Dans les supermarchés Migros, la règle sacro-sainte est facile à intégrer: pas d’alcool dans les rayons! A l’origine de ce principe encore plus intangible que les frontières cantonales depuis la création de la Suisse moderne en 1848, on trouve le fondateur du groupe emblématique, Gottlieb Duttweiler, décédé en 1966 à l’âge de 73 ans à Rüschlikon, sur la Pfnüselküste (qui, pour l’anecdote, signifie en patois zurichois «côte enrhumée», et se situe précisément en face de la fort ensoleillée Goldküste).
Mais l’on s’égare. Pas d’alcool à la Migros, disions-nous. Du moins jusqu’à aujourd’hui, car ce tabou pourrait bel et bien tomber prochainement. Concrètement, les dix coopératives Migros du pays votent jusqu’au 4 juin pour savoir si l’interdiction de vente d’alcool en vigueur depuis 1928 doit être levée. Ou pas.
Dans ce contexte déjà émotionnel (l’on touche ici à un mythe), Migros elle-même compte stimuler le débat. Dans le cadre de la campagne de votation interne pour savoir si les principes fondateurs doivent perdurer ou non, la marque chouchou des Suisses (avec la Coop, ne lançons pas un débat stérile) sort deux bières qui se retrouveront dans tous les cas sur les rayons. Alors, oui ou non?
Si une coopérative vote à la majorité des deux tiers pour la vente de spiritueux, elle aura à l’avenir la bière Migros «Oui» dans son assortiment. Si elle vote contre, ce sera la bière sans alcool «Non». Aussi facile à intégrer que le principe fondateur du géant orange.
La bière de la votation doit «stimuler le débat»
Avec cette nouvelle bière, Migros veut ouvertement enflammer la campagne de votation. «Les bières Migros «Oui» et «Non» représentent symboliquement la démocratie Migros et la question soumise au vote. Elles seront le symbole de la votation pendant toute sa durée», explique le distributeur, avant de préciser qu’il fera brasser les deux bières sur le territoire de leurs coopératives respectives.
Pour rappel, l’interdiction de vente d’alcool a été introduite pour promouvoir la santé publique et lutter contre «le tout-puissant capital alcool». Au vu de la situation de l’époque avec des «habitudes d’alcool dévastatrices», Gottlieb Duttweiler voulait protéger les gens de la pauvreté, qui était également causée par... l’abus d’alcool.
Discussions controversées
Au cours des 100 dernières années, la situation sociale et les habitudes de consommation ont toutefois fortement évolué en Suisse. C’est ainsi que la question de l’alcool a, entre-temps, fait l’objet de débats controversés. Notamment au sein des coopératives. Ainsi, depuis 1983, l’interdiction est inscrite dans les statuts de toutes les coopératives régionales Migros, à l’exception de Genève.
Pour modifier les statuts et permettre la vente de boissons alcoolisées à la clientèle, il faut l’accord des deux tiers des membres votants de la coopérative régionale concernée. Il est donc théoriquement possible qu’une partie seulement des plus de 600 magasins Migros vendent de l’alcool à l’avenir.
On devine que les coopératives romandes seront plutôt enclines à faire évoluer leurs principes. Lors de la tenue de votes pour savoir s’il fallait… voter sur la question, elles s’étaient montrées très favorables. Alors santé! Avec ou sans alcool.