Des arrière-cours des pharmacies aux hauts lieux de la fête, ils sont devenus notre quotidien: les centres de dépistage au Covid-19, avec leurs tentes carrées, leurs containers et leur personnel masqué.
Ces centres risquent toutefois de se faire de plus en plus rares. Avec l’annonce du Conseil fédéral de rendre les tests payants pour les personnes qui ne présentent plus de symptômes, il y a fort à parier que la cadence du dépistage ralentira. Cela risque surtout de toucher les centres qui desservent le milieu de la nuit, où la présentation d'un test de dépistage négatif, à défaut d’un certificat de vaccination ou de guérison, est obligatoire.
La question du coût d’un test antigénique pour les noctambules non-vaccinés n’est pas réglée. Les centres de dépistages touchent actuellement 47 francs par test de la Confédération. Lorsque la Confédération cessera de rembourser, ce sera la demande et les coûts fixes des centres qui dicteront les tarifs.
Joel Meier dirige une vingtaine de centres de tests dans tout le pays, principalement destinés aux fans de football, aux fêtards ou aux voyageurs. Depuis l’annonce du Conseil fédéral, il doit revoir ses projections.
«Sur les grands sites, nous faisons plus de 500 tests par soir. En calculant bien, vous pouvez même envisager proposer le test pour 25 francs. Les plus petits centres, en revanche, avec moins de 150 tests par jour ne seront pas rentables, les prix qu’ils faudraient appliquer seraient tellement élevés que les gens n’accepteraient pas de les payer.»
Des centaines d’emplois en jeu
Joel Meier a un talent pour l’organisation. Il est notamment président de la Street Parade de Zurich. Pendant la pandémie, il a changé son fusil d’épaule et emploie désormais 400 personnes dans ses centres de dépistage. Ses employés travaillent à l’heure, à faibles pourcentages.
Il s'inquiète à présent pour eux: «Je pense que nous allons devoir licencier des gens. Avec la contrainte du test payant, même les personnes qui avaient l’habitude de sortir toutes les semaines pourraient choisir de réduire cette fréquence à trois fois par mois. Les gens qui vont voir le match en famille resteront à la maison, même si un test ne coûte que 25 francs».
Pour Joel Meier, le Conseil fédéral manque de perspicacité. Si le gouvernement économise en coupant la manne financière aux tests de dépistage, il dépensera cet argent ailleurs, selon lui: «la plupart des personnes qui travaillent dans nos stations d’essai sont des travailleurs faiblement rémunérés qui ont besoin d’un revenu d’appoint pour survivre. Beaucoup sont issus de l’immigration. Si ces personnes perdent leur emploi, ils seront au chômage, donc aux frais de l’État».
D’autres exploitants de centres de dépistage prévoient également de supprimer des postes. Parmi eux, Lorenz Schmid, président de l’association des pharmaciens de Zurich et propriétaire de la pharmacie Toppharm sur la Paradeplatz de Zurich (le haut lieu de la finance zurichoise, ndlr). Le week-end, Lorenz Schmid opère également un centre d’essai mobile sur la Pelikanplatz, où se trouvent de grands clubs zurichois comme le Kaufleuten et le Jade.
Va-t-on assister à une vague de simulation de symptômes?
Contrairement à son homologue Joel Meier, Lorenz Schmid n’emploie pas de travailleurs à bas revenu, mais principalement des étudiants. «Ils avaient du temps à disposition, cet été.» Il ne cache pas que les tests ont constitué un revenu supplémentaire pour lui. Il comprend toutefois que le Conseil fédéral cherche à booster la vaccination en rendant les tests payants.
Les gérants de ces tests de dépistage s’attendent également à ce que certaines personnes n’hésitent pas à simuler des symptômes afin de pouvoir bénéficier d’un test gratuit. Quoi de plus facile, en effet, que de faire semblant d’avoir la gorge irritée ou de tousser? Puis de partir, test négatif en poche, faire la fête en boîte?
«Nous ne pouvons pas nous transformer en policier»
Lorenz Schmid renchérit: «Il sera difficile de discerner le vrai du faux. Les gens réagissent de manière complètement aléatoire à la maladie: certains arrivent à peine à se déplacer pour se faire tester, d’autres ne ressentent même pas de picotement dans la gorge.» Impossible, face à une telle variété de réaction aux symptômes, d’accuser les gens de supercherie: une personne pourrait alors être faussement accusée de simuler, avertit le pharmacien.
«Nous ne pouvons pas nous transformer en policier.» Au fond, Lorenz Schmid nous dit que si quelqu’un arrive et prétend présenter des symptômes, il fera le test aux frais de la princesse. «Nous ne pouvons que faire appel à l’intégrité des gens. Mais au final, cela relève de leur propre responsabilité.»
Lorenz Schmid ne croit toutefois pas à une vague de simulateurs: «Heureusement, les tests ne sont pas une partie de plaisir».
Ce phénomène ne serait en outre pas nouveau. Les tests antigéniques ne sont gratuits pour tous que depuis mars. Avant cela, quiconque voulait prendre l’avion pour ses vacances ou rendre visite à sa grand-mère sans mauvaise conscience devait également payer le test lui-même.
Autre incertitude: pour l’heure, personne ne sait si les personnes symptomatiques recevront un certificat Covid après un test négatif. Le ministre de la santé Alain Berset n’a pas répondu à cette question lors de la conférence de presse sur le nouveau régime de tests et aucune autre information n’a pu être obtenue auprès de l’Office fédéral de la santé publique.