Mort massive de poissons autour du Lac bleu
C'est l'«un des plus grands scandales de déchets toxiques des temps modernes»

Une bataille juridique oppose le Ministère public bernois à un homme d'affaires local, dans le cadre d'un scandale environnemental autour du Lac bleu. L'homme soupçonne une pollution des eaux par des déchets toxiques et se bat pour le prouver.
Publié: 17.03.2024 à 14:09 heures
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L'exploitation piscicole Stefan Linder (3e depuis la gauche) est située au bord du très touristique Lac bleu.
Photo: keystone-sda.ch
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Reza Rafi

Tout ce que Stefan Linder entreprend, il le mène à bien. Avec des partenaires, le Bernois de l'Oberland a autrefois fondé le Swiss Economic Forum – qui appartient aujourd'hui à la «NZZ» – et le Swiss Innovation Forum. Il est également président de l'Initiative Suisse et siège dans plusieurs conseils d'administration. Bref, un vrai self-made-man.

Ce mécanicien de formation possède aussi une exploitation piscicole au bord du très touristique Lac bleu, dans la vallée de la Kander. L'exploitation est gérée par Philipp Hildebrand, vice-président de Blackrock, et André Lüthi, patron de Globetrotter. Depuis 2018, une mort massive de truites s'est transformée en feuilleton judiciaire, avec des procédures lancées contre 18 personnes, notamment pour infraction aux prescriptions environnementales.

Le Ministère public de l'Oberland bernois vient en effet de prendre une décision à l'encontre de Stefan Linder, le déclarant coupable de violations multiples de domicile, de violations multiples du domaine secret ou privé ainsi que de contrainte par ordonnance pénale du 4 mars.

Stefan Linder est convaincu que les matériaux stockés illégalement dans le tunnel de faîte du Lötschberg et des déchets toxiques de SHB, une carrière située en amont, sont à l'origine de la mort de ses poissons.

Selon l'ordonnance pénale, Stefan Linder aurait par ailleurs dépassé les bornes, notamment entre juin et novembre 2020.

Il écope d'une amende avec sursis de 51'680 francs

Stefan Linder a en effet pénétré illégalement dans l'enceinte de SHB pour y installer une caméra de surveillance: «Il savait que son intrusion était illégale», rapporte l'ordonnance. Stefan Linder aurait également effectué «au moins six fois» des enregistrements illégaux sur le site de l'entreprise avec des drones.

Le prévenu aurait par ailleurs tenté d'inciter une conductrice de camion «à coopérer avec les autorités», en lui indiquant qu'il avait jadis fait partie «pendant des années d'une unité spéciale» et qu'il disposait d'un «excellent réseau dans les milieux policiers». La femme aurait pris ce message «comme une menace», ce que l'autorité pénale considère aujourd'hui comme une contrainte.

Stefan Linder a payé 51'680 francs et est en sursis. Il a également payé une autre amende de 12'920 francs. La caméra de surveillance installée illégalement est, elle, «confisquée pour destruction».

L'accusé se défend: il n'a rien fait de mal

Le parquet a déclaré Stefan Linder coupable de violation de domicile et d'atteinte à la vie privée.

Mais l'homme d'affaires et son fils – qui était présent avec son père lors des interventions – contestent avec véhémence toutes les accusations, par l'intermédiaire de l'avocat Rolf P. Steinegger, qui indique: «Le procureur se base sur des faits erronés.»

Ainsi selon son avocat, Stefan Linder n'aurait pas pénétré dans la carrière en question, mais aurait «réalisé les photos et vidéos des opérations illégales sur le site de la carrière depuis un terrain privé voisin» et les aurait «immédiatement transmises à la police cantonale et aux autorités». Les vols de drones, quant à eux, n'auraient violé aucune prescription fédérale ou cantonale, et encore moins «le domaine privé d'une personne protégée».

Le Ministère public aurait réussi à «laisser pourrir l'affaire»

Stefan Linder rejette également avec véhémence l'accusation de contrainte contre la chauffeuse. Déjà entendue «trois fois» par la police, la femme a «confirmé à plusieurs reprises» que Stefan Linder ne l'avait pas menacée ou contrainte.

Rolf P. Steinegger s'en prend durement au Ministère public, qui aurait réussi à «laisser pourrir pendant près de quatre ans l'affaire du Lac bleu, l'un des plus grands scandales de déchets toxiques et d'environnement des temps modernes». Selon l'avocat, «la justice bernoise est défaillante» et son client devrait être «récompensé pour son courage au lieu d'être couvert d'ordonnances pénales».

Stefan Linder et son fils ont «immédiatement» fait opposition à l'ordonnance pénale. L'affaire doit maintenant passer à l'instance supérieure. Le jugement n'est donc pas définitif. Les deux hommes bénéficient de la présomption d'innocence.

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