toutefois, le changement climatique est un phénomène qui affecte la planète entière: «Comme nous ne sommes pas autosuffisants, cela nous affectera gravement sur le plan économique, lorsqu’il s’agira d’importer des denrées alimentaires, de l’énergie ou d’exporter nos services à l’étranger. Si le monde va mal du point de vue économique, nous serons également touchés.»

Au revoir les pommes de terre!

La Terre se réchauffe de plus en plus à cause des gaz à effet de serre, le CO2 en tête, détaille Reto Knutti. Ceux-ci sont produits par la combustion de carburants fossiles – pétrole, gaz et charbon.

Au cours des quelque 100 dernières années, le monde s’est réchauffé d’environ 1,2 degré. L’accord de Paris, signé par près de 200 pays, s’est fixé pour objectif de limiter le réchauffement nettement en dessous de 2 degrés afin d’éviter des conséquences encore plus graves. Mais selon Retto Knutti, avec la législation actuelle, la planète se dirige vers un réchauffement d’environ 3 degrés d’ici 2080. «Si l’on inclut dans le calcul les déclarations d’intention et les mesures proposées par les nations, on arriverait à un réchauffement de 2 à 2,5 degrés.» Est-ce vraiment suffisant?

Le climatologue met en garde contre le fait de prendre la menace du réchauffement à la légère. «Dès qu’une certaine température est dépassée, des effets de seuil se produisent.» A partir de là, la situation devient critique. «Les pommes de terre illustrent bien cette problématique. S’il fait un degré de plus, une pomme de terre pousse mieux. Mais s’il fait cinq degrés de plus, il n’y a plus de pommes de terre du tout.»

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