C'était la surprise du chef, dimanche dernier: l'UDC fait un retour remarqué au gouvernement fribourgeois après vingt-cinq ans d'absence. L'alliance englobant droite et centre-droit a largement profité à Philippe Demierre, passé de 14'107 voix (en dessous du niveau de l'électorat cantonal UDC) à 40'710 suffrages et une brillante conquête de siège.
Félicité par Guy Parmelin en personne, le nouveau conseiller d'État fribourgeois a été le premier surpris. Il peine à réaliser, a-t-il confié au «Temps» ce vendredi. Le quotidien consacre un portrait élogieux à cet agriculteur devenu cadre hospitalier «qui donne le la», référence à l'orchestre que dirige Philippe Demierre.
Touche-à-tout, le Glânois a occupé de nombreuses fonctions, de son apprentissage d'agriculteur (1984) à son Master en direction d'institutions éducatives (2018) en passant par un poste d'éducateur social à la prison de Bellechasse. Mais, à Fribourg, c'est le dernier emploi de Philippe Demierre qui fait jaser.
Poussé vers la sortie?
Le 102e conseiller d'État du canton est responsable administratif de la clinique de médecine de l'Hôpital fribourgeois (HFR). Il ne le sera bientôt plus, puisqu'il a quitté son poste avec effet au 31 décembre. Une démission antérieure à la campagne qu'il s'est bien gardé de mentionner. C'est sa femme, par ailleurs secrétaire générale du département de Guy Parmelin, qui a levé le lièvre dans la presse locale. «Avec la restructuration de l’HFR, il a appris que son poste serait sûrement supprimé, raconte sa femme. Il a pris les devants et a démissionné», a expliqué Nathalie Goumaz à «La Liberté».
À Fribourg, la machine à rumeurs s'emballe. Il se murmure avec insistance que cette démission n'aurait pas été totalement volontaire et que le nouvel élu aurait en réalité été poussé vers la sortie. Contacté l'HFR dément. «Philippe Demierre a démissionné», répond laconiquement Catherine Favre Kruit, responsable de la communication. Affaire close, donc? Pas si vite.
D'abord parce que les versions divergent autour de ce départ. Contacté par Blick, Philippe Demierre explique avoir appris en janvier déjà que son poste était destiné à être supprimé et qu'il a préféré prendre les devants en démissionnant de manière préventive. Selon l'HFR, en revanche, aucune échéance n'avait été évoquée. Et dans l'éventualité d'une suppression de poste, une autre fonction lui aurait été de toute manière proposée.
Didier Castella était-il au courant?
A propos de poste, quel était celui du nouvel élu? Sur le matériel de vote comme dans les faits, le nouvel élu est «responsable administratif de la clinique de médecine de l'HFR». Au cours de la campagne, un certain flou a été entretenu, par exemple lorsque Philippe Demierre a été présenté à tort comme «responsable administratif de l'HFR», une fonction à autre niveau de responsabilité. «Philippe Demierre était cadre intermédiaire sans fonction dirigeante», confirme l'hôpital fribourgeois.
Détail piquant: Didier Castella, conseiller d'État sortant (réélu dimanche avec le meilleur score), siège au conseil d'administration de l'HFR. Le libéral-radical était-il au courant de la démission du candidat UDC, son colistier au second tour? «Le conseil d’administration n'est informé que lors de changements au niveau des postes de la direction et des médecins-chefs» précise Catherine Favre Kuit.
Cette démission retient d'autant plus l'attention que «l'enquête de voisinage» autour de Philippe Demierre fait ressortir une certaine divergence entre l'homme et ses compétences professionnelles. Les personnes interrogées décrivent toutes un élu agréable à côtoyer, éminemment sympathique et prompt à aider en toutes circonstances. Les choses sont moins claires en ce qui concerne son action à l'HFR. «Il revendique le département de la Santé de par son expérience dans le domaine, mais il a de la peine à gérer l'administration de la clinique de médecine», souffle une source interne à l'hôpital. «Je l'apprécie, mais on parle là du Conseil d'État. C'est la première fois que je biffe quelqu'un sur une liste de droite», témoigne une autre.
«Plusieurs cartes dans mon jeu»
Le nouvel élu balaie les critiques, assurant avoir fait du bon travail. «Je ne pars pas la fleur au fusil. Nous avons bien travaillé et déjà anticipé les changements en confiant des responsabilités à certaines secrétaires médicales.» Philippe Demierre a-t-il délaissé son travail pour privilégier la politique? Ces dernières années, le Glânois a vite gravi les échelons après avoir reçu le virus de la chose publique par sa femme: Grand Conseil en 2017, exécutif l'année suivante de sa commune d'Ursy, dont il est vice-syndic.
A la tête de quel département tentera-t-il de briller? «Les nouveaux élus choisissent en dernier, donc je verrai ce qui reste. J'ai plusieurs cartes dans mon jeu», sourit l'UDC. Son parcours professionnel l'atteste: il a de l'expérience dans l'agriculture, dans le travail social et dans le domaine de la santé.
Sur le plan politique, le profil Smartvote de Philippe Demierre était le plus à droite de tous les candidats au Conseil d'État. Le directeur d'orchestre de 53 ans n'en fait pas cas et se présente comme un élu du «consensus», mettant en avant notamment son expérience collégiale à Ursy.