C’est une loi controversée qui commence déjà à créer des problèmes. En mars de cette année, la Suisse a adopté la loi qui interdit de se dissimuler le visage. Au-delà des signes religieux comme la burqa, la loi prévoyait a priori d’empêcher de se couvrir le visage dans les lieux publics à part dans certaines situations comme les cas de force majeure sanitaire qui obligent à porter un masque.
La confédération a toutefois décidé de faire des exceptions pour les manifestations, entre autres. Une décision qui provoque l’incompréhension et des réactions marquées de la part de certains politiciens. C’est le cas du conseiller national du Centre, Philipp Matthias Bregy, qui souligne l’incohérence sur Twitter.
«Sérieusement? Malgré l’interdiction du port du voile, masquer son visage pourrait être autorisé lors de manifestations? Pour moi, la proposition du Conseil fédéral sur ce point est inacceptable.», écrit le conseiller national en début de tweet.
La décision du Conseil fédéral peut susciter l’étonnement. Outre le port du voile par les femmes musulmanes, les initiateurs du comité d’Egerkingen, dirigé par le conseiller national UDC Walter Wobmann, s’étaient également opposés à la possibilité de se dissimuler les visages pour les manifestants. Le gouvernement national, de son côté, en a décidé autrement. Pour garantir la préservation de droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et la liberté de réunion, le Conseil fédéral estime que les manifestants devraient être exemptés de l’interdiction de se dissimuler le visage.
«Nous n’avons pas besoin d’une 'lex black bloc'!»
Le Conseil fédéral fait valoir que les manifestants ont un intérêt légitime à ne pas montrer leur visage en public car ils «peuvent craindre d’être discriminés ou désavantagés s’ils se révèlent être des sympathisants d’une certaine cause». Toutefois, cette exception ne devrait s’appliquer que tant que «l’ordre et la sécurité publics ne sont pas compromis».
Walter Wobmann estime que des discussions devront encore se tenir à ce sujet. Des exceptions devraient être ajoutées à la loi comme pour les personnes qui sont menacées par un service secret étranger par exemple. À part ces cas précis, le conseiller national estime que la loi doit rester ferme. Cet article recensant les exceptions ne doit pas se transformer en «porte ouverte pour les manifestants».
Philipp Matthias Bregy va encore plus loin. Il estime que la proposition du Conseil fédérale est tout simplement inacceptable. Plusieurs élus le soutiennent activement: parmi eux, le président du centre droit, Gerhard Pfister, la présidente de la Commission de sécurité du Conseil national Ida Glanzmann et le président des jeunes UDC David Trachsel. Le Parlement devra apporter des améliorations à cet égard: «Nous n’avons pas besoin d’une 'Lex Black Block'!», fustige le conseiller national du centre.
L’interdiction ne doit pas contredire les autres droits fondamentaux
Marc Schinzel, de l’Office fédéral de la justice, tempère: «Nous aussi, nous voulons éviter que les rassemblements ne servent à camoufler des infractions à la loi. Toutefois, l’article de loi ne doit pas contredire les autres droits fondamentaux.» Il convient donc de prévoir diverses exceptions, comme le veut la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le politicien rattaché au PLR cite plusieurs exemples où l’interdiction de se dissimuler le visage pourrait être enfreinte dans un but protestataire: des masques à gaz pourraient être utilisés pour manifester en faveur d’un air pur, des masques de vache pour un élevage proche de la nature, ou des masques personnalisés contre des hommes politiques connus. Ces formes d’expression visuelle relèvent de la liberté d’expression. «Les personnes masquées qui sèment le trouble, en revanche, tombent clairement sous le coup de l’interdiction», précise Marc Schinzel. (dba/mkl)