En pleine session d'hiver, difficile d'attraper Alain Berset. Le Fribourgeois ne sait plus où donner de la tête: il est attendu au Conseil des États, où le débat bat son plein sur la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP). Mais le futur président de la Confédération (dès le 1er janvier) a pu aménager quelques minutes pour répondre aux questions de Blick.
Pour beaucoup, le socialiste est le grand perdant de la semaine dernière sous la Coupole. Il n'a pas été inclus dans la (petite) valse des départements au Conseil fédéral, puisque seule Karin Keller-Sutter va déménager son bureau parmi les ministres déjà en poste (de Justice et police aux Finances). On prêtait pourtant à Alain Berset un vif intérêt pour le département laissé libre par Ueli Maurer, ou pour les Affaires étrangères.
Dans les travées du Palais fédéral, on murmure qu'il s'agit d'un signal des partis bourgeois: après douze ans au gouvernement, Alain Berset aurait fait son temps et devrait laisser son siège — à un Alémanique — après les élections fédérales de 2023. Le Fribourgeois voit-il les choses ainsi? Asseyons-nous pour le savoir.
Monsieur le futur président de la Confédération, vous allez vivre une année 2023 des plus animées. Comment est-ce que vous allez recharger vos batteries d'ici là?
En faisant le plein d'air frais! J'ai prévu de passer les Fêtes de fin d'année, y compris le Nouvel-An, en montagne avec des amis. Quelques jours en altitude, dans la neige, qui feront le plus grand bien. Du sport, de la musique et de la lecture sont au programme, mais pas mes dossiers, pour une fois.
Quelle sera la devise de votre année présidentielle?
Les devises, très peu pour moi. En général, les choses ne se passent jamais comme prévu. Il y a beaucoup d'incertitudes, entre les tensions internationales liées à la guerre en Ukraine et l'après-pandémie à gérer en Suisse. Ce qui est sûr, c'est que la joie de vivre en société sera au cœur de mon année présidentielle.
Durant la pandémie, votre adversaire principal était Ueli Maurer, ouvertement opposé aux mesures contre le Covid. Ce sera plus facile d'être président de la Confédération puisque l'«enfant terrible» du Conseil fédéral ne sera plus là, non?
Oh, vous savez, nous sommes sept et nous sommes loin d'être identiques. La cohabitation avec mon collègue Maurer a toujours été passionnante — dans le bon sens du terme. Dans un gouvernement de concordance, la diversité des expériences, des origines et des modèles familiaux est toujours un enrichissement. Bien sûr, il y a toujours des hauts et des bas, des moments où chacun est heureux ou déçu. Mais c'est une bonne chose, ce ne serait pas bon signe si nous avions toujours la même opinion. Nous prenons plaisir à débattre, à nous disputer parfois. Toujours avec respect.
Au cours de votre première année de présidence, en 2018, vous avez réalisé 19 voyages à l'étranger. Avez-vous déjà un programme pour 2023?
Merci pour les statistiques (rires). Comme le veut la tradition, le premier voyage de l'année est traditionnellement en Autriche, et ce sera aussi le cas pour moi. Là où 2023 sera une année particulière pour la Suisse, c'est avec notre siège au Conseil de sécurité de l'ONU. D'une manière générale, je voyagerai autant que nécessaire pour le bien du pays. Après les années de pandémie, il est important d'entretenir nos relations directes. Ce qui est valable pour un cercle d'amis l'est aussi pour les relations internationales: un apéro en personne est toujours plus efficace qu'un appel vidéo.
Un voyage en Ukraine est-il également prévu?
Pas pour le moment. Mais naturellement, si cela se révélait nécessaire, nous l'organiserions.
En 2017, vous aviez été élu président de la Confédération avec 190 voix, contre 140 seulement la semaine dernière. Comment expliquez-vous ce mauvais résultat?
Dans n'importe quel autre pays, ce serait considéré comme un excellent résultat (rires). Plus sérieusement, je l'attendais. Il y a eu beaucoup de tension dans la société durant la pandémie, où il était difficile de satisfaire tout le monde avec nos décisions au Conseil fédéral.
Certains voient plutôt cela comme un signal que vous devrez vous retirer après votre année de présidence...
Que les groupes parlementaires décident du sort des conseillers fédéraux lors de leurs votes ne serait pas dans l'esprit de la concordance. Je n'y vois donc pas du tout un signal: il faut rester au gouvernement tant que vous avez la force de mener de grands projets.
Cela veut dire que vous serez toujours conseiller fédéral après 2023?
J'ai de grands projets à mener, qui sont loin d'être terminés.
Voilà qui ne répond pas vraiment à la question...
Mon objectif est clair: je veux continuer à travailler et à faire avancer mes dossiers après cette date. Je suis le plus ancien en poste au Conseil fédéral, mais aussi le plus jeune! Je suis plein d'énergie et j'ai envie de continuer. Mais il faut aussi savoir rester modeste: comme nous l'avons récemment constaté, la donne peut changer très rapidement. Qui aurait pu prédire il y a trois mois qu'il y aurait deux élections complémentaires durant cette session d'hiver?
Vous restez en tout cas au Département de l'Intérieur. Or, des rumeurs laissaient entendre que vous auriez pu vous emparer de celui des Finances, voire des Affaires étrangères. Pourquoi cela ne s'est-il pas concrétisé?
