Rencontre avec le patron d'Helvetic Martin Ebner
«Il n'est pas nécessaire de faire du dumping sur les prix»

La compagnie aérienne suisse fonde de grands espoirs sur le nouvel Embraer 195-E2. Blick a accompagné le patron d'Helvetic, Michael Ebner, lors du vol inaugural. Dans une interview au-dessus des nuages, le milliardaire parle du nouvel avion, du Covid et de ses craintes.
Publié: 10.07.2021 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 10.07.2021 à 07:15 heures
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Le patron d'Helvetic Martin Ebner devant son dernier avion.
Photo: Nicola Imfeld
Interview: Nicola Imfeld

Quelque part au-dessus des nuages, dans le nouvel Embraer 195-E2 de Helvetic Airways, Martin Ebner regarde à travers le hublot. «Le voilà», dit-il en désignant l’avion de chasse F/A-18. Les Forces aériennes suisses rendent hommage au jet d’Helvetic lors de son vol inaugural. Le président de la compagnie aérienne est ravi.

Martin Ebner est d’autant plus enthousiaste que la compagnie aérienne régionale suisse a commandé quatre 195-E2 au constructeur brésilien Embraer. Tous doivent être livrés d’ici la fin du mois de juillet. Les chiffres sont prometteurs: le jet consomme 25% de carburant en moins et il provoque une nuisance sonore inférieure de 65% à la moyenne des autres avions.

Martin Ebner, pourquoi avez-vous choisi cet avion?

Il n’y a pas de meilleur avion sur le marché. Il s’agit du modèle le plus moderne et le plus respectueux de l’environnement sur les liaisons court et moyen-courriers. Ici, dans la cabine, on peut même entendre ce dont parlent les personnes situées trois rangs derrière nous. Cela peut être très intéressant (rires). Les résidents vivant à proximité d’aéroports urbains comme Zurich-Kloten peuvent également se réjouir. En approche, ils ne nous entendront pratiquement plus. Sur le plan économique, nous en profitons énormément: l’avion consomme 25% de carburant en moins. Ainsi, plus le prix du pétrole est élevé, plus l’avion gagne en valeur.

Qu’est-ce qui est le plus important pour vous: l’aspect écologique ou l’aspect économique?

Les deux ne sont pas inconciliables. Aujourd’hui, si vous ne prenez pas en compte l’aspect écologique, vous vous tirez une balle dans le pied sur le plan économique.

À propos de l’environnement: les compagnies aériennes à bas prix comme Ryanair et Easyjet attirent les passagers avec des prix cassés allant jusqu’à 10 francs pour un vol. Etes-vous d’accord avec ces pratiques?

Absolument pas! Et il n’est pas nécessaire de faire du dumping sur les prix. La mobilité est un besoin humain fondamental. Les gens veulent voyager et voler.

Comment Helvetic a-t-elle surmonté la crise du coronavirus?

Nous avons eu des problèmes similaires à ceux des autres compagnies aériennes. Mais nous nous sommes démarqués par notre flexibilité. Tous les employés d’Helvetic étaient prêts à être opérationnels à tout moment et nos pilotes n’ont jamais eu besoin de passer par un simulateur de vol avant de retourner à bord. Comme ils n’ont jamais eu de longue pause ils ont pu rester actifs, et c’est ainsi que nous avons pu continuer à assurer des vols pour Swiss.

D'ailleurs, sans Swiss, Helvetic n’existerait sans doute plus, non?

Je ne suis pas d’accord! Certes, nous avons un très bon contrat avec Swiss. Nous en avons beaucoup profité, surtout pendant cette période. Mais si Swiss n’existait pas, nous aurions peut-être obtenu un meilleur contrat avec une autre compagnie aérienne.

Avez-vous déjà dit merci aux Suisses?

En raison du prêt que Swiss a reçu de la Confédération helvétique?

Exactement.

