Le Ministère public bernois refuse de porter plainte
Envoyé dehors pour «se calmer», un patient souffrant de troubles psychiatriques poignarde un homme

Patrick Wasem raconte en exclusivité à Blick comment il a survécu à l'agression brutale d'une personne souffrant de schizophrénie paranoïde. Il prend la parole car le Ministère public bernois refuse de porter plainte, malgré des erreurs qu'il reproche à l'hôpital.
Publié: 21.11.2024 à 20:30 heures
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Patrick Wasem a été victime d'un patient psychiatrique des SPU de Berne. L'homme, paranoïaque et schizophrène, lui a porté une trentaine de coups de couteau.
Photo: Sebastian Babic
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Sebastian Babic

Patrick Wasem, 42 ans, a été victime d'un patient souffrant de schizophrénie et de paranoïa. Celui-ci lui a asséné des dizaines de coups de couteau, puis l'a poignardé dans le cou avec une cravache. Patrick Wasem a survécu, certes, mais de justesse. 

C'était il y a plus d'un an et demi. Pour la victime, cet acte de violence inouïe a été précédé d'erreurs massives au sein des Services psychiatriques universitaires de Berne (SPU). Comme le patient se comportait verbalement de manière agressive envers le personnel de la clinique, il a été envoyé dehors, au milieu de la nuit, pour «se calmer», sans aucun accompagnement. Cinq heures plus tard, il a poignardé Patrick Wasem. 

«Il a failli me tuer, à quoi pensaient-ils?», questionne l'homme, lors de sa rencontre avec Blick. L'auteur sera probablement déclaré irresponsable en raison de sa maladie, tandis que le Ministère public de Berne-Mittelland refuse de porter plainte contre les responsables de la clinique. "Ils ne voient aucun signe que des erreurs aient été commises", déclare Patrick Wasem, en citant des documents judiciaires.

Une attaque venue de nulle part

La matinée avait pourtant bien commencé pour Patrick Wasem, garde cantonal de la chasse et de la pêche du canton de Schaffhouse. «J'avais oublié d'apporter de la nourriture pour poissons à une petite pisciculture et je voulais me rattraper ce matin-là», raconte-t-il. Il se rend alors dans la ville voisine de Flurlingen, dans le canton de Zurich: «Vers 9h30, un jeune homme m'a demandé si je pouvais lui indiquer le chemin pour Schaffhouse. Après lui avoir indiqué la direction, il m'a attrapé et poignardé.» Au moins 30 fois, avec un couteau. Patrick Wasem s'effondre et reste allongé sur le sol.

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Aujourd'hui encore, les douleurs sont insupportables. La moitié de mon torse est constituée de tissu cicatriciel!
Patrick Wasem, la victime
»

L'agresseur frappe ensuite la nuque de sa victime, sans défense, avec une cravache. Patrick Wasem en est sûr: son agresseur a tenté de le décapiter. Sa survie, il la doit au hasard, à des passants qui sont apparus et ont poussé l'agresseur à prendre la fuite. Grâce à leur aide, Patrick Wasem parvient à se rendre aux urgences: «Le personnel était sous le choc quand il m'a vu.» Le Schaffhousois avait de sérieux doutes quant à survie.

Ce n'est qu'un an et demi après l'agression que Patrick Wasem ose prendre la parole publiquement. Il a récemment appris que le Ministère public bernois ne voulait pas porter plainte contre le médecin-assistant des SPU, bien que le patient ait pu sortir au milieu de la nuit. Une décision inacceptable pour la victime. «Aujourd'hui encore, les douleurs sont insupportables», confie Patrick Wasem. «La moitié de mon torse est constituée de tissu cicatriciel!» 

On sait peu de choses du coupable. Des documents révèlent toutefois que l'agresseur souffre d'une schizophrénie paranoïde. Il se serait fait interner lui-même la veille de l'attaque, car il aurait entendu des voix. Malgré cela, le Ministère public bernois veut classer la procédure contre le médecin-assistant. Patrick Wasem et son avocat prévoient de s'y opposer. Selon les déclarations du médecin-assistant, de telles mesures sont «normales» aux SPU, rapporte Patrick Wasem, en se référant aux documents.

Un cas absolument extrême

Jérôme Endrass, psychologue forensique et directeur adjoint de l'Office pour l'application des peines du canton de Zurich, confirme ces dires: «En psychiatrie générale notamment, de telles sorties non accompagnées dans l'enceinte de la clinique sont normales. Nous n'avons pas affaire à des personnes qui ont commis des délits.» De plus, le fait que le patient se soit rendu volontairement à la clinique, comme dans ce cas, joue un rôle. Toutefois, le psychologue nuance: «Si quelqu'un ne revient pas, il est recommandé de le signaler à la police.»

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Le pire pour moi, c'est que personne n'assume ses erreurs
Patrick Waldem, la victime
»

L'agression de Patrick Wasem est un cas absolument extrême: «Pour la personne concernée, c'est bien sûr une pure et simple horreur, et je comprends sa colère et son désespoir. Pour nous, l'affaire est peut-être réglée via une procédure pénale, mais la victime souffre encore longtemps après des conséquences de l'agression.»

Un autre cas extrême s'est toutefois produit l'été dernier, à Bâle. Un double meurtrier souffrant de troubles psychiques a pu participer à une sortie non accompagnée en hôpital psychiatrique. Et il a de nouveau tué. 

Silence radio du côté de l'hôpital

Ni la Direction de la santé publique bernoise, ni le Ministère public de Berne-Mittelland ne s'expriment sur la situation de Patrick Wasem, en raison de la procédure en cours. Pas plus que les SPU de Berne, qui ont été à plusieurs reprises le théâtre de trafic de drogue et d'autres scandales, au cours des dernières années. Les services contactés ne répondent pas non plus aux questions générales.

Patrick Wasem est hors de lui: «J'attends d'être protégé contre de telles personnes et j'appelle urgemment les politiques à intervenir!» Il soutient que des erreurs ont clairement été commises au sein des SPU: «Le pire pour moi, c'est que personne n'assume ses erreurs.» Pour lui, il est de toute façon trop tard: le quadragénaire souffrira toute sa vie de douleurs chroniques. Mais il pourrait peut-être protéger les autres en racontant son histoire.

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