La transparence selon l'OFSP
Les contrats des vaccins Covid rendus publics, mais caviardés

Grâce à la pression exercée par le Préposé fédéral à la transparence, la Confédération avait promis qu'elle rendrait publics les contrats relatifs aux vaccins contre le Covid. C'est chose faite... mais pas de la manière dont on l'attendait.
Publié: 03.08.2022 à 16:11 heures
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Dernière mise à jour: 03.08.2022 à 16:12 heures
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Une page du contrat avec Pfizer: l'OFSP a caviardé toutes les indications concernant les prix.
Photo: BAG
Sermîn Faki, Lea Hartmann, Daniel Ballmer

C'était une victoire pour l'avocat Rémy Wyssmann. Et pourtant, le juriste et député UDC du canton de Soleure n'a aujourd'hui plus aucune raison d'être satisfait.

Voici un gros mois, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) avait annoncé donner suite à la requête de l'homme de loi et que tous les documents contractuels avec les entreprises Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Janssen, Novavax et Curevac allaient être rendus publics.

Tout ce qui est pertinent est caviardé

C'est chose faite ce mercredi... et cela ne nous amène absolument rien. La raison: tout ce qui est pertinent est caviardé. Des informations sur le prix payé par vaccin? Un rectangle noir. Sur les responsabilités des fournisseurs? Un rectangle noir. Combien de doses livrées, et où? Un rectangle noir.

La Confédération a été tellement zélée sur le caviardage qu'elle n'a même pas rendu public le délai de paiement de la somme (rectangle noir) convenue pour les vaccins livrés. Même les informations sur la manière dont les professionnels de la santé doivent utiliser les vaccins sont caviardées.

En somme, ce qui reste après toutes ces ratures est peu ou prou un chablon de ce dont vous avez besoin si un jour vous voulez commencer un contrat avec une entreprise pharmaceutique. En commençant à zéro.

La transparence, un «mot étranger»

«C'est tout simplement ridicule!, s'enflamme Rémy Wyssmann. Les contribuables et citoyens ont le droit de connaître les prix et les risques liés à la responsabilité. Nous n'avons aucune information à ce sujet, ce qui prouve que la transparence reste un mot étranger à la Confédération.»

Après le refus initial de l'OFSP de rendre publics les contrats de vaccins, l'élu UDC s'était adressé l'an dernier au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, Adrian Lobsiger.

Ce dernier, après avoir entendu les entreprises pharmaceutiques concernées, était arrivé à la conclusion que, de son point de vue, l'OFSP devait publier les contrats de vaccins. L'office avait alors annoncé qu'il rendrait les contrats publics d'ici fin juin, lorsque l'approvisionnement en vaccins pour 2023 serait terminé.

Les entreprises pharmaceutiques se sont défendues

Le Conseil national s'était également prononcé en faveur de la publication des contrats, mais le Conseil des Etats s'y est opposé. L'association des entreprises pharmaceutiques avait averti que la Suisse ne respecterait pas ses engagements si le montant payé pour une dose de vaccin Covid était rendu public. La future sécurité d'approvisionnement en vaccins serait ainsi menacée, même à long terme.

Des arguments qui ne convainquent pas Rémy Wyssmann. «Le principe de transparence est ancré dans la Constitution fédérale, mais l'OFSP préfère se prosterner devant les groupes pharmaceutiques américains — qui ont d'ailleurs des obligations de publication nettement plus importantes dans leur propre pays!»

Rémy Wyssmann refuse de plier

Pas question pour le Soleurois d'abandonner si vite la partie. «Je vais déposer une demande pour que les caviardages soient levés. Et je vais également demander la correspondance issue de la procédure d'audition avec les entreprises pharmaceutiques», promet Rémy Wyssmann.

Selon l'OFSP, les entreprises pharmaceutiques auraient souhaité garder encore plus d'informations secrètes. Certaines demandes de caviardage des entreprises ont été rejetées, «car elles ne pouvaient pas être justifiées de manière compréhensible par le secret des affaires», écrit l'autorité. Le document aurait donc pu être plus noir encore...

«No comment» des autorités

Avec toutes ces informations retenues, les fonctionnaires de l'OFSP considèrent-ils que la transparence exigée par le Préposé fédéral à la transparence est vraiment remplie? L'OFSP ne répond pas à cette question. Interrogé à ce sujet, l'office a indiqué qu'il n'avait pas non plus l'intention de rendre les contrats entièrement publics à l'issue d'un délai convenu avec les entreprises pharmaceutiques. La loi sur la transparence ne le prévoit pas, explique l'OFSP.

Le Préposé fédéral à la protection des données ne souhaite pas prendre position sur ces publications pour le moment. Ce n'est que dans le cadre d'une éventuelle nouvelle procédure de médiation qu'il donnera son avis, dans une éventuelle recommandation.

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