Attendez une minute! Il s’agit d’un prêt, pas d’un cadeau. Le gouvernement suisse n’a pas pris de part de risque, contrairement à ce que le gouvernement allemand a fait avec Lufthansa. Je pense qu’il était juste d’accorder un prêt à Swiss. Il s’agissait d’une mesure judicieuse de la part du Conseil fédéral et elle a aidé l’économie suisse. Mais je ne remercie pas le gouvernement pour chaque bonne décision.

À quoi ressemble l’avenir du voyage?

À moyen terme, je suis confiant. En Amérique du Nord et en Asie, certaines compagnies aériennes ont déjà retrouvé leur niveau de 2019. Ici, la situation est plus compliquée: en Europe, les pays ont des réglementations différentes en matière d’entrée sur le territoire et de quarantaine. Tant qu’il n’y aura pas assez de personnes vaccinées, la situation ne va pas beaucoup changer.

Êtes-vous vacciné?

Bien sûr. J’étais l’un des premiers. Sur ce point-là, mon grand âge a finalement eu un avantage (rires). Mon premier rendez-vous pour me faire vacciner m’a rendu excessivement joyeux. Après l’injection, j’ai immédiatement ouvert une bouteille de champagne: c’était un moment très libérateur. J’aimerais bien que les personnes qui refusent de se faire vacciner pour des raisons assez floues y repensent à deux fois: il s’agit d’une question de responsabilité et du bien commun de la société.

Vous aviez l’habitude de prendre position politiquement sur de nombreux sujets. Aujourd’hui, les choses ont changé. Dites-nous: dans quelle mesure Martin Ebner est-il satisfait de la gestion de la pandémie par le Conseil fédéral?

Si je devais donner des notes au Conseil fédéral, elles seraient dans l’ensemble plutôt bonnes. La seule chose que je trouve grave, c’est le manque de préparation de l’OFSP et du DDPS au début de la crise. Il est injuste de prétendre pendant des semaines que les masques sont inutiles tout simplement parce que nous n’en avons pas suffisamment en stock.

Selon les économistes, la situation suisse a déjà retrouvé une dynamique similaire à celle d’avant la crise. Qu’en pensez-vous?

Quelle crise? La Suisse n’a jamais connu de crise économique! Cette impression de crise n’a été créée que parce que certains secteurs de l’économie très visibles comme l’hôtellerie ou le tourisme ont été touchés de plein fouet par la situation sanitaire. Mais leur influence sur les performances économiques de la Suisse est plutôt faible. L’industrie et le secteur financier ont traversé cette pandémie (presque) sans trembler. Il n’y a donc jamais eu à craindre pour l’économie suisse.

Êtes-vous inquiet pour l’avenir du pays?

Sur certains points, oui. L'on constate notamment une baisse de la motivation et de l’envie d'aller travailler chez les gens. Avec la crise et le semi-confinement, les citoyens ont pu constater que l’État pouvait leur venir en aide financièrement. Les gens estiment maintenant que cette situation doit être la norme et que l’État doit toujours venir en aide aux travailleurs. C’est un mauvais état d’esprit qui nuit à la Suisse. La responsabilité individuelle doit à nouveau occuper le devant de la scène.

Vous êtes toujours le propriétaire de la BZ Bank. Suivez-vous toujours le cours des marchés?

Bien sûr! Je suis au bureau tous les jours, tôt le matin jusqu’à tard le soir.

Le marché boursier a une fois de plus battu des records: quand le grand crash aura-t-il lieu?

Je ne suis pas médium… mais je suis inquiet. À cause des mesures d’aides financières liées à la crise sanitaire, nous connaissons actuellement une abondance d’argent comme nous n’en avions jamais vu auparavant. Personne ne sait comment nous pouvons sortir de cette situation sans subir des dommages économiques majeurs. Si vous voulez un conseil, ne pariez pas sur les obligations maintenant, quelles que soient les circonstances. Et soyez prudent sur les investissements immobiliers. Ces derniers deviendront trop chers dès que les taux d’intérêt repartiront à la hausse.

Comment les petits investisseurs peuvent-ils gagner plus d’argent?

Gagner plus? C’est très difficile en ce moment… La seule chance de préserver le capital est de miser sur des actions d’entreprises bien gérées et bien positionnées sur le marché.

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