Quand l’économie chinoise s’enraye, c’est toute l’économie mondiale qui en pâtit. Le week-end dernier l’a bien montré: les plus importantes manifestations depuis des décennies en Chine ont fait chuter le prix du pétrole lundi. Les bourses du monde entier ont commencé la semaine dans le rouge.
Ces turbulences ne laissent pas non plus la Suisse indemne. Après l’Allemagne et les États-Unis, la Chine est devenue, ces dernières années, le troisième pays d’exportation de l’économie suisse.
Le taux de chômage chez les jeunes nourrit la colère
D’après certaines estimations, un cinquième de la population chinoise, soit plusieurs centaines de millions de personnes, se trouverait en situation de confinement dans le cadre de la politique zéro Covid. Pour l’économie de la République populaire et pour les entreprises suisses sur place, cette immobilisation de main-d’œuvre représente un plus grand défi que les manifestations dans le pays.
«Les entrepreneurs suisses n’ont pas visité leurs usines en Chine depuis trois ans, explique Rudolf Minsch, expert de la Chine auprès de l’organisation faîtière Economiesuisse. De nouveaux confinements alimentent à nouveau la problématique de l’approvisionnement.»
Cette situation n’est pas sans rappeler celle du pic de la pandémie de Covid-19, pendant laquelle les chaînes d’approvisionnement avaient été quasi complètement interrompues dans le monde à cause des goulets d’étranglement en Chine.
L’absence de cadeaux au pied du sapin en avait été la conséquence la plus anecdotique: les entreprises avaient dû annuler des commandes, faute de pièces de rechange. L’économie chinoise s’était effondrée et avait entraîné l’économie mondiale dans son sillage.
Aujourd’hui, 20% des jeunes sont au chômage en Chine. Et ce sont précisément eux qui descendent manifester dans la rue. Est-ce que le pays entier est entré en ébullition? Pas vraiment: à Shanghaï par exemple, on estime que quelques centaines de personnes ont participé aux manifestations du week-end, sur une population de 25 millions d’habitants.
Contrôle des téléphones portables en pleine rue
«Si l’on n’est pas soi-même sur place, le quotidien nous semble tout à fait normal», explique Roman L.*, un Suisse expatrié en Chine depuis plusieurs décennies. Par peur d’éventuelles représailles, il n’accepte de témoigner que sous couvert d’anonymat. Par curiosité, il s’est rendu ce week-end à l’endroit où se déroulaient les manifestations. «La présence policière était énorme», raconte-t-il au téléphone.
Ailleurs aussi, la situation paraît tendue. «Il y a de plus en plus de contrôles de téléphones portables», souligne encore le Suisse. Dans le métro, en faisant ses courses, en pleine rue, les forces de l’ordre vous demandent de leur remettre votre smartphone: «Ils contrôlent si vous avez Twitter, Instagram ou d’autres applications interdites sur votre téléphone.»
On verra le week-end prochain si les protestations se poursuivent. Il pourrait alors y avoir de nouvelles manifestations et une vague d’arrestations. En attendant, les entreprises suisses sur place gardent les pieds sur terre et espèrent que le gouvernement chinois répondra à ces débuts de révolte, et trouvera une issue en douceur à la politique zéro Covid.
*Nom connu de la rédaction