Les opposants à la 5G ont du nouveau grain à moudre
«Une grêle de requêtes juridiques»

3000 oppositions aux nouvelles antennes 5G ont déjà été formulées en Suisse. La situation s'aggrave pour Swisscom et les autres opérateurs... Le nouveau réseau est littéralement au bord du gouffre.
Publié: 03.10.2021 à 10:51 heures
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Dernière mise à jour: 04.10.2021 à 07:18 heures
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Anita Schälin s'oppose à la présence d'une antenne dans le centre de Sarnen (OW).
Photo: Thomas Meier
Danny Schlumpf, Daniella Gorbunova (adaptation)

La Suisse a été l'un des premiers pays au monde à mettre aux enchères des fréquences pour la 5G, au début de 2019. Swisscom, Sunrise et Salt ont franchi le pas, même s'ils savaient que les limites légales de rayonnement pour la nouvelle technologie mobile étaient en fait trop basses, supposant que ce problème pourrait être résolu dans la foulée. Mais voilà qu'une vague de protestations massives submerge les opérateurs téléphoniques.

Le nerf de la guerre est l'antenne dite adaptative. Selon Swisscom et Cie, cette dernière émet de manière ciblée et génère donc moins de rayonnement électromagnétique. Argument qui laisse de marbre les opposants.

En effet, de nombreux citoyens vivant à proximité des émetteurs s'indignent: en deux ans, plus de 3000 objections contre la construction de nouvelles antennes ont été déposées. Et il faut s'attendre à ce que ce chiffre gonfle, car sur les quelques 20'000 installations existantes en Suisse, 12'000 peuvent être converties en antennes adaptatives. Dans de nombreux cantons, aucune objection n'est possible: ces conversions peuvent passer au travers d'une procédure mineure, sur recommandation de la Confédération.

Pas d'opposition possible?

Qu'elles soient neuves ou modernisées, les antennes adaptatives n'offrent leurs pleines performances qu'avec une plus grande puissance de rayonnement. Toutefois, compte tenu des protestations massives, les limites existantes ne peuvent plus être modifiées.

Les fournisseurs de téléphonie mobile ont trouvé une astuce: l'on peut de facto augmenter la puissance d'émission des antennes 5G au-delà de la valeur limite à certains endroits, pour autant que la valeur maximale moyenne soit toujours respectée. Et dans de nombreux cas, il n'est pas possible de faire opposition, ce bricolage ne nécessitant pas même une petite procédure légale.

Un canton sans 5G

Les habitants résidant près des antennes 5G converties n'ont donc la possibilité de se défendre par voie judiciaire qu'après la conversion. Anita Schälin, de Sarnen (OW), le sait mieux que personne: son association «Obwald sans 5G» a déjà engagé une action en justice contre sept mâts émetteurs dans le canton. L'un d'eux se trouve à Sarnen, au centre de la ville.

Swisscom a fait évoluer l'installation vers un module 5G il y a deux ans. Anita Schälin a voulu intenter un procès, mais le canton l'a rejeté: La mise à niveau n'ayant pas dépassé le seuil limite de l'obtention du permis. L'affaire est maintenant aux mains du tribunal administratif cantonal. «Nous ne visons pas directement les politiciens», précise Anita. «Parce qu'ils sont souvent coincés entre deux chaises. Mais nous tenons bon pour un Obwald sans 5G.»

Un avis juridique redonne du courage aux opposants

Aujourd'hui, la Sarnoise a repris courage, grâce à un avis juridique formulé par l'Université de Fribourg à l'attention de la Conférence suisse des directeurs cantonaux des travaux publics, de l'aménagement du territoire et de l'environnement (DTAP). Le document contient des déclarations potentiellement explosives: les experts y écrivent qu'un permis de construire est effectivement nécessaire pour la conversion des systèmes de radiocommunication mobile conventionnels en antennes adaptatives. Il en va de même pour l'activation du facteur de correction - le fameux bricolage qui passe, pour l'heure, entre les gouttes. Cela rendrait donc véritablement possibles les objections.

«Nous acceptons cette interprétation», déclare le conseiller d'Etat fribourgeois Jean-François Steiert, vice-président du DTAP. L'objectif de la Conférence des directeurs des travaux est une approche uniforme des cantons responsables des permis de construire à partir de 2022.

Un nouveau régime qui devient la norme

Le nouveau régime devrait donc rapidement devenir la norme. Zurich, par exemple, l'a déjà mis en œuvre, comme le confirme le canton sur demande: les conversions et le facteur de correction y sont soumis à approbation avec effet immédiat.

Une catastrophe se profile donc pour les fournisseurs de téléphonie mobile. Rebekka Meier, présidente de l'association «Protection contre les radiations», s'attend à une vague massive d'objections. Les fournisseurs ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes, selon l'opposante: «Ils ont manifestement pensé, tout comme la Confédération, qu'ils pouvaient introduire la 5G sans demander l'avis des habitants.»

Anita Schälin estime quant à elle que de nombreux projets déjà passés sous silence se retrouveront bientôt devant le juge: «Dès que la conversion à la 5G et le facteur de correction seront soumis à approbation, il y aura une grêle de requêtes juridiques et d'accusations!»

La 5G risque de s'effondrer

La 5G serait ainsi sur le point de s'effondrer. La modernisation des réseaux est déjà fortement retardée, estime à cet égard l'association suisse des télécommunications Asut: «Si l'introduction de la 5G est encore temporisée, la menace d'une détérioration importante de la couverture mobile plane sur nous.»

Mais Jean-François Steiert n'est pas d'accord: «Le projet 5G est encore possible. Mais une nouvelle technologie ne doit pas être introduite en catimini. C'est pourquoi les procédures avec possibilité de s'opposer aux revalorisations ou au facteur de correction sont importantes pour les cantons.»

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