La contraception hormonale n’a pas la cote sur les réseaux sociaux: de plus en plus de femmes et influenceuses racontent en ligne comment elles ont abandonné la pilule. Malgré un retour d’acné ou de fortes douleurs menstruelles les premiers mois qui suivent l’arrêt, la plupart dit être soulagée de ne plus ressentir de sautes d’humeur.
Une enquête de l’Office fédéral de la Statistique (OFS) publiée en début d’année confirme cette tendance, notamment chez les jeunes femmes de moins de 35 ans. Alors qu’en 1992, 67% d’entre elles utilisaient encore la pilule contraceptive, 25 ans plus tard, elles n’étaient plus que 45%. Tous groupes d’âge confondus, le recours à la pilule est passée de 52 à 33%.
Des effets secondaires moins importants que dans les années 1960
Bruno Imthurn observe également cette tendance. L’ancien directeur de la clinique d’endocrinologie à l’hôpital universitaire de Zurich explique dans une interview accordée Blick que de nombreuses femmes ont envie d’une contraception sans effets secondaires ni complications.
Bien qu’il comprenne parfaitement ce souhait, il n’hésite pas recadrer leurs propos: «Il est intéressant de constater que les effets secondaires et les risques de la pilule ont massivement diminué depuis son introduction dans les années 1960. À l’époque, la pilule était célébrée comme une grande réussite pour la libération des femmes. Aujourd’hui, cependant, l’accent est mis presque exclusivement sur ses complications. Il y en a, bien sûr, mais elles sont rares». Les risques beaucoup plus élevés de grossesse non désirée sont souvent ignorés.
Aucune innovation majeure en vue
Il ose une comparaison avec la situation sanitaire actuelle: «C’est presque comme le vaccin contre le Covid-19: ses détracteurs ne voient que les rares risques, mais pas ses avantages importants et les risques beaucoup plus élevés que représente une infection».
Selon le président du conseil scientifique et membre du conseil d’administration de la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique (SGGG), aucune innovation majeure n’est à prévoir dans le développement des modes de contraception. Entre-temps, les recherches sur une pilule contraceptive masculine ont pratiquement été abandonnées: «Il est beaucoup plus facile d’empêcher la maturation d’un ovule chez une femme que la création de plusieurs millions de spermatozoïdes chez un homme. En outre, les hommes sont également de plus en plus sceptiques à l’égard des hormones depuis quelques années».
Elles non plus ne veulent plus d’hormones
Les recherches menées par Blick montrent qu’une contraception sans hormones est un sujet de préoccupation majeure chez les jeunes femmes. L’étudiante Lara Rüedi de Kriens (LU) a la vingtaine. Son histoire ressemble à beaucoup de celles partagées sur les réseaux sociaux: «J’ai pris la pilule pendant environ deux ans jusqu’en janvier dernier. Puis j’ai arrêté de la prendre car je ressentais trop d’effets secondaires psychologiques». Elle a énormément souffert de ses sautes d’humeur, raconte-t-elle: «Ça ne me faisait plus du tout de bien».
Après en avoir discuté avec son gynécologue, elle a finalement arrêté de prendre la pilule. «Maintenant, je me sens beaucoup mieux», affirme la Lucernoise.
«Beaucoup de personnes de mon entourage me l’ont déconseillée»
La prise d’hormones semble en effet effrayer de nombreuses jeunes femmes. Caroline Scheffold, future assistante dentaire fribourgeoise, est catégorique: «Je ne prends pas la pilule car j’ai peur des effets secondaires. Beaucoup de personnes de mon entourage me l’ont déconseillée». La jeune femme de 17 ans est particulièrement rebutée par le risque de sautes d’humeur.
«Pourquoi est-ce toujours la femme qui doit trouver une contraception?»
Sophie Schafroth, une étudiante d’Ostermundigen, dans le canton de Berne, ne veut pas non plus de la pilule contraceptive. «Je n’ai pas de petit ami et je ne veux pas la prendre juste pour éviter d’avoir mes règles. Pour moi, c’est un bénéfice trop faible pour devoir prendre des hormones tous les jours», estime-t-elle. «Même si j’avais un petit ami, je préférerais opter pour une alternative sans hormones.» L’étudiante de 18 ans avance les mêmes arguments que les autres jeunes femmes interrogées: «Je ne veux pas m’imposer à moi et à mon entourage des sautes d’humeur soudaines».
La jeune femme critique également le fait que, dans la société, il est généralement acquis que c’est à la femme que revient le devoir de s’occuper de la contraception dans le couple: «Pourquoi est-ce toujours la femme qui doit trouver une contraception? Un homme peut tout aussi bien le faire!». Caroline Scheffold est d’accord: «Si les hommes doivent mettre un préservatif, ce n’est vraiment pas la fin du monde. Ils peuvent aussi faire quelque chose pour nous, les femmes!».
(Adaptation par Louise Maksimovic)