Référendum contre l'abolition de l'impôt anticipé
«Ils veulent enlever une incitation à ne pas tricher»

La prochaine bataille fiscale est confirmée: le référendum contre la suppression partielle de l'impôt anticipé va aboutir. Selon des informations de Blick, la gauche et les syndicats ont récolté plus de 65'000 signatures.
Publié: 21.03.2022 à 06:06 heures
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Dernière mise à jour: 21.03.2022 à 13:11 heures
13 février 2022: la gauche et les syndicats se réjouissent d'avoir sauvé le droit de timbre. Parviendront-ils à préserver l'impôt anticipé cet automne?
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

À peine les bouteilles de champagnes utilisées pour fêter le succès contre la suppression du droit de timbre évacuées, la prochaine bataille fiscale est fixée: le référendum contre l'abolition de l'impôt anticipé va aboutir. Plus de 65'000 signatures ont déjà été récoltées, confirme à Blick le conseiller national vaudois Samuel Bendahan.

La gauche et les syndicats continuent de surfer sur leur vague en matière de politique fiscale. Après la troisième réforme de l'imposition des entreprises (la fameuse «RIE III») en 2017, elle a enchaîné avec le rejet de déductions plus élevées pour les enfants dans le cadre de l'impôt fédéral direct (un «cadeau aux familles aisées») en 2020, puis le droit de timbre il y a un mois.

Le quatrième clou dans l'allègement fiscal voulu par la droite bourgeoise pourrait intervenir bientôt. Le référendum va être déposé le 5 avril et le peuple devrait se prononcer dès l'automne.

«Une punition pour les tricheurs»

Après les difficiles séances de pédagogie sur le droit de timbre, la gauche va devoir remettre le couvert. Qu'est-ce donc que cet impôt anticipé, Samuel Bendahan? «C'est beaucoup plus simple cette fois: il s'agit tout simplement d'une punition pour les tricheurs», explique l’économiste, qui enseigne à l’EPFL et à l’UNIL.

Cet impôt (expliqué ici dans les détails) a été créé pour éviter l'évasion fiscale. «En clair, vous payez à des taux variables jusqu'à 35%, et cet impôt vous est restitué une fois que vous déclarez vos revenus, résume le conseiller national vaudois. Pour quelqu'un d'honnête, cet impôt s'élève donc à 0%.»

La suppression de cette mesure fiscale aurait bien davantage de conséquences que celle du droit de timbre, selon Samuel Bendahan. «C'est bien d'avoir obtenu son maintien, mais le droit de timbre ne touche que quelques entreprises. L'impôt anticipé concerne des oligarques et des gros investisseurs étrangers, puisqu'eux seuls peuvent se retrouver dans des pays sans accord de double imposition.»

La question qui risque d'animer la campagne? Le manque à gagner potentiel pour les caisses fédérales. Car l'administration n'est pas en mesure de fournir des chiffres détaillés étant donné que la suppression de l'impôt anticipé nous amènerait en terres inconnues. «Ce qui est acquis, et l'administration le confirme, c'est que la population perdrait immédiatement un milliard de francs, avance le conseiller national vaudois. Et pour la suite, on parle de 200 millions par an.»

Jusqu'à 600 millions par an

Cette perte est minimisée par la faiblesse actuelle des taux d'intérêt, précise encore Samuel Bendahan. «Si les taux d'intérêt remontent, la Confédération perdrait alors 500 à 600 millions par an». De l'argent dont nous avons un besoin urgent pour faire face à la pandémie de Covid et aux conséquences indirectes de la guerre en Ukraine», insiste Prisca Birrer-Heimo, collègue lucernoise du Vaudois et également spécialiste des questions économiques.

Le camp bourgeois, quant à lui, estime que la suppression de l'impôt anticipé améliorerait beaucoup la compétitivité de la place économique suisse. Une mesure bienvenue en vue de l'impôt minimal de 15% prévu pour toutes les entreprises de l'OCDE dès 2024 et à laquelle la Suisse a souscrit. Pour Prisca Birrer-Heimo, il n'y a «pas besoin de nouveaux cadeaux fiscaux qui profitent surtout aux grosses sociétés, à l'heure où de nombreuses personnes doivent se serrer la ceinture.»

«Les contribuables honnêtes sont les plus touchés», dénonce Prisca Birrer-Heimo.
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Samuel Bendahan, de son côté, se désole de la rigidité dont fait preuve la droite bourgeoise dans tous les dossiers fiscaux, qui finissent souvent par échouer devant le peuple. «Pourquoi veulent-ils à tout prix passer en force avec des réformes sans discussions ni compromis, et ce depuis des années?», interroge l'économiste.

Une posture d'autant plus regrettable que certains dossiers ont montré que les négociations entre les deux camps pouvaient aboutir à des compromis. «RFFA, à savoir la réforme fiscale et de financement de l'AVS, en est un bon exemple, rappelle le Vaudois. C'est pour cela que l'on lance un référendum: c'est une main tendue pour dire à la droite de revenir travailler avec nous. Notre message, c'est qu'il faut simplement créer des réformes qui profitent à la population.»

Le 25 septembre, jour de lutte fiscale

Avant les compromis, le combat: le 25 septembre devrait signifier la grande lutte fiscale, puisque le référendum sur l'impôt anticipé devrait être soumis au peuple en même temps que la réforme de l'AVS, et donc de l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes.

«Pas touche à nos rentes!»: la gauche est vent debout contre l'augmentation de l'âge de la retraite pour les femmes.
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Prisca Birrer-Heimo se dit confiante en vue de ce jour capital pour la gauche. «Ces projets proposent aux électrices et électeurs que les plus riches puissent continuer à profiter tandis qu'une majorité des gens doit faire des concessions. Ce signal ne devrait pas être bien accueilli par la population.»

(Avec la collaboration de Ruedi Studer)

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