Markus Arn se tient dans son étable à Suberg (BE) au milieu de ses truies. Ses animaux lui sont chers. Mais trop chers pour Migros. Avec ses plus de 600 bêtes, l'agriculteur se sent abandonné par le géant orange. «Il y a deux ans, Migros voulait encore augmenter la quantité achetée aux paysans IP. Ces derniers mois, l'entreprise nous a longtemps fait languir lors des négociations et a même fini par réduire la quantité achetée», explique le producteur de porcs lors de la visite de Blick dans sa ferme.
Markus Arn est membre du groupe spécialisé Porc IP-Suisse, qui a adressé une lettre ouverte à Migros Supermarché SA au sujet de cette rétractation de dernière minute. «Nous sommes très déçus, écrit l'éleveur pour l'ensemble de co-signataires. Nous n'avons pas besoin de diktats du marché à court terme au détriment des producteurs.»
«Nous ne sommes pas une usine»
L'année dernière, les agriculteurs ont encore pu vendre 700'000 porcs grâce au label IP. Celui-ci est synonyme d'une agriculture respectueuse de l'environnement et des animaux. En 2024, Migros, le plus gros acheteur de viande de porc IP, a soudainement décidé d'acheter 40'000 animaux de moins aux paysans.
La veille de notre visite, de nouveaux porcelets ont été livrés chez Markus Arn. Cette livraison renforce la colère de l'éleveur contre Migros. Et pour cause, le cycle de reproduction et de production pour l'année est déjà en cours. «Nous ne sommes pas une usine où l'on peut appuyer sur le bouton et produire. Les animaux sont déjà nés ou les truies sont déjà en gestation. Et maintenant, une partie de notre cheptel ne peut pas être vendu avec le supplément de label», s'énerve-t-il.
Pour la viande de porc IP, les agriculteurs reçoivent un supplément afin de pouvoir financer les coûts plus élevés de la production standard. Actuellement, cela représente 40 centimes par kilo – la moyenne des dernières années était de 35 centimes. Selon Markus Arn, il faudrait toutefois 50 centimes pour que les paysans puissent tourner.
Ce que dit la Migros
Markus Arn a repris la ferme de son père il y a 26 ans et a investi plus d'un million de francs au cours des 20 dernières années. Pour que ces dépenses supplémentaires soient rentabilisées d'ici sa retraite, il a besoin d'une sécurité de planification. «Cette adaptation des quantités communiquée à court terme par Migros n'est pas juste. Il semble que les responsables du géant orange aient mal évalué la situation et que les paysans doivent maintenant en faire les frais», grogne le paysan.
Interrogée à ce sujet, Migros joue l'apaisement: «La prise en charge des animaux est garantie», déclare le porte-parole Marcel Schlatter. En ce moment, il y a même une pénurie exceptionnelle de porcs dans ce qu'on appelle le 'cycle du porc' et nous abattons nettement plus d'animaux IP-Suisse que ce qui était prévu. Il n'y a aucun risque que le cycle de production actuel ne puisse pas être écoulé», explique-t-il. Ensuite, Migros veut réduire la quantité achetée dans le courant de l'année.
Markus Arn rétorque: «Le cycle dure environ onze mois, nous, les paysans IP, aurons donc des problèmes dans la deuxième moitié de l'année.» Une affaire compliquée donc...
Les agriculteurs jettent l'éponge
Mais la pénurie actuelle fait monter les prix. Le kilo de viande de porc coûte 4,40 francs. Du point de vue de Migros, ce sont des prix indicatifs «extraordinairement élevés». Selon Markus Arn, c'est le prix dont les paysans ont besoin pour travailler de manière rentable. L'année dernière, le prix a chuté en raison de la surproduction – il était parfois de 2,80 francs le kilo. «De nombreux paysans ont fait des pertes et ont jeté l'éponge», Martèle Markus Arn. C'est pourquoi la quantité d'abattage a chuté de 10%, entraînant un sous-approvisionnement.
Cela joue en faveur des agriculteurs. Mais Migros et Coop détiennent une part de marché de 85% pour la viande de porc IP. «Si les détaillants utilisent leur pouvoir de marché pour faire encore plus pression sur les prix, nous finirons par ne plus exister et la Suisse devra importer sa viande de l'étranger avec des conditions de détention moins bonnes», secoue l'éleveur.
La viande bon marché favorite
Pour Markus Arn, il est clair que les éleveurs de porcs doivent s'adapter au marché. Mais ce qui le dérange, c'est que les détaillants mettent en avant leur marché avec de la publicité sur le bien-être des animaux. Une grande partie de la population se prononce en faveur d'un meilleur bien-être animal lors des votations, mais se rabat de plus en plus sur de la viande bon marché dans les magasins. Markus Arn comprend certes cette situation en raison du renchérissement général. «Mais tout cela ne va pas ensemble!»
Migros souligne que malgré toute sa compréhension pour les paysans, elle doit s'orienter vers les volontés des clients. Et celle-ci demande manifestement de plus en plus de viande bon marché. L'envie en porc est réelle, mais malheureusement pas ceux venant d'éleveurs IP.