Le Suisse Samuel Reiber* est en colère. L’ancien mécanicien, qui vit au Brésil depuis dix ans, a reçu début mai une lettre de sa banque lui annonçant la fermeture de son compte. «Je me sens exclu en tant que Suisse de l’étranger», se plaint cet Argovien qui a vécu à Wettingen pendant des décennies. «L’argent provient de mon épargne et d'une partie de ma caisse de pension. Le tout a été déclaré et taxé correctement.»
Il a malgré tout reçu un avis de résiliation de son compte à la Banque cantonale d’Argovie (AKB). Dans le courrier, qui a mis plus de deux mois à voyager depuis l’Aar jusqu’en Amazonie, la banque justifie cette mesure par le règlement qui limite les activités bancaires transfrontalières.
Concrètement, cela signifie que la Banque cantonale d’Argovie doit se limiter à offrir ses services exclusivement à des clients en Suisse et dans les pays voisins. Toute personne vivant au Brésil ou dans une autre région plus éloignée n’a pas cette chance. Par conséquent, il n’est pas possible de faire recours contre la décision de l’AKB. «A la fin de l’année, je transférais à chaque fois 150 francs pour que le compte ne soit pas sans mouvement», raconte Samuel Reiber. Malgré tout, cette relation bancaire qui durait depuis des années a pris fin brutalement.
La fin d’une relation bancaire
Lorsque Samuel Reiber a perdu son emploi il y a dix ans, il a émigré dans le pays d’origine de sa femme. Il a réparti ses économies et l’argent de sa caisse de pension entre deux comptes bancaires. Il a ouvert un de ces comptes auprès de l’AKB au lendemain de la crise financière afin de réduire les risques en cas de futur krach boursier.
A-t-il envisagé de transférer l’argent au Brésil? Pas vraiment, car cela entraînerait des taxes élevées. «Il est incompréhensible qu’en tant que citoyen suisse, je ne puisse pas déposer mon argent dans une banque suisse», assène l’Argovien, qui se sent abandonné.
Dans un an, l’ex-mécanicien devrait être capable de toucher son AVS. En attendant, il vit de ses économies et effectue occasionnellement des travaux d’entretien sur les piscines du quartier.
«La situation est scandaleuse»
Le Suisso-Brésilien n’est pas le seul à s’inquiéter. Quelque 770'000 Suisses vivent à l’étranger et rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit d’ouvrir un nouveau compte bancaire – ou tout simplement de garder l’ancien.
C’est une question qui fâche depuis longtemps l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE), explique son président d’honneur Remo Gysin. «La situation est insatisfaisante depuis des années, malgré les nombreuses interventions de l’OSE. Elle est scandaleuse pour certains Suisses de l’étranger.»
«L’égalité de traitement n’est évidemment pas au cœur des préoccupations des banques suisses. Pas même pour celles qui ont été sauvées de la faillite par l’État», s’emporte-t-il.
Son dernier compte va-t-il pouvoir rester ouvert?
Les querelles en Suisse ne sont d’aucune utilité pour l’ancien mécanicien du lointain Brésil. Il est anxieux: «Chaque fois que je reçois du courrier, je tremble et j’ai peur que mon autre banque annule également mon compte.»
Tout son argent est maintenant sur un seul compte, dans une institution financière qui applique un taux d’intérêt négatif même sur des montants faibles. Le Suisso-Brésilien n’a donc aucune chance d’échapper à l’intérêt de pénalité.
*Nom modifié par la rédaction