Lorsque des postes sont supprimés par manque de travail, ce n'est en général pas bon signe - sauf pour l'Office régional de placement (ORP) lui-même. Cela signifie dans ce cas que la Suisse vit une période de plein-emploi.
C'est ce qui s'est passé dans la période de l'après Covid ces dernières années: le chômage était tombé si bas dans plusieurs cantons que les employés des ORP n'avaient plus rien à faire. À Berne et Lucerne, des postes ont même été supprimés pour cette raison.
Mais les temps ont changé. Le marché du travail en ébullition il y a peu se refroidit. Le nombre de chômeurs a augmenté de 22% par rapport à juin de l'année dernière, pour atteindre 104'000 personnes. Le taux de chômage corrigé des variations saisonnières est passé de 1,9 à 2,4%, alors qu'il était au plus bas début 2023.
Cela signifie qu'il y a de nouveau du travail pour les ORP, même s'il n'y a pas encore besoin d'augmenter drastiquement les effectifs. «On a pu maîtriser la légère augmentation du taux de chômage avec le personnel existant et des recrutements ciblés», explique-t-on par exemple à l'Office de l'assurance-chômage du canton de Berne.
Recul des annonces d'emploi
L'assurance chômage n'est pas la seule à ressentir un nouveau souffle sur le marché du travail. D'autres indicateurs et voix issues de la pratique montrent que la situation de l'emploi est en train de changer après cette phase exceptionnelle.
Certes, des emplois continuent d'être créés — au premier trimestre, ils étaient 33'000 dans tout le pays selon l'Office fédéral de la statistique — mais la dynamique s'essouffle. Selon Adecco, le nombre de postes vacants a baissé de 8% au deuxième trimestre et se situe 11% en dessous du niveau de l'année précédente.
Depuis un an déjà, les annonces d'emploi diminuent à un niveau élevé. C'est ce que montre le tableau de bord du marché du travail «Swiss Job Tracker» du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPFZ, qui recense chaque semaine toutes les offres d'emploi publiées en ligne en Suisse. Le recul est le plus extrême dans les secteurs de l'information et de la communication, du commerce de gros et de détail ainsi que de la restauration.
«Le recul général des annonces correspond à nos attentes, à savoir que le boom ne peut pas se poursuivre indéfiniment», explique à ce sujet Michael Siegenthaler, économiste du marché du travail au KOF. On ne peut toutefois pas parler d'un ralentissement, mais tout au plus d'une décélération. «Le nombre d'annonces diminue certes, mais il y a toujours 43% de postes à pourvoir de plus qu'au début de 2020.»
Correction d'une phase «anormale»
Michael Siegenthaler fait également référence à l'indicateur de l'emploi, qui se base sur des enquêtes trimestrielles. Celui-ci a atteint un pic en 2022 et se rapproche progressivement de la moyenne à long terme. La détérioration des perspectives d'emploi a été particulièrement marquée dans l'industrie manufacturière et dans le secteur bancaire. L'indicateur du KOF reste cependant supérieur à zéro, ce qui signifie que le nombre d'entreprises qui envisagent de réduire leurs effectifs est inférieur à celui des entreprises qui envisagent d'en créer.
Pascal Scheiwiller, CEO de la société d'outplacement Von Rundstedt, parle aussi d'une normalisation. Il fallait s'y attendre. Car ce qui s'est passé auparavant était tout simplement «anormal»: «La période du Covid a d'abord été suivie de licenciements, avant que les entreprises ne fassent plus que recruter», résume Pascal Scheiwiller.
«On a recruté de manière asymétrique, mais on n'a pas licencié. Les entreprises ont comblé les changements structurels par de nouveaux emplois, mais n'ont licencié personne, car dans l'engouement pour la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, on avait peur de perdre des gens.» Les spécialistes parlent dans ce contexte de labour-hoarding, en français de thésaurisation du personnel. Mais plus un ralentissement conjoncturel dure, plus il devient coûteux de garder des travailleurs inutilisés dans l'entreprise. Ce point semblait atteint l'année dernière.
Après l'exagération, le marché est plus sain
Par la suite, les premières entreprises ont annoncé des licenciements massifs et ont commencé à réduire leurs surcapacités. La réaction a été particulièrement radicale chez le fabricant de machines de filature Rieter et le spécialiste des techniques de fermeture Dormakaba, où des centaines d'emplois seront supprimés. Mais Nestlé et Google ont également mis le pied sur le frein.
Ainsi, les exagérations des années précédentes ont été quelque peu corrigées. Mais Pascal Scheiwiller parle globalement d'un «marché du travail sain». On continue à chercher et à embaucher, mais il y a maintenant une dynamique normale.
Cette normalisation est par ailleurs confirmée du point de vue des candidats. Avant la pandémie, la durée moyenne de recherche d'emploi était parfois supérieure à six mois. Ensuite, pendant le boom post-Covid, la durée de recherche est tombée à moins de cinq mois. Aujourd'hui, les candidats recherchent à nouveau un peu plus de cinq mois en moyenne avant de trouver un emploi. C'est toujours moins long qu'avant la pandémie, mais «nous ne sommes plus habitués à cela aujourd'hui», explique Pascal Scheiwiller.
Les priorités du personnel se déplacent
Le boom de l'emploi des deux dernières années a également fait basculer le rapport de force en faveur des travailleurs. Ils se sont laissés séduire par les entreprises, ont exigé des salaires élevés tout en bénéficiant de la semaine de quatre jours, ont souvent changé d'emploi et se sont réjouis de nombreux autres avantages. Le salaire ou l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée figuraient régulièrement en tête des sondages sur les priorités des demandeurs d'emploi. Il faut dire que les entreprises ne pouvaient pas se permettre d'être trop sélectives. C'est le secteur de la construction qui a le plus souffert de la pénurie de personnel: 60% des entreprises ont déclaré que la pénurie de main-d'œuvre était un facteur de ralentissement de la production.
Cette image a changé. Selon les enquêtes du KOF, la pénurie de personnel qualifié et de main-d'œuvre s'est quelque peu atténuée. Et les travailleurs ont d'autres priorités.
Selon la dernière étude «Decoding Global Talent» du portail d'emploi en ligne Jobcloud et du Boston Consulting Group, la sécurité de l'emploi arrive pour la première fois en tête des priorités.
Moins de changements de poste
En ces temps d'instabilité géopolitique, d'augmentation du coût de la vie et de progrès fulgurants dans le domaine de l'intelligence artificielle, nombreux sont ceux qui préfèrent compter sur la sécurité de leur emploi plutôt que de faire le grand saut dans l'inconnu.
Malgré cela, 50% des salariés seraient en principe ouverts à un changement, comme l'a récemment révélé l'entreprise de conseil WTW pour la Suisse. Cela signifie donc que les 50 autres pour cent aiment rester dans leur emploi. Comme les alternatives pour les employés ne sont plus aussi nombreuses, cela devrait être plus facile pour eux de garder leurs emplois.
La normalisation du marché du travail met fin aux conditions paradisiaques pour les travailleurs. En revanche, les employeurs peuvent pousser un soupir de soulagement.