Le thermomètre approche des 30 degrés, le ciel est d'un bleu d'azur. Pour la période de l'année, il fait déjà bien trop chaud lors de la visite de Blick chez Rosmarie Wydler-Wälti, il y a quelques semaines.
Pour cette Bâloise de 72 ans, la météo est plus qu'un simple sujet de «small talk». Cette femme élancée aux longs cheveux gris, qui a huit petits-enfants, est en train de porter plainte contre la Suisse devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
«Un de ces jours», sans doute cette année encore, elle se présentera à Strasbourg en tant que plaignante avec son association Ainées pour la protection du climat. Leur reproche: la Suisse ne fait pas assez pour protéger les femmes âgées des conséquences de la catastrophe climatique, et des vagues de chaleur.
Le déclic de 2003
Rosmarie Wydler-Wälti est la coprésidente de l'association, créée par l'ONG Greenpeace précisément pour ce type de plainte, et qui revendique près de 2000 membres en Suisse. La conseillère en éducation en est la figure de proue.
Lors de la canicule de l'été 2003, les femmes de plus de 75 ans ont été particulièrement touchées, en particulier parmi les décès consécutifs à cet été brûlant. Or, en Suisse, les plaignants doivent faire valoir un «préjudice direct» pour pouvoir saisir la justice.
Greenpeace avait donc besoin de femmes comme Rosmarie Wydler-Wälti pour pouvoir déposer plainte. Une bonne cliente, comme l'on dit: «C'est ma génération qui a provoqué le désastre», affirme férocement la Bâloise, qui a toujours été écologiste dans l'âme. «Ce qu'on appelait environnement à l'époque est devenu climat, mais ça veut dire la même chose.»
En 1975, lors des grandes manifestations contre la centrale nucléaire prévue à Kaiseraugst, elle était en première ligne. «Mes beaux-parents ne comprenaient pas du tout, ils trouvaient ça insolent de protester contre les projets du Conseil fédéral», se souvient la septuagénaire.
Déboutée par toutes les instances
«RWW» est présente depuis la création des Ainées pour la protection du climat, en 2016. «Pendant longtemps, on ne nous a pas vraiment prises au sérieux, dénonce-t-elle. J'ai été invitée à l'émission Arena de SRF. Les hommes ont beaucoup parlé, je n'ai pas pu en placer une», raconte-t-elle dans son dialecte bâlois.
La plainte a déjà fait beaucoup de chemin en Suisse. D'abord chez... Doris Leuthard, l'ancienne ministre de l'Environnement, puis au Tribunal administratif fédéral et au Tribunal fédéral, la plus haute juridiction du pays. À chaque fois, l'association a été déboutée. Parfois pour des raisons formelles, mais pas seulement: le TF a estimé qu'il y avait encore du temps pour atteindre les objectifs climatiques. «Cela nous a énormément déçus. Cet argument est juste honteux», réagit la dame de 72 ans.
Le peuple suisse n'a pas non plus soutenu les Ainées pour la protection du climat, puisque la nouvelle loi sur le CO₂ a échoué dans les urnes. Mais elle n'a pas abandonné l'idée de convaincre, puisqu'elle fait partie du comité de l'initiative sur les glaciers. «Si nous gagnons, chaque habitant du pays gagne», assure-t-elle.
Un signal pour la Suisse?
Dans l'immédiat, la suite de la partie devrait se dérouler à Strasbourg. La Cour européenne de justice prend la plainte plus au sérieux que les tribunaux suisses, à en entendre les écologistes. Selon Greenpeace, cela se reflète par le fait que la requête a été transmise à la Grande Chambre — la plus haute instance de la Cour.
Les activistes s'attendent à ce qu'une audience publique soit prévue encore cette année, au cours de laquelle la chambre devra décider si les droits humains des femmes ont été violés par une politique de protection climatique déficiente.
Les plaintes de ce type ne sont pas tout à fait nouvelles. À la suite d'un jugement de la Cour constitutionnelle allemande, le gouvernement a dû améliorer la protection du climat. Des plaintes similaires ont été déposées dans différents pays européens, et Greenpeace est souvent impliqué.
Un jugement dans l'affaire des «Ainées pour la protection du climat» aurait un effet de signal bien au-delà de la Suisse, car 47 Etats ont ratifié la Convention européenne des droits de l'homme. Dans notre pays, une telle décision mettrait les autorités sous pression — même si les lois correspondantes doivent toujours être négociées par la voie politique.