Le boom de la bière est-il déjà terminé?
De plus en plus de brasseries artisanales déposent le bilan

Coûts de production élevés, concurrence accrue: le secteur de la bière artisanale gémit, certaines brasseries abandonnent. Mais le houblon et le malt sont loin d'être perdus.
Publié: 08.08.2023 à 08:32 heures
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En 2022, après la pandémie de Covid-19, on a brassé plus de bière en Suisse qu'auparavant et on en a également bu plus.
Photo: Shutterstock
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Peter Aeschlimann

Fin juin, la dernière bière fermentée a été brassée à Burgdorf (BE). Après onze ans, les deux fondateurs de la brasserie Blackwell ont choisi de mettre la clé sous la porte, estimant que leur petite affaire n'en valait plus la peine.

Quelques semaines auparavant, les actionnaires de Brau AG à Langenthal (BE) avaient scellé le sort de la bière «49er». Le conseil d'administration a renoncé à avancer le capital qui aurait dû permettre le déménagement vers un site plus grand et a finalement causé la faillite de la marque.

En mai également, la société Soorser Bier AG à Sursee (LU) a annoncé la fermeture de sa brasserie. Les prix des matières premières et la hausse des coûts de l'énergie ont eu raison de cette entreprise vieille de huit ans.

Première baisse depuis 30 ans

Pendant la pandémie de Covid-19, deux courbes sont montées en flèche: celle des nouvelles contaminations – et celle du nombre de manufactures de jus de houblon en Suisse. Le confinement a donné l'envie à de nombreux employés de bureaux de se lancer dans des activités de boulangers ou de brasseurs. Mais cette époque semble déjà révolue: pour la première fois depuis la fin du cartel de la bière il y a plus de 30 ans, l'Office fédéral de la sécurité douanière et des frontières a recensé moins de brasseries en 2022 que l'année précédente: elles étaient 1179, soit 99 de moins.

Que se passe-t-il sur le marché suisse de la bière? Christoph Lienert, directeur adjoint de l'Association suisse des brasseries a peut-être quelques éléments de réponse: même si les annonces de fermetures de brasseries se sont multipliées ces derniers temps, explique cet homme de 37 ans à Blick, on ne peut pas parler d'une mort des brasseries.

50 responsables pour 99% de la bière

Selon Christoph Lienert, une grande partie des quelque 1200 brasseries sont exploitées par des brasseurs amateurs. Ceux qui mettent en bouteille plus de 400 litres de bière par an sont enregistrés et donc soumis à l'impôt. «Si quelqu'un perd l'intérêt pour son hobby ou arrête de brasser pour des raisons de temps ou de coûts, il sort des statistiques», explique Christoph Lienert. Cela ne change toutefois pas grand-chose au marché dans son ensemble puisque environ 99% des bières suisses sont issues d'une cinquantaine de brasseries. Après la période Covid, il y avait en 2022 plus de bières brassées et plus de bières consommées en Suisse qu'auparavant. La consommation par habitant a augmenté de 5,7% pour atteindre 53,5 litres.

La Suisse est aussi reconnue comme le pays ayant la plus grande densité de brasseries. Une concurrence s'installe donc entre les différents acteurs, comme l'explique Christoph Lienert: «Si davantage de personnes se lancent, cela devient naturellement plus difficile pour chaque brasseur de s'en sortir.»

Les bières spéciales toujours aussi appréciées

Mais si les petites brasseries ont actuellement du mal à se maintenir, ce n'est pas seulement à cause de la hausse des prix des matières premières comme le houblon et le malt ou des coûts élevés de l'énergie. Les producteurs de bières artisanales sont également gênés par le fait que les grands producteurs ont entre-temps également intégré des bières de spécialité comme les IPA (India Pale Ale) ou les Pale Ales dans leur assortiment. Et à des prix nettement plus avantageux.

Katja Inauen a 31 ans et a suivi ces derniers mois une formation de sommelière en bière. Elle confirme aussi que la tendance aux bières de spécialité est en plein essor. L'Appenzelloise décrypte: «Même si la lager reste en tête, la scène des craft beers est toujours en pleine croissance.» En sortie ou lorsque les températures sont élevées, elle préfère la bière blonde de basse fermentation de la région. Mais pour accompagner un bon repas, cette employée de la restauration apprécie ensuite une bière de fermentation haute plus sophistiquée, comme une IPA ou une Dubbel belge.

Les chiffres publiés vendredi par le site de vente en ligne brack.ch à l'occasion de la Journée internationale de la bière corroborent l'évaluation de Katja Inauen: la lager reste la bière la plus achetée, suivie par les mélanges de bières et les India Pale Ales, peut-on lire dans un communiqué. La bière artisanale en général, et pas seulement l'IPA, jouit d'une popularité croissante.

La bière sans alcool progresse de 20%

En matière de bière, la palme revient toutefois aux bières sans alcool. Chez brack.ch, près d'une bière sur trois vendue ne contient presque plus d'alcool. Sur l'ensemble de la Suisse, la consommation de bière sans alcool a augmenté de 20% en 2022.

Christoph Lienert de l'Association des brasseries voit les raisons de cette évolution dans la diversité. Depuis longtemps, il n'y a pas seulement des lagers à 0%, mais aussi des bières de blé ou des IPA. «Les procédés sont devenus plus simples, le goût s'est amélioré», explique Christoph Lienert. Enfin, cette tendance est sans doute liée à la prise de conscience des consommateurs en matière de santé.


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