Mercredi dernier, le Conseil fédéral a approuvé les plans de la ministre de la Défense Viola Amherd visant à faire participer l'armée à deux programmes de PESCO (ndlr: Permanent Structured Cooperation). Ce cadre de coopération, qui permet aux États membres de l'Union européenne de collaborer en matière de défense, rapproche un peu plus la Suisse et l'UE sur le plan militaire.
Le premier programme vise à garantir que les troupes étrangères puissent franchir plus facilement les frontières suisses. L'objectif? Un «Schengen des forces armées». Le deuxième programme veut rendre possible des exercices communs de cyberdéfense. Ce qui ne manque pas de provoquer des remous: l'Ukraine souhaite également renforcer sa coopération avec l'UE dans ce domaine.
«Les soldats de milice suisses s'entraîneront-ils à l'avenir avec des cyberforces ukrainiennes ayant fait leurs preuves en temps de guerre?», questionnent notamment les journaux de Tamedia.
En réalité, les exercices communs avec l'Ukraine existent depuis longtemps. Fin avril, dix spécialistes IT de l'armée suisse se sont rendus à Tallinn, en Estonie, pour participer aux grandes manœuvres Locked Shields de l'OTAN. Avec eux? Des soldats de 40 autres pays, dont des cyber-soldats de Kiev.
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Le scénario? Une attaque contre des infrastructures de l'État
L'exercice a lieu chaque année, et pour la première fois, l'Ukraine y a également participé. La Suisse n'est certes pas membre de l'OTAN, mais elle collabore avec l'organisation dans le cadre du «Partenariat pour la paix». L'entraînement en Estonie est organisé par le Centre de compétence de l'OTAN pour la cyberdéfense, un centre de formation pour la lutte contre l'espionnage numérique et le terrorisme informatique en Europe.
En Estonie, les militaires ont joué un scénario fictif dans lequel un ennemi non identifié s'attaquait aux différentes infrastructures de l'État: hôpitaux, fournisseurs d'électricité ou encore organes de sécurité. Les pays de l'OTAN et leurs alliés ont coordonné la défense.
Le Département de la défense (DDPS) a intitulé un communiqué de presse sur le sujet «Ensemble, nous avons réussi». «En participant à cet exercice, le commandement Cyber a pu travailler simultanément avec des partenaires internationaux et nationaux. Les processus ont ainsi été consolidés, le savoir-faire échangé et de nouvelles connaissances acquises.» Le communiqué de presse n'a pas mentionné la présence de l'Ukraine.
Les cyberspécialistes de l'armée n'ont pas été les seuls à participer à l'exercice. Des exploitants d'infrastructures suisses y ont également pris part: des experts informatiques des CFF, de la Poste ou de l'opérateur boursier SIX Group, par exemple.
La Suisse en équipe avec l'Autriche et les États-Unis
Est-il compatible avec la neutralité suisse que notre armée s'entraîne avec l'Ukraine, une partie belligérante? D'autant plus que les scénarios sont d'une amère réalité: la Russie ne s'attaque pas seulement aux infrastructures de l'Ukraine, mais elle lance aussi de plus en plus d'attaques numériques contre des États d'Europe occidentale, dont la Suisse.
Le porte-parole de l'armée Stefan Hofer souligne qu'il n'y a pas eu de collaboration «directe» avec les experts ukrainiens en Estonie. «Une participation simultanée et indépendante de la Suisse et de l'Ukraine à un exercice international ne correspond pas à un soutien militaire à une partie belligérante et est compatible avec la neutralité de la Suisse.» En Estonie, la Suisse a formé une équipe avec des soldats d'Autriche et des Etats-Unis.