«Prends soin de toi»
Il tatoue ces mots pour prévenir du suicide chez les jeunes

Un tatoueur genevois vient de lancer un projet en collaboration avec l’association Stop Suicide. Touché par la problématique, il souhaite, à sa mesure, œuvrer pour la prévention du suicide chez les jeunes. C’est ainsi que le projet «Prends soin de toi» est né.
Publié: 20.12.2022 à 20:02 heures
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Dernière mise à jour: 21.12.2022 à 11:43 heures
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Avant d'être tatoueur, Kevin travaillait dans le social. Il s'occupait notamment de jeunes en foyer ou de personnes en situation de précarité.
Photo: lavierapide
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Mathilde JaccardJournaliste Blick

«Prends soin de toi.» Quoi de plus banal que de finir un message avec ces quelques mots. Mais est-ce qu’on le fait vraiment? Est-ce que, vraiment, tu prends soin de toi?

Cette réflexion, Kevin l’a souvent eue. Ainsi, ce tatoueur genevois de 27 ans, de son nom d’artiste la vie rapide, a imaginé un projet en collaboration avec l’association Stop Suicide. Encrer dans la peau ces quelques mots - «ce slogan d’espoir» comme il le nomme - pour faire la prévention du suicide chez les jeunes. Car pour rappel, c'est la première cause de décès chez les 15-29 ans, selon l’association Stop Suicide.

Ces services sont disponibles 24 heures sur 24 pour les personnes en crise suicidaire

«On n'en parle pas assez»

Cette douloureuse réalité, Kevin l’a vécue personnellement. Après le suicide d’un proche, il a souhaité davantage s’investir. Et les nombreux échanges avec ses clientes et clients, lui font réaliser que tout le monde est concerné. «Les personnes me parlent à cœur ouvert. La question de la santé mentale revient souvent. Plus je tatoue des gens, plus je me rends compte que ce sujet est omniprésent et touche beaucoup d’entre nous. Pourtant, on n’en parle pas assez.»

Après six mois de travail et de réflexion avec l’association, le projet voit le jour. Il a d’abord pris la forme d’une vidéo dans laquelle l’artiste genevois livre un discours poignant: «(...) Je veux juste te dire que si tu as besoin d’aide, parce que même si en ce moment tu vois tout noir les yeux ouverts, et que tu sens la vie quitter ton regard, sache qu’il y a toujours une main tendue pour toi.»

Les nombreux retours ont motivé le jeune homme et l’association à poursuivre l’aventure.

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Un tattoo à prix libre

Comment continuer le projet? Comment faire sens de tous ces témoignages? C’est au milieu de la nuit, à 4h du matin, que Kevin prit sa plume et se mit à écrire la deuxième partie du projet: Encrer dans la peau «Prends soin de toi». Le concept n’est finalement pas très compliqué, comme l’explique l’artiste. «Je tatoue à prix libre cette phrase pour celles et ceux qui en ont envie ou besoin. Et tout l’argent va à l’association.» Le prix libre permet à tout un chacun de participer selon les limites de son porte-monnaie. Ainsi, les prix ont varié entre 20 et 150 francs.

Mais Kevin ne souhaite pas s’attribuer de mérite particulier. Pour lui, c’est aussi un rappel personnel: «Oui, c'est bien de prendre soin des autres, mais il faut aussi prendre soin de soi», lance-t-il depuis le coin de son studio de tattoo, à l’espace de création Le Grain à Genève. Il a été surpris de voir que son idée plaisait, et que de nombreuses personnes voulaient écrire cette histoire commune entre lui et l’association. Depuis le lancement du projet, plus d'une vingtaine de personnes ont déjà poussé la porte de son studio.

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«L’avoir dans la peau me force à aller mieux»

Mais quel est le profil des personnes qui viennent le voir? Sont-ce uniquement des personnes qui ont des pensées suicidaires? « Pas du tout», lance Kevin. Évidemment, il y a des personnes touchées de près ou de loin par le sujet, mais aussi des personnes qui ont simplement été sensibles à la singularité du projet.

Pour Clémentine, une graphiste indépendante de 23 ans, c’est un mélange de tout cela. «J’ai décidé de me faire tatouer pour faire partie du projet, car c’est un sujet qui me tient à cœur.» C’est également un moyen pour elle de se réconcilier avec son passé, ses anciennes blessures et ses cicatrices, avoue-t-elle. Graver ce «slogan» permet d’affirmer que «oui, cela peut arriver à tout le monde, mais on peut aller mieux».