La répartition des départements fait toujours l'objet de spéculations. Je ne les commenterai pas. Notre devoir est de constituer l'équipe de manière à ce qu'elle soit la plus efficace pour le pays. Même si, parfois, tout le monde n'est pas d'accord avec toutes les attributions. Ma passion pour le DFI est intacte, et j'y suis très heureux!
Vous avez gagné contre votre camp sur la révision de l'AVS. Vous avez maîtrisé la pandémie de Covid. Que pouvez-vous donc bien entreprendre de plus?
Beaucoup de choses! Dans le domaine de la santé, il y a des chantiers essentiels, comme le financement uniforme des secteurs ambulatoire et hospitalier. C'est un projet qui aura un impact durant des décennies. En outre, il y a toujours les deux initiatives populaires sur les coûts de la santé, toutes deux accompagnées de contre-projets. Et la réforme du deuxième pilier dans la prévoyance vieillesse. Ce sera loin d'une promenade de santé: ce que veut le Conseil des États est très éloigné des propositions du Conseil fédéral.
En parlant de santé: craignez-vous que le Covid revienne jouer les trouble-fêtes durant votre année présidentielle?
La pandémie a été l'événement du siècle un défi incroyable que nous avons heureusement su relever. Je suis convaincu que nous avons dépassé la phase aigüe (il touche du bois). Il y aura encore des vagues, mais nous sommes bien préparés et la population a une bonne immunité pour y faire face.
Donc votre année présidentielle pourrait être une année de bien-être...
En fait, c'est plutôt l'année qui vient de s'écouler qui a été une période d'accalmie pour moi par rapport au pic de la crise du Covid. Mais maintenant, le bien-être est terminé, c'est de nouveau plein gaz avec cette présidence!
Vous dites votre satisfaction de rester au DFI. Pourtant, le Parti socialiste est beaucoup moins satisfait de la répartition des départements. En particulier de l'attribution du DETEC à l'UDC Albert Rösti. Freinera-t-il le virage écologique?
En tant que chef de département, on a une certaine influence, bien sûr. Mais il s'ensuit toujours un débat ouvert au sein du gouvernement. Pour abandonner la voie empruntée par le tournant énergétique, il faudrait que l'ensemble du gouvernement change d'avis. Je ne pense pas que ce soit une perspective réaliste. En Suisse, nous vivons depuis 175 ans dans une continuité, et le Conseil fédéral en fait partie intégrante.
Nombreux sont ceux qui estiment que cette continuité est menacée par l'arrivée de quatre Latins au Conseil fédéral. Les Alémaniques doivent-ils avoir peur?
C'est en connaissance de cause que le Parlement a opté pour cette composition du Conseil fédéral. Vous savez, le gouvernement a continuellement changé depuis 1848, mais il y a toujours eu une continuité. Nos institutions sont très stables, elles font notre force. De toute manière, nous sommes tous tellement interconnectés aujourd'hui que l'origine régionale de chaque membre ne joue pratiquement aucun rôle. Il en va de même pour le facteur ville-campagne, honnêtement. J'habite moi-même dans un petit village (ndlr: Belfaux, dans le canton de Fribourg), avec une fromagerie juste en face. Pourtant, je me sens citadin. Aujourd'hui, nous ne rentrons plus dans des schémas, tout est en mouvement constant. Vraiment, je ne vois pas le problème.
Pourtant, les partis bourgeois, le PLR en tête, soulignent qu'une majorité latine au Conseil fédéral ne doit exister que pour une période transitoire. C'est une manière de faire pression sur vous pour que vous laissiez votre place à la fin de votre année de présidence...
Encore une fois, le Parlement a opté pour cette composition. Elle ne doit pas être corrigée immédiatement. Les institutions en Suisse sont de longue durée. Il faut du calme et de la stabilité. Il faut maintenant donner à ce gouvernement la chance d'évoluer.
À propos de chance: vous êtes le suppléant de votre collègue du Conseil fédéral, Ignazio Cassis, au Département des affaires étrangères. Les relations avec l'Union européenne (UE) restent LE sujet de politique étrangère. Voyez-vous là aussi une chance de percer bientôt?
Des relations stables avec l'UE sont d'une importance capitale pour nous. Ce n'est pas toujours facile. Mais avec la voie bilatérale, nous sommes fortement intégrés. On peut tourner les choses comme on veut: géographiquement, nous sommes au cœur, au centre de l'Europe. Les entretiens exploratoires en cours ont effectivement conduit à des développements intéressants. Nous devons certes continuer à sonder, mais les choses évoluent positivement. Laissons toutefois un peu de temps au nouveau Conseil fédéral pour trouver ses marques.
Dernière question: vous avez fait couler beaucoup d'encre cette année avec votre passion secrète pour l'aviation. Maintenant que celle-ci est connue de tous, avez-vous d'autres hobbies cachés?
Pas d'aussi spectaculaires! J'aime beaucoup faire de la voile, aussi. En fait, j'ai une grande passion pour tous les moyens de transport. Enfant, j'avais un train miniature et mon objectif a toujours été d'être conducteur de trains. J'ai raté mon coup...