La Suisse n’accueillera pas de réfugiés afghans — la Confédération s’est contentée d’évacuer ses ressortissants et le personnel afghan qu'elle employait sur place. Et ce malgré les appels répétés de la gauche, qui a déposé une pétition à Berne pour demander l’accueil d’un contingent de réfugiés. «J’ai de la compréhension pour cette demande, mais il faut rester réaliste. La Suisse seule ne peut pas décider d’un programme d’asile, c’est à l’ONU de faire ce travail», a estimé Karin Keller-Sutter. La question reste brûlante d'actualité alors que le chef du DFAE Ignazio Cassis accueillait ce lundi à Genève la Conférence des donateurs pour l'Afghanistan.
Chère Madame Meyer, pourquoi voulez-vous prendre le rôle des organisations humanitaires?
Personne n'a réclamé que la Suisse agisse seule dans ce conflit afghan. L'agence des Nations unies pour les réfugiés a néanmoins appelé, la semaine dernière, les pays où la situation sécuritaire est bonne d'agir en accueillant des réfugiés particulièrement vulnérables d'Afghanistan.
La balle est désormais dans le camp du Conseil fédéral. Le gouvernement peut agir directement, avec l'aide des organisations humanitaires et des États partenaires, en offrant une protection à ces personnes. En plus d'apporter de l'aide d'urgence sur place. Est-ce que les Afghanes et Afghans en danger peuvent compter sur ton soutien, Philippe?
La Suisse fait partie d'un système coordonné pour l'asile, celui de Schengen-Dublin. Les règles du droit de l'asile sont claires. Les réfugiés doivent d'abord chercher l'asile dans leur propre pays, puis à l'étranger. Et en principe, dans les États les plus proches, ce qui est logique. Il y aura probablement de nouveaux réfugiés afghans en Suisse, mais ce n'est pas à notre État d'aller cueillir des gens pour satisfaire la conscience humanitaire de la gauche de Suisse. Tout cela, c'est la loi acceptée par le peuple, à maintes reprises. Cela vous dérange tant que ça?
Mon parti a, comme le PLR et une majorité du peuple suisse, dit oui à l'ONU. Et cette organisation dispose d'un programme de réinstallation («Resettlement»), qui vise à accueillir les réfugiés particulièrement vulnérables dans un pays sûr. Cela ne concerne qu'une petite minorité des 80 millions de personnes en fuite. La grande majorité des réfugiés vont rester dans leur pays d'origine ou se dirigent dans un pays voisin. Raison pour laquelle il faut aussi une aide sur le terrain. Ou alors, comme tu l'affirmes depuis ta position protégée et privilégiée, ça ne sert qu'à «apaiser la conscience de la gauche»?
Les programmes des Nations unies ne valent pas encore loi en Suisse. Cela dit, notre pays joue son rôle dans la politique mondiale de l’asile. Ce n’est pas la même chose d’octroyer l’asile à ceux qui le demandent et d’aller chercher dans leur pays de futures requérants.
Aujourd’hui, ce qui est vraiment important, c’est l’aide sur place. Et cela, la Suisse le fait. Ignazio Cassis a même décidé d’augmenter l’aide — c’est ça, une politique responsable et efficace.
Je suis très heureuse que le PLR soutienne — pour une fois! — une augmentation importante de l'aide sur le terrain. Ton parti a pourtant dit non à l'unanimité lorsque j'ai proposé une contribution supplémentaire pour la Syrie, le Yémen et le Soudan du Sud, trois pays où des millions de réfugiés ont besoin de toute urgence d'une aide alimentaire.
Mais le Conseil fédéral peut en faire davantage: il pourrait, de son propre chef, accorder un droit de séjour aux demandeurs d'asile afghans déboutés. Ils ne peuvent retourner dans leur pays dans un horizon temporel raisonnable.
S’il n’y avait que la gauche pour soutenir l’aide au développement, il n’y en aurait pas en Suisse. Mais nous voulons des mesures raisonnables, supportables.
Et le droit d’asile est un droit individuel, pas collectif. Il n’est pas octroyé à toute une population, mais doit être analysé au cas par cas, pour chaque personne qui fuit une persécution.
Je sais que cela ne correspond peut-être pas à l’agenda du PS, mais c’est ainsi que notre loi, démocratiquement adoptée, le définit. Comme d’ailleurs les traités internationaux. Ainsi, on ne saurait octroyer de manière générale un droit d’asile selon la nationalité.
Il y aura toujours un examen individuel. Aujourd'hui, les demandeurs d'asile afghans déboutés vivent dans des hébergements d'urgence précaires, sans perspectives. Ces personnes ne seront pas en mesure de retourner chez elles en Afghanistan dans un délai réaliste. Que faire, alors? On les garde chez nous, mais sans possibilité de trouver un travail ni perspectives de vie?
Malheureusement, cette posture défensive est une marque de fabrique au sein du PLR: le département de ta conseillère fédérale, Karin Keller-Sutter, voulait renvoyer des réfugiés à Kaboul jusqu'à quatre jours (🤯) avant la prise de pouvoir des talibans. Incroyable.
Ce sont deux sujets indépendants: la question des réfugiés en Suisse et celle d'aller en chercher sur place. Deux débats différents, avec des réponses différentes.
S'il me semble raisonnable de penser que l'on ne peut pas renvoyer aujourd'hui un Afghan qui serait en danger dans son pays, l'Europe, et la Suisse de surcroît, n'a aucune raison culturelle ou géographique de devenir la destination privilégiée des Afghans qui fuient la nouvelle réalité de leur pays. C'est peut-être triste, mais c'est bien réel.
Toutes les semaines, deux parlementaires se mettent d'accord sur un thème d'actualité pour en débattre et apporter un peu de hauteur de vue sur les désaccords sous la Coupole.
La co-présidente du PS Mattea Meyer croise le fer avec le vice-président du PLR Philippe Nantermod, tandis que la Verte Léonore Porchet tente de convaincre Martin Candinas (Centre), 2e vice-président du Conseil national.
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