Les mains liées par un accord
Viola Amherd ne peut pas faire pression pour exclure les Russes du CIO

Le Comité international olympique (CIO) refuse obstinément d'exclure des fonctionnaires russes. En réaction, de plus en plus de voix s'élèvent pour que le gouvernement suisse fasse directement pression. Mais cela ne serait en réalité pas si simple.
Publié: 22.04.2022 à 14:11 heures
La conseillère fédérale chargée des sports, Viola Amherd, a écrit une lettre au président du CIO.
Photo: keystone-sda.ch
Gianna Blum et Daniel Ballmer

La ministre des Sports, Viola Amherd, n’est pas prête à jeter l’éponge. Elle maintient sans équivoque sa demande au Comité international olympique (CIO). Les athlètes russes et biélorusses ne doivent pas être les seuls à être exclus des compétitions en raison de la guerre en Ukraine. Il en va de même pour les fonctionnaires des fédérations sportives russes.

La conseillère fédérale a envoyé une lettre cinglante au président du CIO, Thomas Bach, à ce sujet. Mais ce dernier ne veut rien savoir. Pourtant, la Valaisanne est loin d’être la seule à le demander. Elle est soutenue par Swiss Olympic. «Nous estimons que de nombreux fonctionnaires sont plus étroitement liés au pouvoir russe que les sportifs eux-mêmes», explique l’association.

L’image de la Suisse écornée?

La pression sur le CIO augmente également du côté politique. «Après la requête de Viola Amherd, il serait important que le Conseil fédéral examine d’autres mesures», affirme le politicien Roland Fischer. Selon lui, «la Suisse perdrait toute crédibilité si elle restait passive sur cette situation».

Pour le conseiller national, le plus simple serait que l’UE inscrive les quatre fonctionnaires russes du CIO sur sa liste des personnes visées par les sanctions. La Suisse pourrait alors reprendre et appliquer ces sanctions afin d’expulser les fonctionnaires russes de l’organisation et du territoire suisse. Une possibilité à plus long terme serait de réexaminer l’exonération fiscale de ces organisations. Roland Fischer saluerait le fait que celle-ci soit liée à des conditions: «Mais le Conseil fédéral s’est montré plutôt réticent sur cette question jusqu’à présent. Au vu du comportement du CIO, le gouvernement changera peut-être d’avis.»

Fonctionnaires et athlètes russes «pas responsables»

Roland Rino Büchel est d’un tout autre avis. «La Suisse se décrédibilise», estime le conseiller national UDC. Selon lui, c’est au CIO d’élire ses membres – ou justement de les exclure: «Si Viola Amherd écrit des lettres formelles, elle devrait aussi avoir les outils en main pour transformer ses paroles en actes.»

Or, elle ne l’a pas fait. Selon Roland Rino Büchel, la Suisse ne peut rien ordonner au CIO. De toute façon, il ne croit guère à l’exclusion des ressortissants russes, qu’il s’agisse de fonctionnaires ou d’athlètes: après tout, ils ne sont pas responsables du comportement de leur État.

Une impasse politique à cause de privilèges olympiques

La Suisse ne peut effectivement pas imposer de sanctions aussi facilement. «Les possibilités de la Suisse de faire pression sont très limitées», explique l’expert Jean-Loup Chappelet, professeur émérite de l’Université de Lausanne (Unil).

Le CIO, dont le siège est situé dans la capitale vaudoise, jouit de quelques privilèges. Il est par exemple exonéré de l’impôt fédéral direct et la composition de son personnel n’est pas soumise à une quelconque limitation du nombre de fonctionnaires étrangers. Ces avantages sont régis par un accord qui est en vigueur depuis plus de 20 ans, comme le souligne le professeur de l'Unil.

Selon le texte de l’accord, ce dernier peut certes être modifié, mais il faudrait pour cela le feu vert du CIO. L’alternative serait de le dénoncer purement et simplement. Mais une telle procédure pourrait conduire le CIO à quitter Lausanne. Malgré la polémique et la pression politique, il est difficile d’imaginer que la ministre des Sports aille aussi loin.

(Adaptation par Quentin Durig)

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