Les prix de l'énergie qui bondissent, le choc des primes maladie à venir, l'inflation galopante: «Ce mois de septembre sera celui de toutes les catastrophes», prédit Pierre-Yves Maillard de l'Union syndicale suisse. Parce que les porte-monnaies vont être sous forte pression.
Tandis que de plus en plus de Suisses tremblent pour leurs fins de mois, le Conseil fédéral garde son sang-froid. Il ne voit pas la nécessité de prendre des mesures immédiates contre ce renchérissement rapide. «Le Conseil fédéral est d'avis que les hausses de prix enregistrées jusqu'à présent sont supportables pour les ménages.» Voici la version officielle.
Le Conseil fédéral ne veut rien faire
Le gouvernement tient à cet immobilisme. L'inflation est trois fois moins grande en Suisse qu'à l'étrangers, a martelé Ueli Maurer sur Blick TV. Et il ne faut pas s'attendre à un changement de cap à court ou moyen terme: même si les prix de l'énergie devaient rester à un haut niveau ces prochaines années, le Conseil fédéral ne prévoit pas d'intervenir.
«L'Etat ne peut pas subventionner tout à coup un marché et ne plus pouvoir en sortir après, se défend Ueli Maurer. Je pars du principe que c'est l'allocation de renchérissement qui doit faire ce travail.» Traduisez: la patate chaude est refilée aux employeurs.
Pas de pirouette possible en revanche pour le Conseil fédéral sur les rentes AVS: c'est la Confédération qui en a la pleine gestion. Une augmentation est, certes, prévue pour 2023, mais comme elle se base sur l'indice mixte qui tient compte de l'évolution des prix et des salaires, l'adaptation ne devrait pas compenser le renchérissement — loin de là.
La gauche et le Centre ensemble
C'est précisément l'angle d'attaque d'une alliance de centre-gauche lors de la session d'automne, qui commence la semaine prochaine à Berne. Le PS et le Centre demandent la pleine compensation du renchérissement pour les rentes AVS et AI ainsi que les prestations complémentaires à partir de 2023.
Voilà qui augure une bataille serrée sous la Coupole: au Conseil national, cette alliance rare (Centre, PS et Verts) totalise... 100 voix sur 200. De son côté, l'UDC formule une contre-proposition, qui évite à tout prix de toucher à l'indice mixte.
Autre domaine directement touché par l'inflation: l'aide sociale. Les besoins de base pour la subsistance — à partir desquels les frais d'électricité sont payés — se basent sur les prestations complémentaires. Mais le plus souvent, il y a un an de décalage (en 2024 pour l'électricité de 2023, par exemple).
Au vu de l'inflation galopante, la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS) recommande aux cantons d'adapter le renchérissement de manière anticipée dès 2023 s'il devait dépasser 3% du panier de la CSIAS. En juin, l'inflation était encore sous cette barre. «Si elle venait à dépasser 5%, nous nous engagerions pour une adaptation à court terme en coordination avec les prestations complémentaires», explique la porte-parole de la CSIAS, Ingrid Hess.
Davantage de subventions des primes?
Mais il n'y a pas que l'électricité qui fasse trembler les Suisses: les coûts de la santé sont aussi un gros morceau de cet automne. La décision d'augmenter de 30% la contribution de la Confédération à la réduction des primes promet une autre empoignade au Parlement. Là encore, le PS et le Centre s'allient pour amortir le choc des primes tout en allégeant la charge des bas et moyens revenus.
Et l'UDC y va également dans ce domaine de sa contre-attaque: dans une motion, elle demande que les primes puissent être entièrement déduites de l'impôt fédéral direct (IFD) — cela favoriserait avant tout les revenus élevés, puisque cet impôt est très progressif.
Ce même parti veut agir sur le prix des carburants: la Confédération devrait renoncer, selon l'UDC, à une partie de l'impôt sur les huiles minérales. Et la valeur locative devrait être supprimée, du moins pour les retraités.
Le Conseil national se prononcera sur toutes ces propositions lors d'une session extraordinaire consacrée à la problématique du pouvoir d'achat. Les recettes divergent tellement qu'il existe un risque réel de blocage. La population repartira-t-elle les mains vides?