Depuis le début de l'année, on sait que la Suisse est proche d'une pénurie de méthadone. La raison: Swissmedic a retiré l'autorisation de produire au plus grand fabricant suisse de comprimés de méthadone, la société Amino AG dans le canton d'Argovie. Ce qui n'était auparavant qu'une menace est devenu entre-temps une dure réalité. Les conséquences sont là – et déjà clairement perceptible pour bon nombre des quelque 9000 personnes dépendantes en Suisse. C'est le cas de Jonas W., un Zurichois autrefois accro à l'héroïne.
A lire aussi
Grâce à sa prescription, il s'était débarrassé de la seringue. En raison de la pénurie, il ne peut désormais plus obtenir son médicament à base de méthadone, la kétalgine, qu'il prend quotidiennement depuis huit ans, pour freiner sa dépendance à l'héroïne. «Au cours des quatre dernières semaines, j'ai déjà dû changer deux fois de préparation», explique Jonas W. au Blick. Depuis, rien n'est plus comme avant. Comme l'effet n'est pas le même que celui de la méthadone, il souffre pour la première fois depuis des années de symptômes de sevrage. La pression de la dépendance est revenue et il retombe dans ses anciens schémas.
Echanger, dealer, voler
Les symptômes de manque et la peur de ne pas pouvoir se procurer la préparation adéquate sont devenus si insupportables que sa pire crainte s'est réalisée: «j'ai dû à nouveau me procurer de l'héroïne dans la rue.» Il s'était déjà procuré quatre fois de la diaphine, de l'héroïne artificielle, de manière illégale. «J'ai honte, mais je n'ai pas vu d'autre solution.»
Cette situation inquiète l'homme de 36 ans. «Avec la kétalgine, je maîtrisais ma vie. Mais maintenant, tout s'effondre à nouveau.» L'incertitude de savoir s'il pourra un jour y retourner le ronge. La diaphine est bien plus puissante que la méthadone. «Il n'est pas certain que je puisse reprendre mon ancien médicament après le goulot d'étranglement. Celui-ci me ramène quelques années en arrière».
Outre le danger de sombrer à nouveau complètement, tout cela comporte bien sûr aussi des risques financiers. «Un comprimé de diaphine me coûte 20 francs. Si ça continue comme ça, ça va me ruiner financièrement.» W. n'est pas seul à avoir ces soucis. «Je connais d'innombrables autres personnes qui, entre-temps, sont retournées chez le dealer.» Selon lui, l'inquiétude et l'insécurité sont clairement perceptibles dans le milieu. «Echanger, dealer, voler – chacun essaie d'une manière ou d'une autre de se procurer la substance dont il a besoin.»
«Nos craintes se sont malheureusement réalisées»
Interrogé par le Blick, Thilo Beck, co-médecin-chef en psychiatrie du centre de toxicomanie Arud à Zurich, confirme la précarité de la situation: «De nombreux patients sous méthadone ont déjà dû passer à une autre préparation. Pour les patients qui reçoivent encore de la méthadone, les doses ont dû être drastiquement réduites.» La situation est difficile et déstabilisante. De nombreux patients ne supporteraient pas les nouveaux médicaments et se procureraient à nouveau de l'héroïne sur le marché noir.
«Notre crainte s'est malheureusement réalisée», déclare le psychiatre. Actuellement, on essaie de s'en sortir avec ce que l'on appelle une ordonnance magistrale. Cela permet de confier la fabrication d'un médicament à des pharmacies autorisées. Il s'agit toutefois de fabrications spéciales qui nécessitent un travail important. De plus, «tous les points de distribution n'ont pas la chance d'être à proximité d'une pharmacie.»
Selon Thilo Beck, l'entreprise Streuli Pharma AG d'Uznach SG devrait empêcher une pénurie de livraison imminente. «Streuli AG produit déjà des comprimés de méthadone avec une dose plus faible. Maintenant, l'entreprise veut augmenter sa production à partir de fin février pour soutenir les pharmacies.» Il s'agit néanmoins d'une solution d'urgence. «Si l'on continue à produire trop peu de méthadone, nos patients se détourneront à nouveau des programmes», ajoute Thilo Beck.