Radicalisation politique
Un néo-nazi militant dans les rangs de la police militaire

Thomas* (22 ans) fait partie d'une nouvelle génération de militants d'extrême droite. Il s'entraîne aux arts martiaux dans des caves et apprend le maniement des armes dans les rangs de la police militaire. Comment est-ce possible?
Publié: 31.05.2021 à 21:34 heures
Fabian Eberhard

Ils sont jeunes, branchés et d'extrême droite. Les adeptes du groupe néo-nazi «Junge Tat» sont toujours plus nombreux et inquiètent de plus en plus les autorités chargées de la sécurité.

Thomas* (22 ans), originaire du canton de Saint-Gall, fait partie du noyau dur du groupe. Pendant son temps libre, il fait de la musculation, écoute du rap d'extrême droite et tourne dans des vidéos de propagande.

Dans le dernier clip où il apparaît, il porte une cagoule verte avec une flèche blanche pointant vers le ciel: la rune Tyr, marque d'identification du «Junge Tat», symbole de combat et de victoire. Ce n'est pas un symbole anodin puisqu'il s'agit de la même rune que portaient les officiers d'Hitler au-dessus de leur croix gammée après avoir reçu une formation idéologique spéciale.

Dans les vidéos de propagande du «Junge Tat», Thomas pose avec une cagoule.
Photo: Screenshot Telegram

Un néo-nazi formé aux méthodes de la police

Les membres du groupe militant gardent leur identité secrète. Mais la police est sur leurs traces et en a arrêtés plusieurs temporairement. On ne sait pas encore si les autorités de sécurité ont repéré Thomas qui se trouve pourtant dans leurs rangs. Il officie au sein de la police militaire et y est formé au maniement des armes.

Sur de récentes photos, on le voit en uniforme, probablement à l'école de recrues. Il a appris à tirer des grenades lacrymogènes depuis peu. La police militaire assure l'ordre et la sécurité au sein de l'armée. Mais ils peuvent également soutenir la police, par exemple en protégeant les politiciens de haut rang ou en assurant la sécurité des ambassades étrangères.

Malgré ses opinions extrémistes, Thomas sert dans la police militaire.
Photo: ZVG

Un néo-nazi dans la police militaire, voilà qui peut inquiéter. Thomas n'a pas répondu à nos demandes de renseignements, et l'armée reste silencieuse. «En raison de la protection des données personnelles, nous ne sommes pas en mesure de vous délivrer une quelconque information sur la personne citée», a déclaré Stefan Hofer, le porte-parole de l'armée.

Les officiers militaires ont souvent les mains liées dans la lutte contre les personnes radicalisées. Ils ne peuvent exclure des recrues de l'armée que si ces dernières font l'objet d'une enquête pénale ou ont déjà été condamnées.

Avoir des idées extrêmes coûte tout au plus une suspension temporaire ou le retrait de son arme de service. En outre, l'armée peut refuser une promotion aux personnes radicalisées. Hofer ajoute: «Aucune mentalité extrémiste ne sera tolérée dans les rangs de l'armée.»

Peu de moyens accordés à la traque des radicalisés

Thomas est-il un cas isolé? L'unité interne spécialisée dans l'extrémisme au sein de l'armée a traité 39 rapports l'année dernière. Les cas d'extrême droite représentaient 19 d'entre eux, et des mesures n'ont été prises que pour 4 personnes.

Il est peu probable que les responsables de l'unité aient en ligne de mire tous les soldats potentiellement dangereux. Le bureau de l'extrémisme (le centre de contrôle de la lutte contre les personnes radicalisées au sein de l'armée) n'est doté que d'un demi-poste.

Le policier militaire Thomas et ses compagnons d'armes du «Junge Tat» représentent une nouvelle génération de néo-nazis en Suisse. Ils se prétendent à la mode en arborant des coiffures de hipster, des vêtements de marque et des baskets tout en faisant la promotion d'un mode de vie athlétique et sain. Beaucoup pratiquent les arts martiaux dans les sous-sols ou s'entraînent au fitness en forêt. Leur credo: être prêt à n'importe quel moment.

Le «Junge Tat» a réussi à rendre l'extrémisme de droite à nouveau attrayant pour les jeunes. Pour ce faire, les militants s'appuient sur des vidéos de propagande produites par des professionnels diffusées ensuite via Instagram et Telegram.

Sur les réseaux sociaux, le groupe est suivi par 8'000 utilisateurs, dont de nombreux Allemands et Européens de l'Est. Ce n'est pas une coïncidence: ceux qui dirigent le «Junge Tat» entretiennent des liens étroits avec le réseau néo-nazi international «Blood and Honour».

Des arrestations loin d'être dissuasives

La police a déjà pris des mesures à plusieurs reprises contre les néo-nazis juniors allant parfois jusqu'à la confiscation d'armes. Plus récemment, des agents ont arrêté six extrémistes de droite associés au groupe à Lucerne et à Zurich au début de l'année.

Quelques heures après l'action de police, «Junge Tat» ce message à ses partisans via Telegram: «La répression de la part de l'appareil d'État ennoblit nos compagnons d'armes. Nous continuons et soutenons les camarades et amis arrêtés!»

Extrait d'une vidéo publiée sur Telegram représentant le groupe Junge Tat.
Photo: Screenshot Telegram

Début avril, le ministère public a condamné cinq des personnes arrêtées pour discrimination raciale, infraction à la loi sur les armes et dommages à la propriété. Le procureur de Zurich, Umberto Pajarola, chef du département du crime organisé, était chargé de l'affaire.

Dans l'ordonnance de condamnation, il a écrit que les accusés avaient diffusé «l'idéologie du national-socialisme» et pratiqué une discrimination à l'encontre de «groupes de Juifs et de personnes racisées» en «les dégradant grossièrement dans leur dignité humaine et en fomentant la haine contre eux».

Parmi les personnes condamnées figure un jeune homme de 20 ans originaire de Winterthur. Il a été à la tête de la cellule néonazie «Eisenjugend», une organisation précurseur du «Junge Tat». Sur Internet, l'ancien étudiant en art fantasmait sur une guerre raciale mondiale et avait accumulé tout un arsenal d'armes chez lui (un fusil d'assaut, des carabines et des pistolets).

Aujourd'hui, le jeune homme de Winterthur tire les ficelles du «Junge Tat» aux côté de Thomas, le policier militaire.


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