«A ma connaissance, c'est la première fois qu'une commune alerte le canton de l'assèchement d'un lac et prévoit sa réalimentation pour de telles raisons», explique mercredi à l'ATS Yann Clavien, responsable de la section nature et paysage au sein du service cantonal des forêts, de la nature et du paysage.
Il réagissait à une information publiée dans l'édition du jour du Nouvelliste.
Un site de reproduction d'importance nationale
Au vu de l'état d'urgence, la commune a injecté 2000m3 d'eau dans la nuit de lundi à mardi puis 3000m3 supplémentaires la nuit suivante, explique le président de la commune de Nendaz Frédéric Fragnière. L'eau provient de l'aménagement hydroélectrique Cleuson-Dixence et a pu être acheminée grâce au réseau qui sert à l'enneigement mécanique en hiver.
Si le lac de Tracouet est important pour Nendaz au niveau touristique, il figure surtout depuis 2001 à l’inventaire fédéral des sites de reproduction d’importance nationale pour les batraciens, protégés en Suisse et est classé par l’Etat du Valais comme site naturel protégé depuis 2020. A ce titre, «la commune est tenue de le protéger et le préserver», ajoute le président.
Pour accompagner la commune dans sa tâche, le canton a mandaté des spécialistes du karch, centre national des données et d'information sur les amphibiens et les reptiles, qui monitorent déjà régulièrement le lac. «Les experts ont pour mission d'évaluer l'impact de l'eau injectée. La question est de savoir si cet ajout modifie la qualité de l'eau, son acidité ou sa température et pourrait porter atteinte aux populations de batraciens», explique Yann Clavien.
Aucun impact sur les grenouilles
Contactée par l'ATS, la spécialiste nous répond depuis le lac de Tracouet, aussi appelé lac noir. «A ce stade, aucun impact sur les tritons et les grenouilles n'a pour l'heure été constaté», explique Noémie Evéquoz, biologiste au bureau Drosera qui officie en tant que correspondant régional pour le karch.
Un constat «rassurant» qui pourrait s'expliquer par la localisation du lac, situé à 2200 mètres. «Les batraciens qui y vivent pourraient déjà tolérer des changements rapides de température», ajoute la scientifique.
Le monitoring de cette étendue d'eau alimentée principalement par la fonte des neiges et les précipitations va toutefois se poursuivre. La commune va continuer sa surveillance dans les prochains jours et les nouveaux relevés prévus l'an prochain nous donneront davantage de détails, souligne Noémie Evéquoz.
«Nous allons rester en contact avec la biologiste et les services de l'Etat», relève Frédéric Fragnière qui se demande s'il aurait fallu intervenir préventivement. A l'avenir, la commune souhaiterait mettre en place une procédure pour éviter que le lac ne s'assèche trop vite.
Pas d'autres remplissages prévus
Pour l'heure, après cette réalimentation de 5000 m3, Noémie Evéquoz, experte en gestion de milieux naturels, ne recommande pas de nouvel apport d'eau au lac de Nendaz, sauf si le risque d'asséchement se renforçait drastiquement. «Les jeunes métamorphosés pourront se déplacer avec la baisse d'eau, si nécessaire», explique-t-elle. Ce qu'ils ont fait avant le premier ajout d'eau, effectué en début de semaine, relève-t-elle.
Le territoire de Nendaz abrite plusieurs sites naturels protégés sensibles aux périodes de sécheresse. «On s'est engagé auprès de Pro Natura à faire un état des lieux des biotopes humides de la commune, d'évaluer la quantité et la qualité des sources qui les alimentent afin de savoir comment leur garantir un apport suffisant en eau», affirme Frédéric Fragnière. Un projet est en cours pour assurer un niveau minimal à la gouille d'Ouché de Pracondu qui devrait se concrétiser d'ici 2023, illustre-t-il.
Une réflexion sur les sites marécageux est aussi en cours au niveau national, relève Yann Clavien. Elle doit notamment permettre d'établir de quelle manière la Confédération et les cantons vont gérer les zones d'alimentation d'eau face à des scénarios extrêmes. Avec le changement climatique, les épisodes extrêmes se multiplient et les espèces qui en pâtissent le plus sont souvent celles qui sont déjà les plus menacées, conclut-il.
(ATS)