Plus de 3000 victimes
Le Conseil fédéral ne compte pas commémorer les sorcières exécutées

C'est un chapitre sombre de la Suisse: des milliers de femmes ont été accusées de sorcellerie, puis exécutées. Mais le Conseil fédéral ne compte toujours pas commémorer officiellement les victimes.
Publié: 04.09.2022 à 06:03 heures
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Le musée Anna Göldi à Glaris rend hommage à cette femme qui fut la dernière à être exécutée en Suisse pour sorcellerie.
Photo: Sabine Wunderlin
Daniel Ballmer

Sous la torture, elle avait avoué avoir utilisé les pouvoirs du diable. Pour sorcellerie, Anna Göldi avait été condamnée à mort par l'épée en 1782 devant un tribunal glaronnais. L'accusation: la servante était soupçonnée d'avoir ensorcelé la fille de son maître, qui s'est mise à cracher des épingles. La mort de Anna Göldi a été la dernière exécution légale d'une sorcière et a suscité l'indignation dans toute l'Europe.

«La chasse aux sorcières est une page sombre de l'histoire de l'humanité et de l'histoire suisse», estime le Conseil fédéral. Pourtant, il invite à rejeter le postulat de la conseillère nationale écologiste Léonore Porchet (Les Vert.e.s) qui propose de commémorer de manière officielle les victimes de la «chasse aux sorcières». Cela est inutile, selon la haute instance.

Environ 3000 personnes accusées en Suisse

Léonore Porchet a rappelé qu'entre 1430 et 1660, environ 3000 personnes ont été accusées de sorcellerie en Suisse – en grande partie des femmes. Selon elle, ce thème est un élément important de l'histoire des femmes. Il s'agirait d'effectuer un travail de mémoire et de renforcer, par un travail de médiation, la conscience de l'importance que revêtent l'égalité, les droits humains, ainsi que l'indépendance et l'intégrité de la justice.

«L'ampleur et la durée de cette période de notre histoire méritent d'être mieux connues du grand public», est convaincue Léonore Porchet. La Suisse romande est la région d'Europe où, proportionnellement, le plus grand nombre de personnes ont été exécutées pour sorcellerie.

«Une injustice d'une ampleur colossale»

La Suisse ne jouerait en aucun cas un rôle de pionnier en s'attaquant à ce sombre chapitre de son histoire. Au printemps dernier, le gouvernement écossais ne s'est pas seulement contenté de présenter ses excuses pour cette «injustice aux proportions colossales». Les personnes condamnées à mort pour sorcellerie entre le 16e et le 18e siècle vont également être graciées a posteriori, afin de reconnaître les erreurs commises à l'époque.

Le parlement régional catalan a également adopté en début d'année une résolution pour la réhabilitation de plus de 800 femmes. Celles-ci avaient été accusées de sorcellerie entre le 15e et le 17e siècle.

Un musée sur les femmes serait suffisant

En Suisse, Berne pourrait s'inspirer de certains exemples locaux. Léonore Porchet cite par exemple la place Catherine Repond à Fribourg, le circuit des sorcières à Zurich ou le musée Anna Göldi dans le canton de Glaris qui font la lumière sur ce pan de l'histoire.

Le Conseil fédéral et le ministre de l'Intérieur, Alain Berset, rappellent que la création d'un musée national des femmes est actuellement en discussion au Parlement: «La chasse aux sorcières pourrait être thématisée de manière appropriée dans ce cadre. Il appartient toutefois aux responsables d'un tel réseau de déterminer quelle est la meilleure manière d'aborder et de présenter la question de la persécution des sorcières.»


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