Après sa rencontre avec le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg mercredi dernier, la ministre de la Défense Viola Amherd s'est présentée devant les caméras et a tenu des propos étonnants: «Le fait que la Suisse interdise la réexportation de matériel de guerre n'est pas compris.»
C'est étonnant parce que la conseillère fédérale du Centre avait déjà fait cette déclaration pratiquement mot pour mot quelques jours auparavant, lors de l'assemblée des délégués de la Société des officiers. Les critiques de l'UDC avaient alors fusé. Le conseiller national d'Appenzell Rhodes-Extérieures David Zuberbühler a reproché à Viola Amherd d'avoir violé le principe de collégialité.
Le fait que la cheffe de la Défense en ajoute une couche choque David Zuberbühler: «Il est incroyable que Viola Amherd présente quasiment des excuses à l'étranger pour la position de la Suisse.» Selon lui, la Confédération ne doit en aucun cas céder à la pression. Car la position du Conseil fédéral est claire: pas de réexportation vers des régions en guerre. «Si nous abandonnons la neutralité, nous mettons en danger la sécurité de la Suisse.»
«Une pique avec le bout d'un canon»
Mais alors pourquoi Viola Amherd a-t-elle répété sa déclaration controversée? Son département reste discret. Le porte-parole Lorenz Frischknecht se contente d'indiquer: «Les explications de la ministre sont évidentes; nous ne nous prononcerons pas davantage.»
Pour la conseillère nationale socialiste soleuroise Franziska Roth, la raison d'une telle déclaration ne fait pas de doute: «Ce n'était pas seulement une pique, mais une pique avec le bout d'un canon.» Avec ses déclarations, Viola Amherd demanderait indirectement au Parlement d'enfin trouver une issue à l'impasse.
Plusieurs indices laissent penser que c'est ce qu'il va se passer. Franziska Roth relève par exemple le fait que la Commission de la politique de sécurité du Conseil des États a invité des experts pour discuter des enjeux en termes de droit international que comporterait une aide indirecte à l'armement de l'Ukraine.
Si le Conseil des États donne son feu vert à une initiative parlementaire qui va précisément dans ce sens, la commission sœur du Conseil national sera invitée à rédiger un texte de loi. Les travaux sur une proposition correspondante sont déjà avancés, affirme Franziska Roth.
La Suisse aurait les mains liées
La résolution 377(V) des Nations unies, intitulée «Unis pour la paix», joue un rôle important dans les débats autour de la réexportation d'armement suisse. Elle a été adoptée en 1950 afin de préserver la capacité d'action de l'Assemblée générale de l'ONU au cas où le Conseil de sécurité serait bloqué par un veto. Si un pays en attaque un autre en violation du droit international, l'Assemblée générale peut recommander des mesures visant à rétablir la paix.
Problème: il manque un levier juridique à la résolution 377(V). Le diplomate et journaliste suisse Paul Widmer explique: «'Uniting for Peace' ne change rien à l'affaire. L'Assemblée générale peut exprimer un point de vue majoritaire, mais seul le Conseil de sécurité prend des décisions juridiquement contraignantes.» Il ne s'agirait donc que d'une intervention politique, qui ne permettrait pas à la Suisse de lever l'interdiction de réexportation: «Un pays peut éventuellement légitimer une décision ainsi, mais la résolution ne fournit pas de base juridique.»
Actuellement, la Suisse a les mains liées, constate donc Paul Widmer. Elle ne peut pas autoriser la réexportation d'armes de sa propre production, car la loi sur le matériel de guerre l'interdit.
Le droit de la neutralité en question
Afin d'avancer, le Parlement doit supprimer la clause de non-réexportation, affirme Paul Widmer: «Ce que les acheteurs d'armes produites en Suisse feront plus tard avec ce qu'ils ont acquis en temps de paix est de leur responsabilité.»
Pour la socialiste Franziska Roth, l'argument juridique ne compte toutefois pas dans le cas de l'attaque de la Russie contre l'Ukraine: «Comme la Convention de La Haye sur le droit de la neutralité ne règle pas les réexportations, elle ne les interdit pas non plus.» C'est pourquoi la résolution de l'Assemblée générale ne doit en aucun cas être juridiquement contraignante. «Il ne s'agit pas d'outrepasser le droit de la neutralité par une décision de l'ONU.»
Le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg a souligné à plusieurs reprises que la neutralité n'était pas le problème, explique Franziska Roth: «Une réexportation serait absolument correcte du point de vue du droit international.»