Emy a choisi son avant-bras, pour toujours l'avoir sous les yeux.
Photo: Emy

C’est cette dimension qui a séduit Emy, une étudiante en art de 23 ans. «Avoir en permanence ces mots gravés dans ma peau me permet de vraiment faire attention à ma santé mentale.» Pour la jeune femme, encrer cette phrase est aussi un moyen d’ouvrir la discussion, et de sensibiliser son entourage. D’autant plus que le tatouage attire de plus en plus de personnes: «C’est un bon moyen de rendre visible le suicide et de briser le tabou.»

Clémentine a choisi de s'inscrire ces quelques mots sur sa cuisse, en dessous de ses cicatrices.
Photo: Clémentine Martin

Pour l’association Stop Suicide, qui cherche davantage de visibilité, cet aspect était déterminant. Collaborer avec de jeunes artistes permet de toucher leur communauté et ainsi faire connaître l'association et ses objectifs. «Nos activités principales sont la prévention, la déstigmatisation et la sensibilisation, précise Léonore Dupanloup, chargée de communication pour l’association. Comment aborder le thème du suicide? Comment repérer les signaux d’alerte? On souhaite appuyer sur tous les leviers de la prévention.» L’association est d’ailleurs présente sur les réseaux sociaux, mais également dans les écoles.

Créer un espace bienveillant

Lors d'interventions en classe, le rôle principal de l’association est d'offrir aux élèves un espace de dialogues. Pour Léonore Dupanloup, il faut briser le tabou. «On nous disait à l’époque 'Il ne faut surtout pas en parler, cela va donner des idées aux jeunes'.» Et pour cause, les enseignants et les institutions avaient peur du passage à l’acte.

Mais la chargée de communication insiste: « Si on n’en parle pas, les jeunes vont s’informer eux-mêmes et trouver autant de bonnes que de mauvaises informations. Faire comme si de rien n'était alimente le problème.»

En voulant faire quelque chose de concret, Kevin participe à lever le voile sur le sujet. Grâce à son initiative, beaucoup ont trouvé un espace de parole. « Il y a même des personnes en détresse psychique qui ont découvert l’association grâce à mon projet. Elles ont ainsi pu être accompagnées et prises en charge.»

L’artiste n’y gagne pourtant rien, financièrement parlant. Mais pour lui, la valeur est ailleurs. «J'établis une relation de confiance avec ces personnes. C'est incroyable. Ça vaut tout l’argent du monde. Je gagne personnellement. Je grandis.»

Sa tête est remplie d’autres projets, qu’il garde pour l’instant secrets. Cette richesse de partage, Kevin n’a pas prévu d’y mettre un terme. «Prends soin de toi» a pris vie. «Ce slogan d’espoir» est intemporel.

En savoir plus sur l'association Stop Suicide

L’association œuvre dans toute la Suisse romande, notamment dans le canton de Neuchâtel. Elle passe dans toutes les classes de 11e harmos et le bilan est plutôt positif, selon Léonore Dupanloup. «Après chaque intervention, tout le monde semble heureux et soulagé. On leur apporte de nombreuses clés pour pouvoir appréhender le sujet de la meilleure manière possible.» L’association est d’ailleurs toujours accompagnée d’un ou d'une psychologue si un élève souhaite se confier directement.

Depuis sa création en 2000, l'association est davantage visibilisée. Les écoles sont toujours plus intéressées à accueillir Stop Suicide dans leurs établissements. Et finalement, le taux de suicide est en baisse chez les jeunes depuis les années 80. Il reste toutefois une préoccupation, puisqu’en 2020 en Suisse, 972 personnes, tout âge confondus, ont mis fin à leurs jours, selon l'observatoire suisse de santé. Chez les jeunes entre 15-29 ans, le nombre de suicide est de 138.

L’association œuvre dans toute la Suisse romande, notamment dans le canton de Neuchâtel. Elle passe dans toutes les classes de 11e harmos et le bilan est plutôt positif, selon Léonore Dupanloup. «Après chaque intervention, tout le monde semble heureux et soulagé. On leur apporte de nombreuses clés pour pouvoir appréhender le sujet de la meilleure manière possible.» L’association est d’ailleurs toujours accompagnée d’un ou d'une psychologue si un élève souhaite se confier directement.

Depuis sa création en 2000, l'association est davantage visibilisée. Les écoles sont toujours plus intéressées à accueillir Stop Suicide dans leurs établissements. Et finalement, le taux de suicide est en baisse chez les jeunes depuis les années 80. Il reste toutefois une préoccupation, puisqu’en 2020 en Suisse, 972 personnes, tout âge confondus, ont mis fin à leurs jours, selon l'observatoire suisse de santé. Chez les jeunes entre 15-29 ans, le nombre de suicide est de 138.

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