L’automne est la période du «mercato» des caisses maladie. Les assurés peuvent changer de caisse jusqu’à fin novembre, comme chaque année. Mais il y a également du mouvement chez les assureurs, du moins à la CSS.
Comme l’écrit le groupe sur son site internet, trois de ses filiales (Intras, Sanagate et Arcosana) ne feront plus qu’une dès janvier sur le volet LAMAL. «Les assurés d'Intras et de Sanagate reçoivent une offre d’assurance équivalente auprès d’Arcosana», explique CSS. Pour ce qui est des complémentaires, CSS «avalera» directement Intras.
Ces mouvements sont parfaitement légaux. Ils sont validés tant par l’Office fédéral de la Santé publique (pour le volet LAMAL) que par le gendarme des marchés financiers, la FINMA, pour le volet LCA (les complémentaires).
Romands et Tessinois lésés
Néanmoins, cette fusion laisse une importante question ouverte: celle du destin des réserves, qui varient fortement d’une filiale à l’autre et qui préoccupe la Fédération romande des consommateurs (FRC). «Début 2021 le niveau des réserves d’Arcosana (97%) et Sanagate (87%) était en dessous du seuil légal alors que celui d’Intras était largement en dessus (230%)», explique Yannis Papadaniel, responsable santé.
Que va devenir cet argent? Interrogée par la FRC, CSS a confirmé deux choses: premièrement, les réserves vont être mises en commun, les excédents d’Intras venant combler les déficits des deux autres caisses. Ensuite, les rétrocessions seront réalisées indépendamment de l’origine de l’argent — peu importe le domicile de l’assuré et dans quelle mesure il a contribué lui-même à faire gonfler les réserves.
Le fait que CSS fasse fi de la traçabilité des fonds ne convient pas à la FRC. «Les réserves excédentaires d’Intras viennent combler les réserves déficitaires des deux autres caisses. Ce n’est pourtant pas leur vocation première», rappelle Yannis Papadaniel. Il y a aussi un transfert entre régions linguistiques: Intras, caisse dont les réserves vont alimenter les deux autres entités, compte 75% de Romands et de Tessinois, alors que Arcosana et Sanagate recensent 75% d’Alémaniques (tous les chiffres au 31 décembre 2020).
«Le nombre de caisses va diminuer»
Pour Philippe Nantermod (PLR/VS), membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du National, cette fusion est logique. «Dans le cas précis, ce sont deux petites caisses qui sont absorbées par une plus grosse. Nous allons irrémédiablement vers une concentration des caisses maladie. C’est indispensable qu’elles aient une taille critique pour offrir un certain service aux assurés.»
Le Valaisan note que certaines caisses ne comptent que quelques dizaines ou centaines d’assurés. Les taux de réserve fluctuent dans des proportions folles. «Il suffit qu’il y ait un assuré ou deux de plus pour que les réserves explosent», explique Philippe Nantermod. Ce qui n’est pas le cas ici, puisque la fusion touche 500’000 assurés, dont 165’000 à Intras, note la FRC.
Quid des réserves qui passent d’une caisse à l’autre? «Le problème, c’est que l’argent n’a pas d’odeur. La prime que vous payez est pour tous les assurés, vous n’avez pas un droit à ce que l’on vous rembourse votre prime… C’est le propre de notre système de solidarité, celui qui n’est pas malade va payer pour les autres quoi qu’il arrive.»
Philippe Nantermod a déposé une initiative parlementaire pour que les réserves soient plafonnées à 150% du taux minimum, l’excédent étant redistribué annuellement aux assurés sous la forme d’un acompte. «C’est un taux arbitraire mais qui me paraît le plus juste possible. Si quelqu’un arrive avec une proposition plus équitable, je l’écoute volontiers, mais en attendant, cette solution serait bien plus correcte que la situation actuelle.»