Cédric Wermuth n'a pas pu retenir sa colère contre l'Union démocratique du centre (UDC). «Le parti a célébré une indignation purement factice. Nous nous y attendions depuis le début», fulmine le coprésident du Parti socialiste (PS). Après la chute de Credit Suisse au printemps 2023, juste avant les élections, l’UDC exigeait que les politiques prennent des mesures pour qu’aucune banque ne soit plus si essentielle au système qu’elle doive être renflouée par les contribuables.
Et l'UDC a voulu mettre les points sur les i, en déposant plusieurs interventions. Le parti voulait garantir par la loi qu'aucune banque suisse ne soit trop grande pour faire faillite. Si c'est inévitable, les grandes banques devraient être obligées de céder tous ses domaines qui les rendent «too big to fail». En d'autres termes, la nouvelle méga-banque UBS devrait être démantelée.
«Le risque est grand que rien ne se passe»
Deux ans plus tard, l'UDC ne fait plus autant de bruit. «Toute cette agitation n'était que du spectacle. La place bancaire a de nouveau une emprise totale sur le parti», rage Cédric Wermuth. En effet, le parti bourgeois a mis le pied sur le frein. Alors que le Conseil national devait se prononcer sur leur intervention passée, l'UDC elle-même a fait ajourner la décision. Il fallait soi-disant attendre les plans du Conseil fédéral et le rapport de Credit Suisse de la commission d'enquête parlementaire (CEP).
Et lorsque la commission économique et des redevances (CER) du Conseil national a voulu débattre de cette demande, l'UDC l'a retirée, comme le précise le «Tages-Anzeiger». Elle avait déjà retiré une autre intervention en décembre – elle réclamait que les banques paient une sorte de prime d'assurance pour la garantie implicite de l'Etat. In fine, il ne reste plus rien des bruyantes revendications de l'UDC.
Pour le socialiste, la situation actuelle est similaire à l'après crise financière et la quasi-faillite de l'UBS en 2008. L'indignation a été tonitruante au début, mais en peu de temps, l'élan s'est essoufflé. Et les mesures ne cessent d'être repoussées. «Le risque qu'il ne se passe finalement rien est un grand», craint le chef du Parti socialiste.
L'intervention de l'UDC ne serait plus nécessaire
L'UDC voit les choses différemment. Le Conseil fédéral et la CEP ont depuis fait des propositions. Elles ont pour but d'éviter une nouvelle crise, précise le banquier et conseiller national UDC Thomas Matter dans le «Tages-Anzeiger». Si elles étaient mises en œuvres, le risque diminuerait considérablement. L'intervention de l'UDC ne serait donc plus nécessaire.
Le Conseil fédéral souhaite donner plus d'instruments à l'autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) et veiller à ce que l'UBS détienne plus de liquidités en cas de crise. La CEP demande que l'article concerné de la législation «too big to fail» soit adapté. Elle estime que des améliorations sont nécessaires dans la mise en œuvre du droit de la surveillance des marchés financiers. Un démantèlement de l'UBS n'est donc plus à l'ordre du jour.
«Ce n'était rien d'autre que de bruyantes annonces, tout cela n'était que de l'agitation électorale pour gérer l'indignation générale. C'est de la négligence», critique Cédric Wermuth. Les propositions du Conseil fédéral sont un premier pas, mais rien de plus. Et même celles-ci risquent d'avoir du mal à passer au Parlement, dominé par les partis bourgeois, craint le socialiste.
Cédric Wermuth se réfère notamment au rapport de la CEP après la débâcle de Credit Suisse. En effet, la commission constate que quelques années après la quasi-disparition de l'UBS, le Conseil fédéral et le Parlement ont prêté une oreille attentive aux demandes du lobby bancaire, qui craignait pour la compétitivité internationale des banques. On a accordé «une trop grande importance» aux préoccupations des banques, ajoute la CEP.
L'UDC et le Paprti libéral-radical (PLR) s'emploient désormais à ce que le Parlement se soumette une fois de plus à la place bancaire, leur reproche Cédric Wermuth. «Les bourgeois n'ont rien appris de la crise bancaire. Rien du tout!»