Le monde de la recherche pointé du doigt
Le nombre d'expériences sur les animaux ne cesse d'augmenter en Suisse

Les organisations de protection des animaux veulent la fin de l'expérimentation animale. Et pour cause. Malgré des millions de subventions octroyés pas la Confédération pour remplacer cette pratique, le nombre d'expériences sur les animaux continue d'augmenter.
Publié: 30.04.2024 à 10:42 heures
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En 2022, 27'030 animaux ont dû subir des interventions particulièrement douloureuses, soit une augmentation de 5% par rapport à l'année précédente.
Photo: imago images/epd
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Céline Zahno

Douleurs sévères, longues souffrances ou forte anxiété. La Confédération n'utilise que des superlatifs pour décrire les expériences animales dites pénibles. Et cela concerne de plus en plus de souris, rats, etc. En 2022, 27'030 animaux ont dû subir des interventions particulièrement douloureuses – une augmentation de 5% par rapport à l'année précédente.

Après une forte baisse au début des années 80, le nombre total d'expériences sur des animaux reste constant depuis environ 20 ans. Et ce, bien que la Confédération affirme depuis des années vouloir limiter les expériences sur les animaux et qu'elle parle aussi de millions pour cela.

Depuis 1987, 12 millions ont été investis dans la fondation 3R – en anglais, les «R» signifient «replace» (remplacer), «reduce» (réduire) et «refine» (améliorer). Il y a trois ans, 20 millions supplémentaires ont été investis dans un programme national de recherche afin de continuer à promouvoir les 3R.

40'000 signatures

«Avec des chiffres qui stagnent, il faut remettre en question l'utilité des 3R», déclare Stefan Kunz d'Animalfree Research. Avec d'autres défenseurs des animaux, l'organisation a donc déposé lundi une pétition munie de plus de 40'000 signatures.

Alors que l'initiative pour l'interdiction de l'expérimentation animale en 2022 a reçu un camouflet dans les urnes, la pétition est plus modérée et vise surtout les expérimentations animales contraignantes: «Nous demandons un plan d'abandon progressif», explique Stefan Stefanz. L'organisation prône en outre des objectifs contraignants pour promouvoir des alternatives sans expériences sur des animaux.

«Un manque de volonté»

Même Nico Müller, chercheur dans le cadre du programme national de recherche 3R, critique la démarche de la Confédération. «C'est surtout dans les universités et dans la recherche fondamentale que de nombreuses expériences sur les animaux sont réalisées, bien que les possibilités soient souvent flexibles.»

C'est-à-dire qu'indépendamment des donneurs d'ordre de l'industrie et des directives légales, des méthodes alternatives seraient disponibles. Cela montre que «le problème n'est pas seulement un manque d'options, mais un manque de volonté», conclut Nico Müller.

Les instituts de recherche comme moteurs

En effet, en 2022, 57% des expériences sur animaux ont été réalisés dans des universités et des hôpitaux. Et les instituts publics font venir de plus en plus d'animaux en laboratoire: au cours des 20 dernières années, le nombre d'expériences a doublé pour atteindre plus de 300'000. Dans le même temps, la Confédération tente précisément d'empêcher cela avec des fonds publics.

Nico Müller justifie cette situation paradoxale par le fait que la recherche est en quelque sorte prise en tenaille: comme l'expérimentation animale est considérée comme la norme dans certains domaines de recherche, c'est là qu'il y aurait le plus de financement, de postes et d'infrastructure.

Selon Stefan Kunz, les 3R offriraient également suffisamment de marge de manœuvre pour proposer une recherche respectueuse des animaux sans vraiment changer les choses: «On mise souvent sur le troisième 'R'. On rend donc la vie des animaux de laboratoire un peu plus agréable, sans vraiment réduire les expériences.»

Moins de perspectives de carrière sans expérimentation animale?

Selon Nico Müller, il existe aussi des domaines de recherche dans lesquels on a aujourd'hui de moins bonnes chances de carrière si l'on travaille sans expériences sur les animaux. «Les publications de recherche sont parfois refusées avec l'argument qu'il faudrait en plus valider la méthode alternative par des expériences sur animaux.»

Et Nico Müller de constater: «La Confédération n'est pas impuissante et pourrait activer des leviers concrets.» Il propose de miser davantage sur les méthodes sans expériences sur animaux dès la formation et de les encourager financièrement. Selon lui, une telle mesure devrait rééquilibrer les incitations pour les chercheurs et permettre un choix plus libre des méthodes.

Stefan Kunz le souligne également: «L'expérimentation animale est toujours l'étalon-or de la recherche. La Confédération doit intervenir dans ce domaine.»

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