L'erreur est humaine: un e-mail peut facilement arriver dans la mauvaise boîte mail suite à une faute de frappe. L'Institut suisse de droit comparé (ISDC), entité autonome de la Confédération basée sur le site de l'Université de Lausanne (UNIL), n'a pas été épargné par ce type de maladresse. Souvent, ces envois erronés n'ont pas de grandes conséquences. Mais cette fois, un courriel mal orienté de la vice-directrice de l'Institut a porté un coup à la confiance interne de l'entreprise. L'atmosphère y est dorénavant très pesante, rapporte le «Tages-Anzeiger».
Que s'est-il passé exactement? La vice-directrice commet son premier faux pas en septembre 2020, dans un courriel adressé à la directrice. Dans cet e-mail, elle se plaint d'une collaboratrice. Cette dernière n'aurait pas respecté ses souhaits pour la conception d'une affiche.
Elle suggère à sa supérieure de se pencher sur la responsable de la faute lors du prochain entretien de développement personnel, et de la sanctionner par une mauvaise note – avec de possibles conséquences négatives sur son salaire.
Plusieurs enquêtes déjà menées
Ce que la sous-directrice n'a pas réalisé: son e-mail n'a pas seulement été envoyé à la directrice, mais aussi à tous les collaborateurs de l'institut, en raison d'une adresse de distribution erronée. Les destinataires, furieux, ont alors soutenu leur collègue ciblée, rapporte le «Tages-Anzeiger». La collaboratrice concernée s'est ensuite absentée pendant une longue période, pour cause de maladie.
L'Institut de droit comparé reçoit chaque année environ huit millions de francs de la Confédération. En contrepartie, une équipe internationale de juristes fournit à l'administration fédérale une expertise précieuse en droit pénal, droit de la famille, droit administratif ou encore en droit économique international.
Depuis cet email mal orienté, l'atmosphère est lourde à l'Institut de droit comparé. En automne, le Contrôle fédéral des finances (CDF) a contrôlé l'institut en raison de doutes sur l'orientation professionnelle de l’institution.
La raison: de plus en plus d’importance est attribuée au droit économique international (la spécialité de la vice-directrice), alors que l’institut est en majorité sollicité concernant du droit pénal, droit de la famille et droit administratif. En conséquence de l'ambiance exécrable au sein de l'institution, les sondages du personnel de la Confédération affichent depuis des années des résultats déplorables.
90% se méfient de la direction
En effet, en 2021, un sondage du syndicat des employés de la Confédération, a révélé de très mauvais résultats: 65% des personnes interrogées ont indiqué qu'elles n'avaient pas confiance en leurs supérieurs, et 90% se méfiaient de la direction pour prendre de bonnes décisions. Ils étaient jusqu'à 94% à reprocher à cette même direction de ne pas aborder les problèmes urgents.
L'affaire des e-mails n'est pas restée sans conséquences. Plusieurs femmes auraient alors formulé des reproches à l'encontre de la vice-directrice, rapporte le «Tages-Anzeiger». Parmi eux, le cas des congés maternité. Certaines employées se sont vu retirer des tâches pendant leur absence post-accouchement. Ce n'est qu'à leur retour que ces dernières se seraient aperçues que d'autres exerçaient désormais leur rôle.
De nombreux cas similaires de discrimination ont été reportés. Une juriste aurait déclaré que la sous-directrice lui avait remis une offre d'emploi provenant d'une autre entreprise: l'employée en question l'a ressenti comme une invitation à quitter l'Institut. Au moins trois jeunes mères se seraient senties isolées et rabaissées. Certaines se seraient en outre plaintes de réductions de salaire, justifiées par des restructurations. En 2021, un ancien juge fédéral est d'ailleurs intervenu pour examiner les reproches à l'encontre de la vice-directrice.
Le président minimise l'affaire
La direction tente en revanche d'apaiser les tensions. Le président de son conseil prend systématiquement la défense de la vice-directrice critiquée. Elle a «un style qui ne plaît pas à tout le monde», mais elle prend aussi des décisions qui font bouger les choses. Elle a également modifié son comportement «pour éviter les erreurs et les malentendus».
Pour la sous-directrice elle-même, l'affaire est classée depuis longtemps. «L'e-mail était certainement une erreur et toute l'équipe en a été immédiatement informée. Nous partons du principe que les malentendus ont été résolus», fait-elle savoir. Elle ne peut pas en dire plus «en raison de la confidentialité des affaires du personnel».
Le président, quant à lui, conclut: «L'e-mail a été douloureux pour la personne concernée, mais n'a pas, à mon avis, l'importance que certains lui accordent». Le personnel semble cependant voir les choses différemment.