Un combat fiscal en cache un autre: à peine la bataille de l'initiative 99% perdue, le PS s'attaque à la suppression partielle du droit de timbre. Le référendum a abouti avec plus de 65'000 signatures, annonce en exclusivité à Blick le conseiller national Samuel Bendahan. Les paraphes seront amenés à la Chancellerie le 5 octobre et le peuple devrait s'exprimer en février prochain.
Pour les citoyennes et citoyens, le premier défi sera de comprendre l'objet. «Même pour nous, ce n'est pas toujours simple», rigole l'élu vaudois, d'autant plus satisfait d'avoir pu récolter les signatures requises. «Même s'il a fallu beaucoup expliquer, la population s'est montrée très réceptive.»
Le plus vieil impôt
Commençons donc par les explications. Comme son nom ne l'indique pas, le droit de timbre n'a aucun lien avec la Poste. Il s'agit d'un impôt, et même le plus ancien perçu par la Confédération. Il porte sur les transactions financières, en particulier la formation et la circulation des capitaux ainsi que l'émission des titres.
Le dossier est technique, mais retenons que le droit de timbre se scinde en trois parties: le droit d'émission, le droit de négociation et le droit sur les primes d'assurance. Pour comprendre les origines du référendum, il faut revenir à la bataille qui a eu lieu au Parlement, plus tôt cette année. Tandis que la droite voulait supprimer la totalité du droit de timbre, ce qui aurait représenté 2,3 milliards de francs en moins par an dans les caisses de la Confédération, la commission de l'économie et des redevances a choisi de ne biffer que le droit d'émission, qui est prélevé par exemple lors d'émission d'actions par les entreprises suisses.
Les pertes fiscales potentielles ne s'élèvent donc qu'à 250 millions de francs par an. La bataille prévue dans les urnes vaut-elle encore la peine? «Nous ne lançons pas de référendum par plaisir, cela mobilise beaucoup de ressources alors que nous n'en avons pas beaucoup, assure Samuel Bendahan. Mais c'est le spectre de notre référendum qui nous a permis d'éviter que la majorité de droite aille finalement plus loin. Et cela ne justifie pas de lâcher la pression et de laisser passer une perte sèche pour la population, avec des dégâts économiques à la clé.»
10 milliards de «cadeaux» annuels
Davantage que «timbre», le mot-clé est ici «salami». Pas seulement parce que c'est un Tessinois, l'ancien président du PLR Fulvio Pelli, qui est à la base des premiers assauts contre le droit de timbre, il y a plus de dix ans (2009).
Avec cette expression chère aux politiciens — on l'a souvent entendue ce week-end dans la bouche des opposants au mariage pour tous —, Samuel Bendahan dénonce la manière dont la droite veut démanteler, tranche par tranche, la politique fiscale. «Ils voudraient supprimer le droit de timbre pour 2,3 milliards, les droits de douane pour 570 millions, l'impôt anticipé pour un milliard, celui sur les valeurs locatives...» N'en jetez plus! Le résultat des additions de l'économiste vaudois: plus de 4 milliards de francs par an pour les projets récents de la droite, jusqu'à 10 milliards en ajoutant ceux des dernières décennies. «Autant d'argent qui manquera dans les caisses de l'État et qui devra être compensé par des baisses de prestations ou des hausses d'impôts pour la classe moyenne.»
A qui profiterait la suppression du droit d'émission? Aux super-riches et à quelques très grosses entreprises, deux cibles préférées du PS et ratées par 99%. «Il suffit de voir la réponse à l'interpellation de Jacqueline Badran sur le droit de timbre: on a le nombre d'entreprises concernées. Dans le détail, ce sont 31 firmes qui paient 70% de l'impôt, soit 0,005% des entreprises de ce pays. Ce sont des gens qui achètent des actions et des entreprises. Lorsque l'on sait le pouvoir économique dont ils disposent déjà, ce serait absurde de leur faire des cadeaux...», soupire Samuel Bendahan.
«Comment vouloir faire mieux que premiers?»
Que répond le socialiste aux arguments de la droite, qui veulent renforcer l'attractivité de la place économique suisse? «Notre pays est encore arrivé en tête d'un classement de compétitivité la semaine dernière. Comment peut-on vouloir faire encore mieux? En économie, on appelle cela un effet d'aubaine: on va donner encore plus d'argent sans que cela ne change le moindre comportement. Et ce alors que l'on a déjà trop de capitaux...»
A l'heure de déposer les signatures, le PS ne part pas battu d'avance — loin de là. En matière de fiscalité, le parti à la rose reste sur deux belles victoires dans les urnes sur des dossiers fiscaux: les déductions pour enfants en 2020 et la réforme de l'imposition des entreprises (RIE III) trois ans plus tôt. «Non seulement on les a gagnées, mais on les a bien gagnées, à plus de 60%. Si nous sommes clairs, précis et honnêtes, il n'y a pas de raison pour que l'on ne remporte pas ce dossier également», analyse le conseiller national.
Reste une question: pourquoi le parti n'arrive-t-il pas à franchir l'étape supérieure et faire passer des initiatives (1:12, spéculation sur les denrées alimentaires, 99%), même si elles émanent de sa section jeunesse? «Lorsqu'il s'agit de modifier ou supprimer quelque chose, c'est plus facile parce que l'on sait de quoi on parle. La JS a choisi de laisser une grosse marge de manoeuvre au Parlement, et ce flou a profité aux adversaires avec le spectre des PME. Je ne conteste pas la défaite, mais nous avons tout de même séduit un votant sur trois dans ces circonstances.»