Il fait 20 degrés, le soleil brille. Johanna Bundi Ryser, est assise à la terrasse d'un restaurant à Berne, où elle boit un chocolat chaud. Cette femme originaire des Grisons est à la tête de la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP) depuis cinq ans.
Si le peuple vote en faveur de la loi antiterroriste le 13 juin, cela affectera le travail des plus de 26'000 policiers que Johanna Bundi Ryser représente. À l'avenir, ils pourraient prendre des mesures préventives contre les menaces terroristes en imposant des obligations de parler, des interdictions de contact ou des assignations à résidence.
Si la loi est acceptée, et selon la façon dont elle sera interprétée, il sera possible de punir des personnes qui n'ont pas encore commis de délit. Est-ce vraiment une bonne chose?
Johanna Bundi Ryser: Ni la FSFP, ni la loi en tant que telle ne visent à punir qui que ce soit. Au contraire. Aujourd'hui, les policiers rencontrent parfois des personnes qui sont en train de basculer du mauvais côté de la loi et les regardent lentement s'éloigner du droit chemin, sans rien pouvoir faire. À l'avenir, la police pourra obliger une personne à lui parler. Il s'agit de mesures sociales et non répressives.
Johanna Bundi Ryser (58 ans) est présidente de l'Association des policiers suisses (FSFP) depuis 2016 et représente les intérêts de quelque 26'000 policiers. La Grisonne est la première femme à diriger l'association. Elle a d'abord travaillé comme agent de police dans le canton des Grisons, avant de déménager en région Bernoise.
Johanna Bundi Ryser (58 ans) est présidente de l'Association des policiers suisses (FSFP) depuis 2016 et représente les intérêts de quelque 26'000 policiers. La Grisonne est la première femme à diriger l'association. Elle a d'abord travaillé comme agent de police dans le canton des Grisons, avant de déménager en région Bernoise.
Si quelqu'un prépare une attaque terroriste, c'est pourtant déjà une infraction punissable.
Oui, mais ces actes préparatoires sont sévèrement punis. Les mesures préventives de la loi antiterroriste ne consistent pas à emprisonner quelqu'un immédiatement. Mais elles vous donnent accès aux personnes concernées, qui ne chercheront peut-être pas à se faire aider elles-mêmes.
N'est-ce pas la tâche des services sociaux?
Nous les entendons souvent dire qu'ils ne peuvent rien faire. La police s'occupe alors des personnes concernées - et désespère car elle a les mains liées. Tout le monde se refile la patate chaude.
La police pourrait-elle faire appliquer les nouvelles mesures?
C'est une question légitime. Si la loi antiterroriste est adoptée, la police devra assumer des tâches supplémentaires. Il faudra davantage de policiers, sinon la pression sur nos équipes sera trop forte.
À l'avenir, une jeune fille de 12 ans pourrait se voir interdir l'accès à un lieu ou être obligée de renoncer à certains contacts. C'est exagéré, non?
Il faut recontextualiser. Nous parlons ici de mesures préventives dans l'une des pires catégories d'infractions, à savoir les attentats terroristes. Un enfant peut, par exemple, être manipulé psychologiquement pour participer à une action. Nous considérons donc que cela fait partie de la palette de prévention des attentats.
Combien de fois vous est-il arrivé d'envisager de prendre des mesures contre un enfant de 12 ans?
C'est difficile à dire. Mais il existe des moments-clés où les jeunes risquent d'entrer en contact avec des contenus liés à de la pensée radicale. Nous devons abandonner l'idée que les garçons ne lisent que «Robin des Bois» à la maison.
Néanmoins, les représentants de l'ONU et du Conseil de l'Europe critiquent le fait que la loi viole les droits de l'enfant.
Les mesures ne concernent pas tous les jeunes. Nous ne parlons que de ceux qui risquent de fréquenter les milieux terroristes. Et ils ne marchent pas dans les rues avec un «T» sur le front.
Une policière veut, à juste titre, faire tout ce qu'elle peut pour empêcher une attaque terroriste. N'y a-t-il pas un risque que vous ordonniez des mesures préventives en cas de doute?
De tels ordres ne peuvent jamais être décidés par une policière seule. Diverses autorités sont impliquées: des connaissances spécialisées sont nécessaires. Ces décisions ne sont certainement pas prises impulsivement ou sur un coup de tête. Il s'agit d'un long processus impliquant de nombreux experts. C'est ainsi que l'on peut s'assurer que les mesures ne sont pas ordonnées à la légère.
Mais il n'est pas nécessaire d'obtenir une décision de justice pour ces mesures - à part l'assignation à résidence. Les opposants avancent que cela transforme la police en juges et bourreaux.
Si la décision revenait à une policière ou à un canton, je pourrais comprendre l'argument. Mais ce n'est pas le cas. En outre, les personnes concernées peuvent recourir contre toute mesure auprès du Tribunal administratif fédéral.
Mais cela exige une grande confiance en la police. Il existe des exemples comme celui des Grisons, où les policiers ont menotté Adam Quadroni, le dénonciateur du cartel de la construction, et auraient ensuite falsifié des documents. Ils ne favorisent pas cette confiance.
Je ne peux pas faire de commentaires sur ce cas précis. Lorsque des erreurs se produisent dans la police, elles font l'objet d'une enquête et ont des conséquences. Cela me paraît juste.
Les attentats de Morges et Lugano auraient-ils pu être évités avec la loi antiterroriste?
C'est une question hypothétique à laquelle je ne peux pas répondre. Il serait cependant possible de prévenir de tels actes grâce aux mesures préventives prévues par la loi antiterroriste.
Les mesures préventives sont-elles suffisantes pour arrêter une personne dangereuse? Un assassin islamiste ne se laissera guère arrêter par un interrogatoire de police.
Il existe des personnes dont l'idéologie est si forte qu'il est impossible de les empêcher de commettre une attaque terroriste. Mais même si une poignée de personnes revient à la raison grâce à des mesures préventives, un grand pas aura été franchi.