Members of the 'Helvetia Trychler' bell ringers group perform in front of the Swiss House of Parliament during a rally in opposition with the current measures to tackle the spread of the coronavirus, Covid-19 health pass and vaccination, in Swiss capital Bern on October 23, 2021. - On November 28, 2021, Swiss will vote on challenging the law underpinning many of the government�s coronavirus measures. The country�s vaccination rate is lower than that of many other European nations. (Photo by Fabrice COFFRINI / AFP)
Photo: AFP

Pays de la pharma à la traîne
Les raisons qui expliquent le retard vaccinal suisse

Éducation de haut niveau, médecine de pointe: la Suisse truste le haut du pavé dans tous les classements internationaux. Et pourtant, elle continue de se traîner en matière de vaccination, juste devant l'Autriche. Pourquoi? Tentative d'explication.
Publié: 08.11.2021 à 09:09 heures
|
Dernière mise à jour: 08.11.2021 à 17:17 heures
Blick

Les autorités jouent le tout pour le tout cette semaine. Une dernière offensive, sous le slogan «Sortir ensemble de la pandémie», qui commence ce lundi. A l'heure de débuter cette Semaine de la vaccination, la couverture s'élève à 66% sur l'ensemble de la population, juste devant l'Autriche. Or, la tension monte chez nos voisins de l'Est, où certaines voix évoquent même un «lockdown» bref, tandis que les non-vaccinés sont exclus de certains lieux publics.

Une question lancinante revient: comment se fait-il que ces deux nations, qui trustent le haut du pavé dans tous les classements internationaux (économie, formation, finances...) se traînent en queue de peloton en matière de couverture vaccinale? Une situation pour le moins ironique puisque la Suisse est berceau de nombreuses entreprises pharmaceutique.

Les journaux alémaniques de Tamedia ont tenté de percer ce mystère une fois pour toutes ce week-end, à l'aide notamment de l'épidémiologiste Marcel Tanner. Le bientôt septuagénaire, longtemps actif en Afrique et en Asie, possède un très long CV et a été membre de la task force Covid de la Confédération.

Pas de «Bergame»

D'abord, le «Tages Anzeiger» relève que la Suisse n'a pas connu de «Bergame», du nom de cette ville italienne où la situation a dégénéré en début de pandémie. Certes, plus de 11'000 personnes ont perdu la vie en raison du Covid en Suisse, mais notre pays s'en est relativement bien sorti en comparaison européenne. Et les milliards d'aides ont permis d'adoucir les effets économiques de la pandémie.

Il existe par ailleurs un «Röstigraben» de la vaccination: les Romands et les Tessinois sont en moyenne davantage enclins à recevoir des doses que leurs homologues alémaniques, du moins pour le moment. Marcel Tanner voit la situation de manière un peu plus large et note qu'il y a eu une «infodémie», néologisme qui évoque le problème des fausses informations en matière de Covid, particulièrement vorace dans les pays germanophones (Allemagne, Autriche, Suisse). «Il y a eu des contre-vérités partout, mais elles se sont très répandues en langue allemande», souligne le professeur.

La «liberté» chère à certains

La qualité des soins fournis en Suisse ont également été un frein potentiel à la vaccination, selon Marcel Tanner. «Même en cas d'infection, on a l'impression que l'on a encore un filet de protection avec la prise en charge médicale», estime l'ancien membre de la task force Covid.

Pour autant, la Scandinavie a un profil similaire, n'a pas non plus connu de «Bergame» et la couverture vaccinale y est sensiblement meilleure qu'en Suisse. Comment l'expliquer? Les journaux de Tamedia sont allés chercher la réponse auprès de Flurin Condrau, historien de la médecine à l'Université de Zurich. Selon ce spécialiste, la Suisse a de grosses lacunes en matière de prévention de la Santé, qui fait moins partie de la culture que dans les pays du Nord. En résumé, les Suisses sont plutôt dans la réaction que dans l'action.

Un autre facteur ayant sans doute joué un rôle: l'amour des Suisses (surtout des cantons primitifs) pour la fameuse «liberté». Le président du Centre Gerhard Pfister, originaire du canton de Zoug, l'avoue sans peine: «Certaines personnes en Suisse centrale ont des réflexes anti-centralistes, libéraux, anti-autorité, quelque part. Et je le dis sans jugement, puisque j'en partage largement les principes.»

Le Conseil fédéral pas toujours soutenu

Mais ce constat n'est pas forcément une vérité absolue, relève le «Tages Anzeiger». Dans les colonnes du média alémanique, l'historien zougois Jo Lang — lui-même ancien conseiller national —, rappelle que la Suisse centrale a été très longtemps rattachée au clergé et que ce sont trois cantons «primitifs» qui voulaient laisser les pleins pouvoirs au Conseil fédéral en 1949 à la suite de la guerre.

Pour Flurin Condrau, c'est plutôt le fédéralisme qui explique la résistance. Le fait que les injonctions viennent du Conseil fédéral est plutôt mal vu. «Il y a d'autres exemples historiques. En 1882 par exemple, lorsque les lois cantonales en matière d'épidémie ont été appelées à être remplacées par un texte national, le peuple a dit non», rappelle l'historien.

Enfin, il y a le «facteur UDC», comme le nomment les journaux de Tamedia. Le fait que la Suisse soit le seul pays où un parti gouvernemental a appelé à rejeter les mesures de lutte contre la pandémie n'est pas du tout anodin. La presse internationale s'en est d'ailleurs fait écho.

L'UDC a saisi l'opportunité

Le scepticisme au sein de la population a été alimenté par les positions du parti. Et ce alors que les mesures sont plutôt modérées en comparaison international. La «Frankfurte Allgemeine Zeitung» note que même si les résistances contre le vaccin vont bien au-delà de l'électorat UDC, «le premier parti de Suisse a compris qu'il pouvait gagner de nombreux nouveaux partisans dans ce contexte contestataire».

Et un conseiller fédéral a même franchi la barrière, ou presque, en la personne d'Ueli Maurer, rappelle la «FAZ». Même le président du parti Marco Chiesa estime que la loi discrimine de larges couches de la population et divise la société. Des slogans qui se retrouvent sur les affiches des opposants à la loi Covid.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la