Un balayage de la carte, un bip et la transaction est effectuée. Le paiement sans contact est devenu si simple que l'on oublie qu'il y a quelques années encore, ce geste relevait du fantasme.
Les Suisses se sont si facilement adaptés à cette technologie que l'argent cash appartient presque au passé: selon les sondages, seule une personne sur trois environ (35%) préfère encore l'argent liquide.
Une catégorie de la population n'a pas besoin de sondage pour constater cette réalité: les personnes vivant dans la rue ressentent particulièrement la raréfaction de la monnaie dans les poches des passants. «Désolé, je n'ai pas de cash» devient la phrase la plus courante, rapporte Walter von Arburg, des œuvres sociales du pasteur Sieber.
La pandémie de Covid a accéléré la tendance vers une société sans liquide. Un chiffre le montre bien: le service de paiement mobile Twint a gagné 700'000 utilisateurs en un an pour atteindre quatre millions de comptes «actifs», selon les données de l'entreprise elle-même. Soit plus de la moitié de la population si l'on met de côté les mineurs.
Poussés vers la délinquance?
Ce phénomène a des conséquences importantes dans la rue, insiste Walter von Arburg. «Pour obtenir de l'argent, les mendiants se tournent vers des activités illégales comme le recel, le vol ou la prostitution. Ou alors, ils s'en prennent aux touristes qui auraient de l'argent liquide.»
L'Armée du Salut est également touchée. «Lors des collectes classiques, qui consistent en une marmite dans laquelle les gens peuvent jeter des pièces, comme à Noël, il est devenu bien plus difficile de les remplir», explique le porte-parole Holger Steffe. Mais l'organisation a anticipé et propose depuis quelques années déjà le don via Twint.
Car si elle a modifié les modes de transaction, la fin du cash n'a pas atténué la solidarité des Suisses. Les œuvres d'entraides peuvent en témoigner: quelques semaines après le début de la guerre en Ukraine, elles avaient déjà récolté 285 millions de francs de dons, presque autant que l'élan de générosité observé sur toute l'année ayant suivi le tsunami en 2005 (300 millions).
Record pour la Croix-Rouge...
En 2021, un total de deux milliards de francs a été versé aux œuvres d'entraide en Suisse. Une vaste majorité (70%) de ce montant provenait des ménages privés. Un record qui devrait encore être battu cette année, comme le laissent supposer les données des plus grandes œuvres d'entraide suisses.
La Croix-Rouge, la plus ancienne et la plus grande organisation du genre en Suisse, ne dispose certes pas encore de chiffres définitifs pour l'année en cours, mais estime que le record de l'année dernière (44 millions de francs) devrait être «facilement battu», selon sa porte-parole Sabrina Hinder.
Le volume des dons en ligne ne cesse d'augmenter. «Depuis la pandémie de Covid, la confiance dans les moyens de paiement numériques a augmenté et de nombreuses personnes sont devenues plus familières ces outils. Cela se répercute également sur les dons», explique la responsable de la Croix-Rouge.
... et pour toutes les autres organisations
La Chaîne du Bonheur observe également cette année une solidarité exceptionnellement élevée, comme l'indique son porte-parole, Fabian Emmenegger: «La collecte liée à la guerre en Ukraine a été la deuxième plus importante de notre histoire.»
Cela s'explique par le fait que l'invasion russe a choqué les gens, mais aussi par l'intensité du traitement médiatique. «Il est beaucoup plus difficile de collecter des dons si les gens ne sont pas au courant ou s'il faut des explications complexes», souligne Fabian Emmenegger.
Helvetas devrait également atteindre un résultat record: à fin novembre, l'œuvre d'entraide a enregistré des dons d'un montant de 43,5 millions de francs. Et Caritas Suisse indique qu'avant Noël déjà, les dons étaient nettement supérieurs au résultat de l'année précédente, qui était de 28 millions de francs.
Ces records en cascade peuvent paraître surprenant, à l'heure où l'inflation et l'augmentation du coût de la vie peuvent peser sur le budget des ménages. Pour l'instant, cela n'a pas l'air de se refléter dans la générosité des Suisses. Et la plupart des œuvres d'entraide se disent confiantes pour 2023. Au contraire des mendiants...