Susanne M.* cherchait le grand amour en ligne. Sur le site de rencontre Be2, cette grand-mère suisse divorcée de 62 ans a fait la connaissance d'un Français habitant à Lausanne. «Un type sympathique», a-t-elle trouvé initialement. Ce qu'elle ne savait pas encore, c'est que les photos ne montraient pas le prétendu homme de ses rêves, mais un agent immobilier quarantenaire de Winterthur, Tobias von Monkiewitsch, dont l'identité avait été usurpée.
L'homme qui écrit à Susanne M. le 22 décembre 2022 prétend s'appeler Christian Annen. Il aurait grandi en France en tant qu'orphelin. Il raconte à Susanne M. que sa femme est décédée du Covid trois ans auparavant. Profondément affecté par cette perte, il n'aurait pratiquement pas pu travailler depuis. Il a aussi dû se séparer de son petit chien. «Il m'a envoyé des photos de son ex-femme et de son animal de compagnie, sur lesquelles il apparaissait également. L'histoire semblait crédible», raconte Susanne M. à Blick. Elle parle même avec son Don Juan virtuel lors d'un appel vidéo: «Ça a duré deux minutes. Il se trouvait dans une pièce sombre, mais je voyais son visage, ses mouvements. Tout avait l'air réel.»
Une photo à l'hôpital déclenche sa méfiance
L'homme dit être diamantaire et raconte être en train d'acquérir des pierres précieuses d'une valeur de 600'000 euros en Sierra Leone, un pays d'Afrique de l'Ouest. Il assure à Susanne M. qu'il pourrait revendre ces diamants en Suisse pour environ 2,5 millions d'euros. La Suissesse a alors un mauvais pressentiment. Elle précise aussitôt qu'elle ne lui enverra jamais d'argent: «Il a répondu en riant: 'De l'argent? Non, bien sûr que non!'»
Quelques jours plus tard, le dragueur l'appelle pendant un trajet en voiture. Soudain, une détonation retentit: «J'ai entendu un cri. Puis le silence était complet.» Quelques minutes plus tard, elle l'a recontacté. «Tout à coup, quelqu'un d'autre était au téléphone et m'expliquait en anglais que Christian était gravement blessé.»
Selon ses propres déclarations, le Suisse d'adoption se serait retrouvé à l'hôpital et aurait dû se faire opérer de l'épaule gauche. Il envoie à Susanne M. une photo pour le lui prouver – ce qui l'a rendue méfiante: «La photo avait presque l'air trop belle pour un hôpital en Sierra Leone.» Et elle avoue: «J'ai toujours été tiraillée entre le scepticisme et la confiance.»
«Un choc et une énorme déception»
Peu après, l'homme lance un appel à l'aide. La police lui reprocherait l'accident. C'est pourquoi il devrait également payer l'hospitalisation des trois autres blessés. Tant que l'hôpital n'aura pas l'argent, il ne sera pas libéré: «Il a demandé dans un long texte qu'on lui avance la somme. Il rembourserait tout, disait-il.» Susanne M. se renseigne sur le moyen par lequel elle pourrait lui verser l'argent.
Mais avant qu'elle ne puisse donner des indications concrètes, sa belle-fille fait une découverte: «Je lui ai parlé de l'histoire de la rencontre le 5 février 2023.» Elle se lance alors dans des recherches sur les réseaux sociaux et découvre les photos du prétendu Christian Annen sur les comptes de Tobias von Monkiewitsch.
Le moment de vérité est un «choc et une énorme déception», reconnaît la grand-mère. En regardant les images, elle comprend certaines choses. La photo de l'hôpital n'a pas été prise en Sierra Leone, mais il y a trois ans, après une opération de l'épaule à l'hôpital cantonal de Winterthur. Elle a également trouvé les clichés du chien sur le profil Instagram du Zurichois. Les photos ont été partiellement retouchées et les inscriptions effacées.
Le côté positif de l'histoire
Elle a fait part de l'incident à Tobias von Monkiewitsch par courriel le 6 février, ce qui a provoqué une frayeur chez le Zurichois: «Cela me travaille beaucoup», admet-il. Il ne cesse de penser à d'éventuelles autres victimes qui auraient perdu de l'argent à cause de ses photos.
L'agent immobilier a déjà déposé plainte auprès de la police cantonale zurichoise. Interrogé par Blick, le service de presse écrit: «Les auteurs utilisent de fausses identités, ce qui constitue en principe un délit d'escroquerie. Les investigations dans le cas mentionné sont encore en cours.»
Aujourd'hui, Susanne M. peut sourire de cette histoire. «Au moins, j'ai pu rafraîchir mon français», dit-elle – et elle continue maintenant de chercher l'homme de ses rêves.
*Nom connu de la rédaction